Swappie: “les iPhone reconditionnés deviennent mainstream”

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Avec la nomination de Jussi Lystimäki au poste de CEO de Swappie, le plus grand reconditionneur d’iPhone en Europe, l’entreprise greentech finlandaise entend consolider sa croissance impressionnante. Le spécialiste de l’électronique durable est devenu en huit ans l’un des porte-étendards de l’économie circulaire en Europe.

Le Finlandais Jussi Lystimäki, le nouveau CEO de Swappie, l’une des entreprises technologiques à la croissance la plus rapide d’Europe, n’est pas seulement un pionnier de la tech avec un parcours remontant à l’époque de la bulle internet, il est aussi un fervent cycliste, dans un pays sans réelle tradition en la matière. Il possède huit vélos dans son garage. Avec des amis, il se rend aux Grands Départs du Tour de France. “Rester en forme est un superpouvoir pour moi, dit-il. J’essaie d’organiser ma semaine de manière à pouvoir faire du vélo et prendre soin de moi, afin que mes capacités cognitives soient aussi fortes que possible. En tant qu’entreprise aussi, nous essayons de cultiver des habitudes saines, je ne vois pas comment on peut travailler autrement de manière durable à long terme.”

Jussi Lystimäki s’est lancé dans l’entrepreneuriat directement après ses études et a développé Tera Group en une entreprise cotée en Bourse. En tant qu’entrepreneur, administrateur et investisseur, il a contribué à mettre en place une impressionnante série de marketplaces dans l’économie circulaire, généralement en lien avec le groupe média norvégien Schibsted. La plateforme 2ememain.be, par exemple, appartient à l’entreprise de petites annonces en ligne Adevinta, qui a été scindée de Schibsted en 2019 pour une introduction en Bourse.

Guider Swappie dans sa prochaine phase de développement

Jussi Lystimäki
Jussi Lystimäki, CEO de Swappie © Lari Jarnefeft

Jussi Lystimäki a fait la connaissance de Sami Marttinen et Jiri Heinonen lorsque ce duo a fondé Swappie en 2016. Sami Marttinen a eu l’idée de l’entreprise après avoir acheté en ligne un iPhone d’occasion et s’être fait arnaquer – il avait bien payé, mais n’avait jamais reçu le téléphone. Jussi Lystimäki a été impliqué dès les premières années de Swappie en tant qu’investisseur et administrateur.

Avec le fondateur Sami Marttinen comme CEO, Swappie est devenue en à peine huit ans une entreprise qui a clôturé l’année 2024 avec un chiffre d’affaires de 249 millions d’euros – soit 20% de plus qu’en 2023 – et comptait près de 700 employés. La Belgique, où Swappie dispose de quatre points de dépôt pour les clients qui vendent leur iPhone, représentait 19 millions de ce chiffre d’affaires.

Lors d’un récent conseil d’administration au cours duquel la stratégie de croissance a été abordée, il est apparu que Jussi Lystimäki, grâce à son expérience, avait le profil idéal pour guider Swappie dans sa prochaine phase de développement. Lystimäki et Marttinen ont ainsi échangé leurs fonctions, le fondateur devenant administrateur et Lystimäki CEO. “Les iPhone reconditionnés (d’occasion, mais entièrement vérifiés et remis à neuf, ndlr) deviennent mainstream”, estime le Finlandais. Ce momentum, l’entreprise technologique veut le saisir.

TRENDS-TENDANCES. Pourquoi avez-vous investi très rapidement après le lancement de Swappie ? Avez-vous vu immédiatement le potentiel ?

JUSSI LYSTIMÄKI. Grâce à mon expérience dans les marketplaces, je savais que la difficulté pour les fondateurs serait de gagner la confiance des gens. Les acheteurs se demanderaient si un tel appareil reconditionné était vraiment en bon état et s’ils ne se feraient pas arnaquer. Mais j’ai rapidement perçu que si les fondateurs parvenaient à résoudre ce problème de confiance, un très grand marché s’ouvrait à eux. Entre-temps, les iPhone reconditionnés ne sont plus un marché de niche réservé aux early adopters comme à la création. Cela devient courant, avec de nouveaux segments de clientèle qui arrivent. Pour ces clients, la qualité va de soi et le prix doit être compétitif.

750.000 iPhone sont reconditionnés chaque année par Swappie.

Les clients ont-ils désormais suffisamment confiance dans les smartphones reconditionnés ?

À Tallinn, vous avez vu comment se déroule le processus de reconditionnement (lire “Comment Swappie remet à neuf les iPhone à Tallinn”). Nous avons des normes de qualité élevées. L’on contrôle l’ensemble du processus du début à la fin, et nous sommes la seule entreprise en Europe à posséder les processus industriels permettant de le faire. Nous constatons que les volumes augmentent. On traite actuellement 750.000 iPhone par an, mais nous avons déjà la capacité d’en reconditionner deux millions. Cela peut devenir une entreprise de croissance très rentable.

La dernière levée de fonds remonte à 2022, avec 124 millions de dollars. Vous n’avez pas besoin de nouveau capital ?

Non, nous avons encore plus qu’assez et nous ne brûlons plus beaucoup de cash. D’autres reconditionneurs travaillent encore principalement de manière manuelle. Nous, nous avons investi beaucoup d’argent dans une automatisation audacieuse. Pour chaque appareil, nous pouvons prédire, sur base de données, combien de temps il durera encore et ce que nous devons faire pour prolonger cette durée de vie. En contrôlant tout le processus, il n’y a pas d’intermédiaires. Cela nous donne des marges bien plus élevées que dans les marketplaces où j’ai travaillé auparavant, et cet argent, nous pouvons l’investir dans notre croissance.

Attendez-vous beaucoup de croissance de l’extension aux iPad ? Vous les commercialisez déjà aux Pays-Bas et en Allemagne.

Nous savons bien sûr comment fonctionnent les iPhone, et les iPad ne sont pas très différents. Nous pouvons aussi constater qu’il y a de l’appétit pour ces derniers, et nous testons cette catégorie dans quelques pays. Ce n’est qu’ainsi que nous saurons à quelle vitesse cette catégorie peut croître. Les iPad sont assez chers, mais avec un exemplaire reconditionné, vous pouvez économiser 300 à 400 euros.

Vous prolongez certes la durée de vie des iPhone, mais n’est-ce pas surtout au bénéfice d’Apple, avec les services payants que l’entreprise propose sur ces appareils ?

La croissance d’Apple se situe effectivement davantage dans les services (comme la musique ou les films en streaming, ou l’offre de capacité de stockage, ndlr). Justement, cette croissance des services renforce notre conviction qu’il reste encore beaucoup de valeur à capter si les gens possèdent le bon appareil reconditionné, avec par exemple une bonne batterie et les bonnes caractéristiques.

Avec Swappie Care (un abonnement mensuel permettant aux clients de remplacer leur iPhone par un appareil reconditionné, ndlr), nous proposons nous-mêmes aussi un service. Nous veillons à ce que vous puissiez toujours passer à l’appareil suivant. Un autre exemple est la garantie que nous offrons à l’achat : 24 mois sur l’appareil, 12 mois sur la batterie. Outre la qualité, l’un des moteurs les plus importants pour les clients est l’accessibilité financière. En faisant baisser les prix, en passant à des paiements mensuels ou en finançant l’achat via des partenaires comme un opérateur, nous pouvons peut-être à nouveau atteindre une plus grande échelle.

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À propos d’accessibilité, une concurrence accrue ne risque-t-elle pas de provoquer une course aux prix bas ?

Nos marges étant parmi les meilleures, notre seuil de rentabilité se situe bien plus bas que celui des marketplaces, qui doivent générer un volume important afin de percevoir une commission sur les ventes. Nous ne nous positionnons pas comme un acteur à bas coût, nous offrons une qualité premium avec une couche de confiance supplémentaire. Cela signifie que nous ne sommes pas les moins chers, mais bien les plus fiables. Les clients savent que la batterie n’explosera pas, cela a été vérifié.

Swappie est devenue un porte-drapeau de l’économie circulaire européenne. Le ressentez-vous ?

Surtout en Finlande, Swappie est encore entourée de cette aura et nous sommes à bien des égards un modèle. Pas seulement par notre taille, mais aussi par la manière dont nous avons construit la société, la culture d’entreprise inclusive que nous poursuivons. Si nous pouvons combiner notre modèle durable et circulaire avec la croissance et la rentabilité, ce serait fantastique – une grande mission avec un bon modèle commercial. Peu d’entreprises greentech y sont parvenues.

Dans quelle mesure la réglementation européenne en matière de durabilité vous aide-t-elle ?

Avec Swappie, nous avons construit notre modèle économique avant même que l’Union européenne ne réalise qu’elle devait faire quelque chose. Ce serait fantastique si l’Europe soutenait l’écosystème des téléphones reconditionnés, par exemple en les taxant moins, ou en misant sur la réparabilité des appareils. C’est mieux que d’avoir chaque fois un nouveau commissaire avec son propre agenda ou d’accorder des subsides qui sont ensuite retirés.

Swappie peut-elle devenir une entreprise cotée en Bourse ?

Disons que si nous devenons rentables et que nous parvenons à croître, plusieurs options s’offriront à nous pour la prochaine étape. Allons-nous alors lever des fonds, assisterons-nous à une consolidation du marché ou viserons-nous une introduction en Bourse ? À ce stade, nous gardons toutes les options ouvertes. En fin de compte, ce sont les propriétaires de l’entreprise qui doivent en décider. Ma tâche est de les aider à voir clairement les différentes options. Ce serait un peu trop tôt pour aller en Bourse maintenant. J’ai suffisamment vu que lorsque vous devez atteindre vos objectifs et chiffres chaque trimestre, vous vous concentrez là-dessus plutôt que de penser à long terme. 

Comment Swappie remet à neuf les iPhone à Tallinn

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Un bras robotique saisit un à un les iPhone d’occasion vendus à Swappie. Il les place dans un compartiment pour téléphones, active les appareils et efface tout ce qu’ils contiennent. Ensuite, le robot dépose l’appareil sur un tapis, où un employé le récupère pour le placer sur le déroulant d’une chaîne automatisée d’environ 50 mètres. Avec, de chaque côté, des armoires métalliques blanches. Des dizaines de tests automatisés y sont effectués. Le port de charge est-il sale ? L’écran fonctionne-t-il bien ? Qu’en est-il de la caméra et du son ? La batterie est-elle encore en bon état ? Il faut 20 minutes pour qu’un iPhone passe tous les tests.

À la fin de la ligne, un employé reprend les appareils pour effectuer les tests que les machines ne peuvent pas réaliser, comme la vérification de la fonction de reconnaissance faciale. Il envoie à l’étage les appareils nécessitant une réparation. Le personnel, composé de quelque 400 personnes, travaille en deux équipes de huit heures pour réparer manuellement les appareils. Ensuite, les iPhone sont de nouveau testés.

Un employé évalue finalement l’extérieur de l’appareil à l’aide d’une longue liste de critères. Y a-t-il une rayure ? Dans ce cas, cela est mentionné, afin que l’acheteur ne soit pas pris au dépourvu. Cette évaluation détermine également le prix. Un employé place l’appareil dans la boîte Swappie, que le client reçoit après son achat sur le webshop.”

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