Les robots tondeuses : une révolution silencieuse au jardin

Les robots plus avancés exploitent des technologies modernes pour suivre un tracé méthodique, garantissant une couverture complète sans repasser inutilement au même endroit. © Getty Images

Le nouveau jardinier du dimanche est… un robot. Ces dernières années, les tondeuses autonomes se sont multipliées dans nos jardins. Plus accessibles et plus performantes, elles transforment notre rapport au gazon. Mais pourquoi un tel engouement ?

Le marché des robots tondeuses connaît une croissance fulgurante. Longtemps réservées à une clientèle aisée et à des jardins de grande taille, ces machines séduisent désormais un public beaucoup plus large. Il suffit de se rendre dans un magasin de bricolage grand public pour constater que les rayons en regorgent. Preuve que ces appareils ne s’adressent plus uniquement à une élite, mais bien à monsieur et madame Tout-le-Monde. La demande a d’ailleurs explosé ces dernières années, et rien n’indique que la tendance s’inversera.

Les chiffres sont éloquents. “Nos ventes sont restées relativement stables jusqu’en 2023. Mais en 2024, elles ont bondi de 82% par rapport à 2022”, observe Alex Hämmerli, porte-parole du site de vente en ligne Galaxus. La tendance s’accélère en 2025 : entre janvier et août, la plateforme a écoulé 157% de robots tondeuses supplémentaires par rapport à la même période un an plus tôt. Même constat chez EGO Power+, spécialiste européen des outils de jardinage sur batterie : “La demande ne cesse de croître en Europe depuis plusieurs années”, confirme Gerco de Graaf, directeur des ventes. Le groupe s’est d’ailleurs lancé sur le segment en 2024 pour répondre à cette appétence. Mais d’où vient cet engouement ? La réponse tient en deux points : connectivité avancée et concurrence chinoise.

De l’élite au grand public : la rupture technologique

Apparus à la fin des années 1990, les premiers robots tondeuses n’ont plus rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Encombrants, très coûteux et contraignants à installer, ils nécessitaient l’intervention de spécialistes et l’enfouissement de câbles périphériques. Bref, un luxe réservé à des propriétaires aisés. “Ces premières tondeuses avançaient de manière totalement aléatoire, tête baissée jusqu’à rencontrer un fil de délimitation, rappelle Gwenael Cadoret, informaticien et blogueur spécialisé (SiteGeek). Grâce aux avancées technologiques, leur fonctionnement s’est transformé, au point d’en faire des appareils réellement autonomes, faciles à installer et à utiliser.” Et c’est justement ce que cherchent les consommateurs aujourd’hui : “une technologie fiable, qui fonctionne en toute autonomie, sans nécessiter d’interventions constantes”, souligne également Gerco de Graaf.

La force de cette génération repose en grande partie sur ses technologies embarquées. Son GPS ou son système de navigation par satellite RTK permet de cartographier le terrain, alors que ses capteurs lidar assurent la détection des obstacles et des limites.” Une fois la typologie du terrain étudiée, l’utilisateur n’a plus besoin de surveiller la machine, si ce n’est pour éviter quelques mésaventures, comme une balle de tennis broyée par accident”, ironise Gwenael Cadoret. Via l’application dédiée, l’utilisateur peut même la contrôler à distance, choisir la hauteur de tonte ou encore programmer ses passages. Autre innovation discrète, mais essentielle : les batteries au lithium, plus performantes et plus durables. Elles offrent une autonomie prolongée sans perte d’efficacité.

“L’installation n’a jamais été aussi simple. Les modèles récents ne nécessitent plus de câbles enterrés ni de travaux préparatoires.” – Gwenael Cadoret (SiteGeek)

L’irruption des géants chinois

Si les marques historiques comme Husqvarna, Bosch ou Gardena ont petit à petit adopté ces nouvelles technologies, c’est véritablement l’arrivée d’acteurs venus de Chine qui a bouleversé le marché. Aujourd’hui, celui-ci est largement occupé, et ce, depuis quelques années, par des fabricants tels que Dreame, Ecovacs ou encore Eufy. Comment ont-ils conquis si vite le terrain ? En misant sur leur point fort : leur maîtrise logicielle. Les fabricants traditionnels étaient excellents sur la partie mécanique – moteurs puissants, robustesse des matériaux… –, mais restaient en retrait sur l’aspect connecté, souligne l’informaticien et blogueur. Les entreprises chinoises, déjà expertes dans les aspirateurs robots, ont su exploiter cette faiblesse en proposant des appareils extrêmement simples à mettre en route, avec une panoplie de fonctionnalités connectées avancées : programmation à distance, définition de zones interdites, réglages précis pour différentes surfaces.

Autre argument de poids : le prix. Comme pour l’électroménager, les marques chinoises ont cassé les tarifs tout en proposant des fonctionnalités avancées. Leur capacité à innover rapidement grâce à d’importants centres de recherche leur permet de lancer régulièrement de nouveaux modèles, pensés pour les terrains vallonnés ou complexes, par exemple. De plus, alors que les fabricants traditionnels appliquaient des prix proportionnels à la taille du terrain à tondre, les marques chinoises, elles, affichent des prix stables, quelle que soit la superficie du jardin.

Il y a tondeuse robot… et tondeuse robot

Dans les rayons de la grande distribution, il est possible d’acquérir un robot de tonte pour quelques centaines d’euros seulement, alors que les modèles chinois démarrent aux alentours des 1.000 euros et que leurs prix peuvent grimper.

Comment expliquer cela ? Tout simplement par leur fonctionnement et connectivité. Les modèles d’entrée de gamme, bien qu’équipés de capteurs, se déplacent de façon aléatoire et couvrent la pelouse de manière approximative, comme c’était le cas il y a 20 ans.

Les robots plus avancés, eux, exploitent des technologies modernes pour suivre un tracé méthodique, garantissant une couverture complète sans repasser inutilement au même endroit.

Fréquence de recharge

La seule limite est la fréquence de recharge : pour un grand terrain, le robot doit revenir plus souvent à sa base avant de finir son travail. Résultat : l’ancien leader, Husqvarna, qui contrôlait encore deux tiers du marché en 2022, ne détient plus aujourd’hui que 10% des parts, souligne Alex Hämmerli. “La promesse ‘réglez-la et oubliez-la’ est un argument de vente puissant”, souligne le porte-parole de Galaxus. “Les ménages recherchent de plus en plus des solutions d’entretien qui font gagner du temps, réduisent l’effort et limitent les émissions”, ajoute Gerco de Graaf (EGO Power+).

L’aspect esthétique joue également. “Ma pelouse est bien entretenue en permanence, sans aucun effort. C’est très plaisant à regarder”, nous confie Félicia, détentrice d’une tondeuse autonome. La régularité est en effet un atout décisif. Alors qu’une tondeuse traditionnelle dépend de la météo et des disponibilités de son propriétaire, un robot peut fonctionner en continu, même de nuit, sans bruit. “Quand on travaille, on reporte souvent la tonte au week-end. Mais si la pluie s’en mêle, on se retrouve avec une pelouse négligée pendant des semaines”, raconte Gwenael Cadoret. Enfin, l’aspect technologique pèse dans la balance. Posséder un appareil domotique qui prend en charge une corvée aussi banale que la tonte valorise l’utilisateur et contribue à l’image d’un foyer moderne et connecté.

Le revers de médaille

Comme pour tout appareil technologique, l’enthousiasme s’accompagne aussi de réserves. De nombreuses associations environnementales alertent sur les risques pour la biodiversité que représentent ces robots, malgré l’argument du “mulching naturel” avancé par les fabricants (le fait que l’herbe finement coupée serve d’engrais).

Pour préserver la faune nocturne, la Wallonie prépare un arrêté interdisant l’usage des robots tondeuses entre 18h et 9h. © Getty Images

“Un gazon ras et constamment entretenu empêche l’apparition de fleurs et menace la survie des pollinisateurs, rappelle Corentin Roland, chargé de mission ruralité chez Canopea. Ce n’est pas l’outil en soi qui pose problème, mais son utilisation. Il faudrait rationaliser les pratiques, par exemple en laissant des zones naturelles ou en optant pour une hauteur de coupe plus élevée (6 à 10 cm).” Ce qui est tout à fait possible avec les modèles les plus modernes. Via l’application, il est en effet possible de restreindre l’accès de la machine à certaines zones.

Un autre risque concerne la faune nocturne. De nombreux utilisateurs font tourner leur appareil la nuit, ce qui menace hérissons, grenouilles ou lézards. À tel point que la Wallonie prépare un arrêté interdisant l’usage des robots tondeuses entre 18h et 9h.

Quid des données personnelles?

Enfin, certains s’inquiètent des données personnelles collectées par ces machines de plus en plus connectées, surtout avec le déploiement de l’intelligence artificielle. Les robots enregistrent en effet des informations sur les jardins qu’ils entretiennent. Certains redoutent que ces données soient revendues, notamment par des fabricants chinois. Pour l’instant, cette crainte ne suffit toutefois pas à freiner la demande. “Le marché mondial des tondeuses robotisées devrait dépasser 5,5 milliards de dollars d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de plus de 10%. Ces chiffres soulignent que les tondeuses robotisées ne sont plus une niche, mais une catégorie courante dans l’entretien des pelouses”, avance Gerco de Graaf.

“Le marché mondial des tondeuses robotisées devrait dépasser 5,5 milliards de dollars d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de plus de 10%.” – Gerco de Graaf (EGO Power +)

L’édition 2025 de l’IFA de Berlin, l’un des plus grands salons européens dédiés aux technologies grand public et à l’électroménager, qui a eu lieu début septembre, en témoigne également : il était quasiment impossible de parcourir les allées sans croiser une tondeuse robotisée. Et ce n’est sans doute qu’un début. De nouveaux appareils connectés destinés aux extérieurs émergent déjà : arrosages intelligents, systèmes de surveillance de jardin, robots nettoyeurs de piscine, etc.

Une histoire belge

Le robot tondeuse est considéré par beaucoup comme une invention belge. En 1991, André Colens, ingénieur originaire de Rixensart, dépose plusieurs brevets pour une tondeuse autonome équipée d’un panneau solaire. Il revend plusieurs de ses idées à Husqvarna, qui lancera en 1995 le premier modèle commercial.

Il faudra attendre 2002 pour qu’il cofonde (avec Michel Coenraets) Belrobotics et mette sur le marché ses propres robots tondeuses. Visionnaire, il est également reconnu comme l’un des pères des premiers robots aspirateurs.

Dans les faits, le premier robot tondeur, MowBot, a vu le jour aux États-Unis en 1969, mais l’apport d’André Colens dans la modernisation du concept est indéniable.

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