Le big business de la nostalgie: l’exemple très lucratif du retour des anciennes K3

La nostalgie est devenue un levier puissant de création de valeur dans l’industrie du divertissement et ailleurs. Le succès impressionnant de la réunion du trio flamand K3 en est la parfaite illustration.
Près de 16 ans après leur dernière apparition ensemble, les trois membres des K3 d’origine se reforment pour une série de concerts à guichets fermés. Il n’aura fallu que quelques heures pour que les 14 dates affichent complet.
De ce côté de la barrière linguistique, les K3 ne disent peut-être pas grand-chose à grand monde. Elles sont pourtant une véritable institution en Flandre.
K3 est un groupe pop principalement destiné aux enfants. Depuis la création du groupe en 1998 par le producteur Niels William, il s’est mué en véritable phénomène culturel. Des titres comme “Oya Lélé“, “Tele-Romeo” ou encore “Mijn liefde is een waterval” (mon amour est une cascade) sont devenus des classiques.
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Avec plus de 6 millions d’albums vendus, c’est l’un des groupes les plus rentables du Benelux. Sous la houlette de Studio 100, l’un des plus grands acteurs du divertissement en Europe, les spectacles à plusieurs millions d’entrées, mais surtout les produits dérivés et les droits de licence, en ont fait une véritable machine à cash. Au point que, ne souhaitant pas tuer la poule aux œufs d’or, on a préféré remplacer les chanteuses plutôt que d’arrêter le groupe.
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Ainsi, en 2009, Kathleen Aerts, l’une des membres fondatrices, quitte le groupe. Studio 100 organise alors une émission de télé-réalité, “K3 Zoekt K3”, pour recruter un nouveau membre. Ce changement relance l’intérêt pour le groupe et élargit la base de fans. L’émission attire des millions de téléspectateurs et montre la puissance médiatique du groupe. L’idée va faire florès et sera appliquée aux changements suivants. Ainsi, K3 va connaître trois formations principales, renouvelées à chaque fois à travers des émissions télévisées impliquant le public.
En transcendant ainsi les générations, les K3 permettent aux adultes de se replonger dans leurs souvenirs tout en partageant cet “héritage culturel” avec leurs enfants.
Malin, puisqu’en combinant nostalgie et renouvellement, cela pérennise un empire économique capable de générer des millions d’euros sur plusieurs décennies.
La réunion, un succès commercial annoncé
Avec cette base de fans scrupuleusement entretenue, peu doutaient du succès de ce retour de la formation d’origine. Mais rien n’annonçait une telle déferlante. Dès l’annonce officielle de la réunion, l’engouement du public s’est traduit par une demande massive de billets. Les 14 concerts prévus dans l’enceinte du Sportpaleis d’Anvers et de l’Ahoy à Rotterdam ont affiché complet en quelques heures. On parle tout de même de 300 000 tickets vendus pour un groupe des années 1990 connu principalement en Flandre.
À un prix oscillant entre 38 et 65 euros par place, et sans compter les forfaits VIP proposés à plus de 250 euros, cette opération devrait rapporter une recette brute avoisinant les 14 millions d’euros.
Une opération plus que rentable
Il s’agit là des chiffres bruts. On estime généralement que les coûts de production, incluant la logistique, la sécurité, les assurances et les droits musicaux, représentent en moyenne 50 % des recettes brutes. Toutefois, la mutualisation des frais sur une longue série de concerts permet de réduire les coûts unitaires. Comme il y a 14 dates, nul doute que l’opération est lucrative.
Le modèle économique autour de cet événement s’appuie donc sur une structure de co-bénéfices.
Jusqu’à 85 % du bénéfice net restant après déduction des coûts est reversé aux artistes. Dans le cas de K3, Karen Damen, Kristel Verbeke et Kathleen Aerts, conscientes de leur valeur ajoutée à l’événement, ont probablement négocié un pourcentage substantiel des revenus. Ce qui n’empêchera pas Studio 100 d’obtenir lui aussi une part substantielle. En effet, en tant qu’organisateur principal, il devrait tirer profit de la vente de billets, mais surtout des produits dérivés (merchandising) et des droits musicaux. Les actionnaires de Studio 100, dont Gert Verhulst et Hans Bourlon (co-fondateurs), ou encore BNP Paribas Fortis Private Equity (25 % du capital), Vic Swerts (Soudal) et 3D Investors vont aussi bénéficier indirectement de la hausse de la valorisation de l’entreprise, bien que Studio 100 distribue rarement des dividendes.
La nostalgie comme modèle économique
Loin d’être un cas unique dans le monde du spectacle, le fait de capitaliser sur la nostalgie est même un modèle économique en soi. Les reformations d’artistes emblématiques et les reprises de franchises populaires attirent un public prêt à payer un premium pour revivre des souvenirs d’enfance ou d’adolescence.
L’opération K3 incarne donc à la perfection une stratégie commerciale efficace où la nostalgie devient un moteur de profit. Car la nostalgie est aujourd’hui une émotion célébrée, influençant profondément la société contemporaine et la consommation, précise The Conversation. La nostalgie sert de refuge. Le “c’était mieux avant” ouvre de nombreux portefeuilles, surtout celui des adulescents, adultes qui ont gardé leur esprit d’enfant, mais avec les moyens d’assouvir leurs caprices.
Une nostalgie qui n’est d’ailleurs pas seulement limitée aux artistes ou aux séries comme Stranger Things sur Netflix. Elle a aussi aidé à la résurrection de “belles endormies” – ces entreprises cultes qui somnolaient quelque peu. Il y a eu Nokia, K-Way ou encore Solex. Plus récemment, il y a eu le retour de la R5 ou plutôt de la Renault 5 E-Tech Electric. Autant de madeleines de Proust avec un zeste de modernité.
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