Intelligence artificielle: les Européens peuvent-ils rattraper les Américains?
Les grands groupes américains ont pris la tête dans la course de l’intelligence artificielle dite générative, capable de rédiger et de produire des images. Les Européens peuvent-ils les rattraper?
Trois questions à Andreas Liebl, fondateur d’AppliedAi, une initiative allemande pour encourager l’utilisation de l’IA par les entreprises.
Où en sont les groupes européens face aux américains?
Andreas Liebl: “Le groupe allemand Aleph Alpha a conçu l’un des modèles de langage les plus développés d’Europe. Il sera intéressant de voir à quelle vitesse ils peuvent conquérir des clients et s’ils obtiennent les ressources financières nécessaires pour être au niveau.
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Stability AI, créateur de Stable Diffusion (génération d’images) a été conçu par des chercheurs de Munich qui sont partis en Grande-Bretagne pour lever 100 millions d’euros, nécessaires pour entraîner leur modèle, et ont utilisé (du code) en licence ouverte (open source). Ce qui est intéressant (avec l’open source), c’est que vous pouvez avoir un modèle puissant mais, six mois plus tard, voir arriver un autre tout aussi puissant à un coût de seulement 10% à 20% et publié librement. Vous pouvez donc dépenser des milliards d’euros pour un avantage de seulement six à neuf mois ou attendre pour l’avoir à moindre coût moins d’un an plus tard. C’est une dynamique très intéressante.”
Comment les modèles européens pourraient-ils se développer plus vite?
Andreas Liebl: “Ce dont ils ont besoin, ce sont de grands projets, des contrats. Les gouvernements nationaux et la Commission européenne devraient distribuer des gros contrats aux entreprises de l’UE en demandant des langues européennes. Alors le financement suivra.
En revanche, si vous êtes basés en Europe, vous devrez suivre la réglementation européenne dès le départ, ce que les autres ne font pas. C’est un désavantage. Il y a certainement un risque élevé que l’IA Act (le futur règlement européen sur l’intelligence artificielle) nuise considérablement à l’innovation en Europe”.
Est-ce un problème pour des entreprises européennes d’utiliser un modèle américain?
Andreas Liebl: “Si vous utilisez un modèle de langage américain, vous risquez d’obtenir en retour des valeurs américaines. Par exemple, s’il veut vous parler de votre sport favori, cela risque d’être des sports américains. Les réponses de ces systèmes sont liées à la culture et aux valeurs du corpus d’entraînement.
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Autre problème: certaines licences d’utilisation disent que ces modèles américains peuvent utiliser vos requêtes et votre feedback pour s’améliorer. Voulons-nous nourrir une infrastructure non-européenne? Ou bien, pour des raisons stratégiques, voulons-nous des alternatives en Europe?
Et pour les données à haute valeur ajoutée, comme les documents que vous envoyez parce que vous voulez un résumé ou certaines questions stratégiques, voulons-nous vraiment les transférer hors d’Europe?”