Fortnite montre comment Facebook et Cie vont gagner leurs prochains milliards

Stijn Fockedey Stijn Fockedey est rédacteur de Trends

Celui qui veut savoir comment on gagnera de l’argent dans le métavers n’a qu’à jouer une fois à Fortnite. Un jeu où il faut désormais payer un supplément pour jouer avec des êtres humains. La plèbe n’a droit qu’à un chatbot, un agent conversationnel virtuel. Un avant-goût de ce qui nous attend?

Avant que ChatGPT ne déclenche un énorme battage autour de l’intelligence artificielle à la fin de l’année dernière, tous les géants de la technologie travaillaient sur le métavers. Si la plupart ont depuis délaissé ce dernier pour se lancer à corps perdu dans l’IA, Meta a fait de la réussite dans le métavers un défi existentiel. Les analystes et les investisseurs ont beau penser que Meta déverse des milliards dans un puits sans fond, le PDG Mark Zuckerberg s’entête à persévérer. Il croit mordicus qu’à l’avenir, nous porterons tous des lunettes intelligentes comme celles qu’Apple s’apprête à lancer. Et que nous passerons des heures chaque jour dans un monde virtuel.

Le traumatisme de l’iPhone et d’Instagram

L’obstination de Mark Zuckerberg est peut-être liée au traumatisme de 2012. Zuckerberg voulait introduire Facebook en bourse, mais se heurte à un grand scepticisme. L’iPhone et d’autres smartphones proposaient alors une nouvelle mine d’or numérique: les applications mobiles. Or Facebook était à la traîne dans ce domaine. L’application de Facebook n’était pas assez performante et son modèle de revenus reposait sur des publicités visibles sur un ordinateur.

Pour sortir de l’ornière, il va mettre la main sur Instagram, la nouvelle application alors en vogue qui lui fait de l’ombre. Zuckerberg va débourser pas moins d’1 milliard de dollars pour cette application permettant de partager des photos de smartphones. Un montant astronomique qui va se révéler une bonne affaire rétrospectivement.

Dans la foulée, il introduit un format publicitaire qui ne fait pas fuir les utilisateurs. Ces deux paris se sont avérés plus que payants puisque la publicité sur Facebook et sur Instagram rapporte toujours des milliards à l’heure actuelle.

Mais cela a également renforcé la conviction de Zuckerberg que tout changement technologique doit être considéré avec un soupçon de paranoïa. Un géant de la technologie, aussi puissant soit-il, peut être rapidement et complètement mis sur la touche (Microsoft dans les smartphones), voire imploser (Nokia, toujours dans les smartphones).

Du coup, et bien qu’il faudra encore probablement attendre des années avant de disposer de lunettes de réalité virtuelle de bonne qualité et abordables, le métavers constitue une menace aussi existentielle pour Zuckerberg que le succès de l’application chinoise TikTok.

Les chatbots, soit des agents conversationnels virtuels dotés de personnalités différentes pourraient être une réponse à ces deux problèmes. Les chatbots peuvent apporter une interaction supplémentaire sur Facebook et Instagram. Ceux qui vivent un peu en ligne ont déjà pu constater par eux-mêmes à quel point Facebook et Instagram sont envahis par la publicité, les “scroll stories” ou les posts “clickbait”. Les chatbots seront également nécessaires pour nourrir suffisamment de personnages virtuels pour faire vivre le Métavers.

Inspiré par Fortnite

Une fois de plus, Meta a tiré son inspiration dans un autre domaine. Ceux qui veulent savoir comment cette nouvelle économie numérique fonctionnera réellement peuvent se tourner vers Fortnite. Chaque jour, plus de 30 millions de personnes jouent à Fortnite. Ce jeu de tir gratuit se déroule dans un monde virtuel. Les joueurs doivent trouver des armes le plus rapidement possible et se tirer dessus. Ils peuvent également construire des forts, d’où le nom de Fortnite.

Il s’agit d’un phénomène culturel qui fait trembler les caisses enregistreuses. Car bien que le jeu soit entièrement gratuit, il rapporte plus de 6 milliards de dollars par an. Les utilisateurs peuvent prendre un abonnement pour la saison afin de bénéficier de formats de jeu supplémentaires et d’autres avantages. Ils peuvent également acheter des tenues virtuelles et d’autres objets virtuels dans le jeu. Par exemple, les utilisateurs peuvent ressembler à leurs héros préférés d’un film Marvel ou simplement acheter un personnage conçu par un particulier. Ce sont là autant d’éléments que Meta compte introduire pour commercialiser sa version du Metaverse.

S’agit-il d’un humain ou non ?

Il y a quelques années, Fortnite était confronté à un problème similaire à celui de Facebook et consorts. Sa popularité était en baisse. Le jeu a une énorme et très fidèle base de fans. Or celle-ci est devenue beaucoup trop bonne au jeu. Au point de dissuader les nouveaux utilisateurs. En étant trop vite et trop souvent éliminés, de nombreux nouveaux joueurs n’avaient tout simplement plus envie de jouer. Pour contourner le problème, Fortnite a introduit dès 2019 des bots. Soit des personnages informatiques quelque peu maladroits et particulièrement faciles à éliminer. Les nouveaux venus ou les joueurs moins bons (noobs ou nobody’s) se retrouvent automatiquement dans des matchs avec beaucoup de bots. Ils peuvent ainsi plus facilement gagner et s’entraîner.

C’est un avant-goût de ce qui nous attend : depuis des années, les joueurs de Fortnite ne savent plus s’ils jouent contre des personnes réelles ou contre un ordinateur. Les enfants nés aujourd’hui en feront l’expérience partout. Avec l’énorme progression des chatbots, ils ne sauront souvent plus avec certitude si leurs interactions en ligne se déroulent effectivement avec un être humain.

Fortnite montre également une nouvelle piste de profit: il faut désormais payer un supplément si l’on ne veut jouer qu’avec des humains. Nous nous dirigeons donc vers une économie où il faudra payer un supplément pour bénéficier d’une “assistance premium de la part d’un expert”.  La plèbe n’aura, elle, droit qu’à un chatbot. La bonne nouvelle c’est qu’on pourra peut-être choisir sa personnalité.

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