Les robotaxis peuvent-ils remettre Tesla sur les rails ?

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Le conflit entre Elon Musk et Donald Trump n’aide en rien.

À vendre : une Tesla Model S rouge vif, à peine utilisée. Paiement en espèces ou en cryptomonnaie. Retrait possible immédiatement au 1600 Pennsylvania Avenue.

Parmi tous les coups de semonce lancés par Donald Trump après sa rupture explosive (quoique peu surprenante) avec Elon Musk, celui de revendre sa récente Tesla est particulièrement significatif. Il l’avait achetée en mars pour marquer son soutien au patron de Tesla, alors la cible de boycotts à cause de sa position contre les dépenses publiques. Un soutien qui n’a eu que peu d’effet sur les ventes contrairement à la fin apparente de leur alliance. Celle-ci pourrait avoir des répercussions bien plus sérieuses sur les ambitions de Tesla en matière de robotaxis.

Un effondrement des ventes

Certains investisseurs se réjouiraient presque que Musk soit écarté du cercle rapproché du président. Cela devrait lui permettre de se recentrer sur la gestion de son entreprise. Juste après leur rupture — évidemment relayée sur les réseaux sociaux — l’action Tesla a chuté de 14 % le 5 juin, avant de se redresser partiellement.

L’un des points de friction fut l’opposition virulente de Musk à une loi fiscale qu’il qualifiait de « monstruosité », estimant qu’elle ferait exploser la dette américaine et supprimerait les subventions aux véhicules électriques. Trump a alors évoqué la fin des contrats publics accordés aux entreprises de Musk, y compris SpaceX.

Cela explique peut-être pourquoi « l’ancien meilleur ami » a admis le 11 juin être allé « trop loin ». Mais Trump n’est pas le seul à douter de Tesla. Les résultats trimestriels publiés en avril ont été aussi décevants que ceux de l’année 2024. Pour la première fois en plus de dix ans, les ventes ont reculé, et la tendance pourrait encore s’aggraver au prochain trimestre.

Des paris risqués

Il est difficile de dire dans quelle mesure les difficultés de Tesla sont liées à sa relation avec Trump. D’autres facteurs entrent en jeu : une gamme de modèles vieillissante, une concurrence accrue, des problèmes d’approvisionnement… La baisse des ventes est préoccupante pour Tesla, mais peut-être moins que l’attitude adoptée par Trump autour du prochain gros projet de Musk.

Selon Musk, l’avenir de Tesla repose sur les voitures autonomes et les robots humanoïdes. Si l’entreprise faisait autrefois figure de pionnière en matière d’innovation automobile, elle n’a aujourd’hui qu’une légère avance sur ses rivaux traditionnels, et se voit même dépassée par de nouveaux acteurs chinois. « L’innovation est nettement à la traîne », affirme Philippe Houchois, de la banque Jefferies.

Tesla prévoit de lancer le 22 juin à Austin (Texas) une flotte de taxis autonomes. Mais miser sur les robotaxis est hautement risqué : cette technologie ne compensera pas, à court terme, les pertes subies dans l’automobile. Quant aux robots humanoïdes, leur rentabilité semble encore bien lointaine.

Une ambition freinée par la réglementation

Le projet d’Austin n’est qu’un début, selon Musk. Il imagine des millions de Tesla autonomes sur les routes américaines d’ici fin 2026. Un objectif très ambitieux, d’autant plus que les réglementations varient d’un État à l’autre. L’absence de cadre fédéral uniforme freine le développement. Musk espérait une législation nationale favorable à son projet, mais cette perspective semble s’être envolée avec sa rupture avec Trump.

Cela ne fait que repousser davantage l’échéance vers une rentabilité des robotaxis. Les passagers, encore méfiants, doivent d’abord s’habituer au concept, tandis que les opérateurs devront investir des milliards pour déployer une flotte suffisante. Il reste par ailleurs incertain que ce modèle s’avère un jour plus rentable que les taxis traditionnels avec chauffeurs. L’incendie de robotaxis Waymo lors de manifestations à Los Angeles illustre en outre un risque imprévu des véhicules autonomes.

Un avenir incertain

Elon Musk a accompli un travail remarquable en propulsant Tesla au rang de constructeur automobile de premier plan. Mais ses incursions politiques ont suscité des interrogations chez certains investisseurs quant à sa capacité à continuer à diriger l’entreprise. À présent que ces distractions s’estompent, il a l’opportunité de les faire mentir. À condition toutefois que les robotaxis s’imposent rapidement — sans quoi les doutes ne tarderont pas à resurgir.

The Economist

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