DeepSeek: l’IA va-t-elle vivre son “moment Spoutnik”?

Le premier Spoutnik en 1957

Depuis l’arrivée de DeepSeek on parle beaucoup d’un moment Spoutnik pour l’IA. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Et est-ce justifié ?

Depuis son lancement le 20 janvier, DeepSeek R1, l’intelligence artificielle conversationnelle développée par une start-up chinoise, bouleverse l’écosystème technologique. L’apparition de ce concurrent direct de ChatGPT, mais nettement moins cher à produire et à faire fonctionner, remet en cause le modèle économique des géants américains du secteur. DeepSeek soulève des doutes sur leur domination dans la compétition technologique avec la Chine.  Face à ce qui a les allures d’une révolution, une question s’impose : les États-Unis revivent-ils un «« moment Spoutnik » comme il y a près de 70 ans ?

Qu’est-ce qu’un « moment Spoutnik » ?

Le 4 octobre 1957, l’Union soviétique annonce la mise en orbite de Spoutnik I, le premier satellite artificiel de l’histoire. En pleine guerre froide, la nouvelle provoque un choc majeur à Washington, où les États-Unis prennent conscience de leur retard dans la conquête spatiale.

Face à cette situation, la réaction américaine est rapide et massive : en un an, le président Eisenhower crée la NASA, initie le programme Mercury pour les vols spatiaux habités et augmente considérablement les financements de la recherche scientifique. Ces décisions jettent les bases d’une domination technologique américaine qui perdure encore aujourd’hui. Un moment Spoutnik est donc un événement à ce point marquant qu’il va provoquer une réaction qui va changer le cours de l’histoire. Un tournant historique en somme.

Les États-Unis peuvent-ils rééditer l’exploit ?

Malgré les multiples crises traversées ces dernières décennies, aucun événement n’a entraîné de réaction comparable à celle du moment Spoutnik en 1957. En 2013, le professeur Sean Kay expliquait dans la revue Survival que ce choc avait instillé un nouvel état d’esprit stratégique aux États-Unis, où l’éducation et la science étaient perçues comme des piliers de la puissance nationale.

Une situation bien différente

Or, aujourd’hui, la situation est bien différente. La polarisation politique et le recul du rôle de la science dans les décisions publiques compliquent la mise en place d’une réponse coordonnée. Le trumpisme, marqué par une méfiance à l’égard des institutions scientifiques et une volonté de réduire les budgets fédéraux, contraste fortement avec la mobilisation d’Eisenhower à la fin des années 1950.

Ainsi Donald Trump a qualifié l’événement d’« avertissement » et espère qu’il incitera les industriels américains à repenser leurs investissements en IA pour atteindre une efficacité comparable sans « dépenser des milliards et des milliards ». Une déclaration qui n’encourage pas vraiment l’ambitieux projet Stargate. Porté par OpenAI, Oracle et SoftBank, ce plan colossal de 500 milliards de dollars vise à développer des infrastructures d’IA à grande échelle. Plus que de révolutionner la technologie américaine, DeepSeek questionne avant tout la pertinence d’une telle approche. Plus qu’un sursaut technologique américain d’une ampleur équivalente à Spoutnik, on risque plutôt de chercher à faire aussi bien, pour moins cher.

La Chine aura-t-elle un moment DeepSeek ?

Enfin, dans un contexte de rivalité croissante entre les deux superpuissances, l’émergence de DeepSeek illustre surtout une réalité incontournable : la compétition pour la suprématie technologique est plus féroce que jamais. Sauf que cette fois, l’initiative pourrait bien venir de l’Empire du Milieu. La Chine pourrait bien connaître son « moment DeepSeek » en multipliant les succès technologiques. Mais il faudra pour cela qu’elle adopte une approche plus souple et moins planifiée de l’innovation.

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