Paul Vacca
L’avenir du numérique: Web3 ou Web0?
A force de toujours les appeler les “nouveaux médias”, on a fini par oublier qu’eux aussi avaient pris un coup de vieux. Internet et le SMS sont désormais trentenaires, le haut débit souffle ses 20 bougies et le smartphone a presque atteint l’âge de la majorité.
Les réseaux sociaux, quant à eux, ont eu le temps de voir sortir plusieurs générations depuis MySpace en 2003 jusqu’à TikTok, “le petit dernier”, lancé en octobre 2016, qui va tout de même sur ses sept ans…
Pas étonnant que, pour toute une nouvelle génération, ces “nouveaux médias” constituent déjà le passé. Un grand nombre d’entre eux ne sont pas ou plus utilisateurs de Facebook ou Instagram. Ils désinstallent aussi TikTok de leur smartphone, confessant une méfiance accrue pour ces outils chronophages et addictifs. Une espèce de quiet quitting numérique.
Un, deux, trois… zéro
Mais pour quel nouvel horizon? Celui d’une reprise en main de leurs données cédées mais aussi de la valeur qu’ils génèrent en propre. De la sortie du paradigme actuel dominé par le Web1 (l’internet traditionnel avec les sites) et le Web2 (dit participatif, qui a vu naître les réseaux sociaux) qui mène tout droit à monde numérique centralisé et oppressant. Pour ce faire, certains rejoignent de nouvelles communautés qui se forment autour de la blockchain, les NFT, les cryptomonnaies ou les métavers. pour s’engager dans une approche décentralisée, plus autonome et ouverte offerte par le Web3.
Toutefois, il semble que d’autres aient choisi un autre écosystème pour la reprise en main de leurs données et de leur liberté. Leur outil technologique? Le téléphone à clapet, sans écran tactile ni applications. Un Web0 en l’occurrence. En décembre dernier, un article du New York Times signé d’Alex Vadukul brossait un portrait de cette nouvelle communauté pour qui la seule chose plus performante que le téléphone à clapet est de ne pas avoir de téléphone du tout. Une bande d’adolescents – un rien privilégiés – qui se donnent rendez-vous toutes les semaines sur les marches de la Central Library à Brooklyn. Ensemble, ils ont fondé l’année dernière le Luddite Club, du nom de Ned Ludd, l’ouvrier textile anglais du 18e siècle qui a détruit un métier à tisser mécanique, incitant ses congénères à se rebeller contre l’industrialisation.
Dans son sillage, les jeunes membres du Luddite Club ont fait le choix de délaisser leurs iPhone et d’expérimenter selon leurs propres dires la “vraie vie”. Car selon eux, les réseaux sociaux et les smartphones ne sont pas la vraie vie. Leur chemin de Damas, ils l’ont eu au moment du confinement où tous se sont sentis en état d’ultra-dépendance au point de ne plus être capable de ne pas poster une bonne image si elle se présentait à eux. Alors ils ont commencé par désinstaller des applications, puis, se rendant compte que cela ne suffisait pas, ont remisé leur smartphone dans un tiroir et opté pour un téléphone low tech avec des touches.
Alors, de leur propre aveu, ils découvrirent pour la première fois de leur existence de teenager ce qu’ils n’avaient encore jamais pu expérimenter: une vie sans smartphone. Une toute nouvelle expérience. Celle qui consiste à emprunter un livre à la bibliothèque, à aller lire seul dans un parc, à écrire les première pages d’un roman sur une machine à écrire, à admirer les graffitis dans le métro, à ne plus s’assoupir à minuit avec la lumière bleue de l’écran sur le visage mais avec celle que verse la Lune ou le ciel étoilé qu’ils prennent le temps d’admirer… Bref, une “vraie vie” aux allures de métavers.
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