Le pari de TF1+ : devenir la référence du streaming francophone en Belgique


Le groupe français déploie sa plateforme digitale TF1+ dans notre pays. Il vise à être leader dans un marché francophone bouleversé par la télé connectée.
Rodolphe Belmer pilote depuis deux ans le groupe TF1. Cet homme des médias avait rejoint le groupe Canal Plus en 2001. Il en a été le directeur général de la chaîne de 2012 à 2015, mais il l’a quitté quand Vincent Bolloré a pris le contrôle de la chaîne cryptée française. Il a alors rejoint en 2016 l’opérateur de satellites Eutelsat comme PDG. Il y reste six ans. Puis, après un passage par le groupe Atos, Rodolphe Belmer est donc, depuis deux ans, aux commandes du principal groupe de télévision privée français. Un groupe qui aurait pu être plus grand encore si le projet de fusion avec M6, envisagé avant son arrivée mais retoqué par les autorités de concurrence, avait pu voir le jour.
TF1, qui a une part de marché d’environ 12 % en Belgique francophone, a affiché en 2024 un chiffre d’affaires d’un peu plus de 2 milliards d’euros, pour un bénéfice net de 206 millions (en hausse de 7 % par rapport à l’année précédente).
Mais derrière ces chiffres, il y a un paysage en grande mutation, nous explique Rodolphe Belmer lors d’une rencontre avec les journalistes économiques de l’Ajef. Et cette révolution, explique le patron de la première chaîne française, englobe particulièrement le marché belge francophone.
Comme la révolution des smartphones
« Une révolution technologique très profonde est en train de transformer le monde de la création audiovisuelle et des médias audiovisuels, observe le PDG de TF1. Cette transformation repose sur l’adoption des smart TV, les télés connectées. En France, un peu plus de 70 % des foyers en sont déjà équipés. Et l’impact technologique de cet équipement fait partie des éléments structurants de notre réflexion », souligne Rodolphe Belmer, qui estime que cette révolution est aussi importante que le passage du téléphone à touches aux smartphones, il y a une vingtaine d’années.
« Nous lançons TF1+ dans toute la francophonie pour en faire la grande plateforme de streaming gratuite premium de l’espace francophone. »
« Nous avons créé tout un tas d’usages de consommation digitale individuelle sur appareils mobiles, notamment le développement des grands « players » et des grands réseaux sociaux tels Facebook ou YouTube qui ont créé un écosystème digital extrêmement dynamique.
Il se passe la même chose sur la télévision aujourd’hui avec l’adoption des smart TV qui permet le développement d’une consommation audiovisuelle à la demande », dit-il.
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Érosion de la télé classique
« Cette révolution a un effet immédiat qui est l’érosion de l’usage de la télévision linéaire, qui entre, sur l’écran des télévisions connectées, en concurrence avec d’autres usages, poursuit Rodolphe Belmer. Une érosion encore assez modeste : quand on regarde la population totale âgée de quatre ans et plus, on parle d’une baisse de la durée d’écoute individuelle, de l’ordre de 4 % par an. Quand on regarde plus précisément les cibles commerciales, donc les cibles sur lesquelles nous faisons de la publicité, la baisse est de l’ordre de 9 % par an ».
« Cette révolution a un effet immédiat qui est l’érosion de l’usage de la télévision linéaire, qui entre, sur l’écran des télévisions connectées, en concurrence avec d’autres usages. »
Face à l’adoption massive des télévisions intelligentes et cette érosion de l’audience de la télévision classique, quelle est la stratégie du groupe TF1 ?
« Elle se structure en deux temps, répond le PDG. Le premier temps, c’est une stratégie défensive sur le marché de la télévision linéaire. C’est un marché qui en France a une taille d’environ 3 milliards d’euros. L’enjeu pour nous est défensif : il s’agit de maintenir notre chiffre d’affaires sur le linéaire en augmentant notre part de marché sur ce segment. Comment ? En augmentant notre part d’audience sur les cibles commerciales et en ayant une stratégie d’optimisation opérationnelle. Nous y arrivons assez bien. Notre part de marché sur le marché de la publicité linéaire augmente année après année ».
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« Le deuxième mouvement stratégique vise à accompagner cette mutation des usages qui se portent vers le digital, poursuit le PDG de TF1. Nous le faisons un peu différemment de la plupart de nos collègues. Nous n’avons pas voulu monétiser ce mouvement à travers le lancement d’une offre de SVOD, autrement dit, être un concurrent de Netflix, dit-il. Notre principal concurrent, c’est You Tube. Nous avons lancé une offre nouvelle qui est la première offre de streaming premium gratuite qui s’appelle TF1+ et qui vise à embrasser les nouveaux usages digitaux. Cela repose sur le savoir-faire publicitaire du groupe. Et cela marche très bien puisque la première année de TF1+ (la plateforme a été lancée en janvier 2024, NDLR) a dépassé tous nos objectifs et même toutes nos espérances, à la fois en termes de pénétration et d’usage, et en termes de développement économique, puisque le chiffre d’affaires a été très largement au-delà de ce que nous attendions ».
« Nous n’avons pas voulu monétiser ce mouvement à travers le lancement d’une offre de SVOD. Notre principal concurrent, c’est YouTube. »
Sur un chiffre d’affaires publicitaire total qui atteignait l’an dernier 1,6 milliard d’euros, la plateforme représente en effet déjà 146 millions d’euros. « Et la trajectoire continue de façon très positive en ces premiers mois de 2025. La particularité de notre approche est que nous diffusons globalement la même ligne de programmes en linéaire et en digital, précise Rodolphe Belmer. Parce que le nerf de la guerre, l’élément fondamental qu’il faut établir quand on est un média audiovisuel, c’est la supériorité dans la qualité de la ligne de programmes que nous proposons aux utilisateurs. Et donc nous, tout notre sujet, c’est de continuer à être l’acteur qui finance le mieux possible les programmes audiovisuels que nous proposons à nos publics. »
Un chiffre : pour produire une heure de programme premium, il faut 1 million d’euros, contre seulement quelques dizaines de milliers pour des programmes plus « bas de gamme ».
Le marché pertinent, c’est la francophonie
« Grâce à cette différenciation dans le financement structurel industriel, nous allons pouvoir durablement proposer une ligne de programmes beaucoup mieux financés et, partant, beaucoup plus spectaculaires en termes de valeur de production que ce que nos collègues pure players peuvent consentir, explique le patron de TF1 qui souligne que dans son métier, l’effet de taille est primordial. Cette recherche d’effet d’échelle pour financer nos contenus durablement et établir de façon incontestable notre supériorité, nous la recherchons également en étendant notre empreinte au-delà de la France. Et c’est pour ça qu’on est en train de lancer TF1+ dans toute la francophonie, pour en faire la grande plateforme de streaming gratuite premium de l’espace francophone. Le marché pertinent pour nos programmes, c’est la francophonie, souligne-t-il. Nous allons essayer d’être l’acteur le plus important, le plus significatif culturellement, mais aussi en termes de pénétration de cet espace ».
La plateforme TF1+ se déploie en Belgique
« Sur la télévision linéaire, nous sommes déjà présents en Belgique, poursuit Rodolphe Belmer. TF1 y est diffusée et est commercialisée via un décrochage publicitaire. Il y a aussi quelquefois un décrochage quand nous n’avons pas les droits pour la Belgique, ce qui arrive rarement mais peut se produire pour le sport quelques fois. C’est un marché important pour nous ».
Ainsi, la plateforme TF1+ est en train de se déployer en Belgique. « Elle est présente sur la quasi-totalité des écrans et des Smart TV de la population belge francophone. Pas encore chez les FAI (fournisseurs d’accès Internet, NDLR), où c’est en cours de déploiement parce que le modèle belge est un peu différent du modèle français. Mais nous souhaitons que la population wallonne consulte TF1+ en première intention quand elle souhaite se divertir à la demande ».
Le groupe français met-il dès lors en place des stratégies de contenus propres à la Belgique ? « Sur la stratégie éditoriale, nous visons à nous développer globalement, et donc à proposer la même ligne éditoriale dans l’ensemble de notre périmètre d’exploitation, répond Rodolphe Belmer. Vous avez noté que de plus en plus, nous intégrons à nos grands programmes des talents – des candidats ou des acteurs -, venus de l’espace francophone, dit-il. Il y a donc pas mal de Belges dans nos programmes, l’idée étant de donner corps à cette notion de communauté culturelle. Nous avons commencé avec la Belgique et la Suisse et de plus en plus aussi des talents venus d’Afrique. Et nous aurons aussi un peu, mais ce sera mineur, de programmes locaux, pays par pays, afin de créer de l’intérêt et amener le public à découvrir le reste de notre offre ».
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