GreenAdd: quand la pub finance des murs végétaux

À la station de métro Albert, à Bruxelles, GreenAdd imagine un "avant-après" des plus verdoyants grâce à la publicité. © PG
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

Et si l’on transformait la publicité en un moteur de végétalisation urbaine ? C’est le pari fou de Loup Vandenbosch, jeune diplômé de Solvay, fondateur de la start-up GreenAdd dédiée à l’installation de murs végétaux en ville qui seraient financés par des marques partenaires.

Il y a tout juste 60 ans, un certain Jean-Claude Decaux posait les jalons d’un business model qui allait révolutionner le paysage urbain. L’inventeur de l’abribus avançait alors cette proposition originale aux autorités communales françaises : installer et entretenir lui-même, gratuitement, des aubettes pour les usagers des transports en commun, avec la garantie de pouvoir y apposer des affiches publicitaires en échange des services rendus. Simple, audacieux, efficace : la pub financerait non seulement la création de mobilier urbain, mais surtout le développement de sa propre entreprise, JCDecaux, qui allait par la suite étendre ses services commerciaux à d’autres supports beaucoup plus dispensables.

Soixante ans plus tard, JCDecaux est devenu le numéro un mondial de l’affichage avec 12.000 collaborateurs répartis dans 80 pays et un chiffre d’affaires qui flirte aujourd’hui avec les 4 milliards d’euros annuels. En Belgique, ce géant de la pub urbaine se partage le marché avec Bauer Media Outdoor (anciennement Clear Channel), et il n’est donc pas évident pour un nouvel acteur de l’affichage commercial d’émerger face à ce duopole bien ancré dans les grandes cités. Qu’à cela ne tienne : avec son projet GreenAdd, le Belge Loup Vandenbosch entend bien bousculer ces Goliath de la publicité et imposer progressivement un modèle différent, beaucoup plus respectueux de l’environnement.

Pub bienfaitrice

Ce jeune diplômé de la Solvay Brussels School of Economics and Management en est convaincu : la pub est devenue beaucoup trop intrusive en ville et il est grand temps de lui redonner un peu de respectabilité en la rendant plus verte. Non pas avec des abribus, mais avec un autre service plus écologique : des murs végétaux qui absorbent le dioxyde de carbone et améliorent la qualité de l’air.

C’est d’ailleurs l’objet du mémoire de fin d’études de Loup Vandenbosch. Son projet GreenAdd entend ramener de la végétation dans le paysage urbain avec le soutien financier de certains annonceurs sensibles à l’environnement et au bien-être des citoyens. Concrètement, sa start-up propose d’installer des façades végétalisées, sponsorisées par des marques engagées dans le développement durable.

“Il ne s’agit pas de faire des campagnes de pub classiques, détaille le jeune entrepreneur, mais bien de financer de nouveaux espaces verts en milieu urbain avec l’aide de partenaires commerciaux. Le but n’est donc pas de changer de pub toutes les semaines, mais plutôt d’associer le nom d’une marque, et éventuellement son slogan, pour une période plus longue, de trois à six mois, sur des murs végétaux qui redonnent un peu d’air à la ville.”

Cette volonté d’ajouter du vert en milieu urbain grâce à la publicité est d’ailleurs concentrée dans le jeu de mots anglais GreenAdd : green pour la dimension écologique, et le double sens du mot add qui évoque à la fois le verbe ajouter (to add) et l’abréviation ad pour advertising.

Un prix précieux

Le projet du jeune homme n’en est toutefois qu’à ses balbutiements. Diplômé il y a un an à peine, Loup Vandenbosch s’est lancé entretemps dans la vie professionnelle comme consultant financier pour CNT Management Consulting, une société de services et conseils en informatique, mais il n’en demeure pas moins habité par le développement de GreenAdd. Lors de la rédaction de son mémoire, l’étudiant a été encadré par la structure Charleroi Entreprendre, l’accélérateur des projets entrepreneuriaux de la métropole carolo. Grâce à cet incubateur, il a bénéficié de conseils, multiplié les contacts, peaufiné son business plan, mais aussi participé au concours Prototyping The Future organisé par la Fondation pour les Générations Futures, une organisation philanthropique qui soutient concrètement des jeunes talents porteurs d’innovations pour demain.

Bien lui en a pris : avec son projet GreenAdd, le “Solvay boy” figure parmi les 15 lauréats de l’édition 2025 de cette compétition axée sur le développement durable et a décroché une bourse de 5.000 euros pour développer un premier prototype ou plutôt une esquisse de ce que pourraient être ses façades végétales sponsorisées par la publicité. Avec ce tremplin financier, Loup Vandenbosch a donc repris son bâton de pèlerin écologique et convaincu un fournisseur de le suivre dans sa nouvelle aventure entrepreneuriale : Green Design, une société liégeoise spécialisée dans la réalisation de murs végétaux intérieurs et extérieurs. “C’est le partenaire idéal qui répond à mes objectifs de pouvoir intégrer des panneaux modulables dans des façades végétales, se réjouit le fondateur de GreenAdd. Il est très intéressé par mon projet et nous développons un premier prototype pour démarcher les annonceurs.”

Solution inédite

Pour convaincre des marques d’adhérer au concept de ses murs “publici-verts”, Loup Vandenbosch travaille actuellement sur une ébauche très concrète située à Saint-Gilles, à l’entrée de la station de métro Albert. Deux murs délabrés y exhibent leurs graffitis sauvages et le jeune entrepreneur leur imagine déjà un destin végétal beaucoup plus apaisant.

À la station de métro Albert, à Bruxelles, GreenAdd imagine un “avant-après” des plus verdoyants grâce à la publicité. © PG

“L’avantage de GreenAdd, c’est que nous proposons une solution esthétique, écologique, mais qui est aussi techniquement isolante et rémunératrice pour les ménages qui nous confieraient leurs murs, explique l’initiateur du projet. Car nous visons plutôt les propriétaires privés que les bâtiments publics qui sont déjà sous contrat avec le duopole du marché de l’affichage.”

“Nous proposons une solution esthétique, écologique, qui est aussi techniquement isolante et rémunératrice pour les ménages.”

Côté annonceurs, Loup Vandenbosch aimerait viser des sociétés belges qui font le pari du développement durable, avec un certain capital sympathie et une trésorerie confortable, “mais qui n’en font pas des tonnes sur le terrain publicitaire en changeant souvent de campagne”. Et le jeune patron de citer Odoo comme premier client rêvé pour ce marketing de prestige…

Inspiration chilienne

Mais comment le diplômé de Solvay a-t-il nourri l’idée de développer ce projet ? “Le concept n’est vraiment pas de moi, répond modestement l’intéressé. Dans le cadre de mes études, j’ai eu l’opportunité de partir six mois en Erasmus au Chili. Là-bas, je suis tombé amoureux de Zapallar, une toute petite ville en bordure du Pacifique qui impose aux marques des panneaux publicitaires garnis de plantes. Cela m’a donné envie d’aller plus loin et j’ai décidé de changer de sujet de mémoire pour développer ce projet GreenAdd.”

Brillante idée. Mais le plus dur reste à faire : convaincre les annonceurs de changer de paradigme publicitaire pour contribuer enfin à l’embellissement des villes. Qui sait ? Un nouveau Jean-Claude Decaux version écolo est-il peut-être en train d’éclore…

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