Dans l’antre d’Alibaba: comment l’e-commerçant chinois gère les soldes monstres du “Single’s Day”

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Gilles Quoistiaux Journaliste Trends-Tendances

Exceptionnellement, Alibaba a accepté de nous ouvrir les portes d’un de ses entrepôts. Pour les soldes du “Single’s Day”, le site de Hangzhou doit gérer trois millions de commandes… en un jour !

Le géant chinois de l’e-commerce ouvre très rarement les portes de ses entrepôts à la presse. Trends Numerik a profité d’une mission économique organisée par l’Awex, l’agence wallonne à l’exportation, pour se glisser au coeur de la machine Alibaba.

Le jour de notre visite est particulièrement chargé pour la plateforme de commerce en ligne. Le 11 novembre en Chine, c’est le “Single’s Day”. Le “jour des célibataires” est devenu en quelques années une journée d’achats frénétiques pour les consommateurs chinois friands de bonnes affaires. Depuis des jours, ils scrutent l’écran de leurs smartphones à la recherche des offres promotionnelles monstres proposées par le site en ce jour de fête de la consommation. Depuis lundi à minuit, les hostilités sont officiellement lancées ! Elles dureront 24 heures.

Chaque année, l’e-commerçant réalise des ventes record le jour du Single’s Day. L’année dernière, les commandes passées ce jour-là totalisaient pas moins de 30 milliards de dollars ! Cette année, le record devrait une nouvelle fois être battu.

3.000 collaborateurs sur le site de Hangzhou

En ce jour si particulier, l’entrepôt de la ville de Hangzhou, situé à deux heures de route de Shanghai, est une vraie fourmilière. Les équipes doivent gérer trois millions de commandes en 24 heures ! Un véritable défi logistique, qui sera relevé essentiellement à la force des bras et des jambes des 3.000 collaborateurs présents sur le site ce jour-là. Pour l’occasion, Alibaba fait appel à un nombre exceptionnel d’intérimaires, qui prestent des shifts de 12 heures consécutives ! “En temps normal, le shift est de 8 heures. Nous avons des règles en matière de protection du travail”, nous assure Nancy, notre guide du jour.

Attachée au département “International Business Line” d’Alibaba, la représentante de l’entreprise chinoise détaille pour nous la spécificité de l’entrepôt de Hangzhou. Celui-ci traite uniquement les produits “internationaux”, vendus par des commerçants situés hors de Chine (Asie, Europe, continent américain). Des douaniers chinois sont d’ailleurs présents en nombre sur le site afin de contrôler les arrivées et les sorties de produits.

Crackers, Pikachu et dentifrice

Dans les allées de l’entrepôt, qui s’étend sur quatre gigantesques halls en enfilade, les rayons sont garnis sur quatre étages. On retrouve, en vrac, des boîtes de crackers, des Pikachu en peluche, des parfums estampillés Versace, des crèmes hydrantes Biotherm, des masques réparateurs, des mouchoirs en papier, des crèmes dessert au chocolat, du dentifrice ou des pots pour bébés de la marque Gerber (Nestlé). Nous n’avons malheureusement pas été autorisés à prendre des photos à l’intérieur de l’entrepôt.

Dans le premier hall, les employés de Cainiao, la filiale logistique d’Alibaba, sont chargés d’accueillir et de déballer les paquets venant du monde entier. Dans les deuxième et troisième halls, ils répartissent les articles par catégories. D’autres employés sont ensuite chargés de ramener les articles commandés vers le dernier hall, où ils sont emballés dans une atmosphère fébrile dominée par les bruits stridents des emballages en plastique gonflé, qui viennent caller les produits dans les paquets prêts à l’expédition.

Pas de robots

Le tout ressemble à un ballet désordonné très loin de l’image de puissant géant technologique ultra-moderne que veut donner Alibaba. Dans l’entrepôt de Hangzhou, pas de trace de robots livreurs-trieurs-expéditeurs, comme dans d’autres sites du groupe. Ici, tout se fait à la main. Mais pas sans intervention algorithmique. “Les trajets des collaborateurs chargés de traiter les commandes et de retrouver les produits dans les rayons sont définis par notre système, qui optimise tous les déplacements”, explique Nancy, directrice chez Alibaba.

Contrairement au système d’Amazon, qui “range” les articles de façon aléatoire dans un souci de gain de temps, celui d’Alibaba les classe par catégorie et par rayon. A Hangzhou, seuls quelques tapis roulants équipés de scanners trient et classent automatiquement certains colis avant expédition. Le reste est traité à la main.

Sur la plateforme extérieure, des dizaines de camions attendent leur chargement. Nous les retrouverons à la sortie du site, bloqués dans un long embouteillage. Livrer autant de colis en si peu de temps semble une gageure insurmontable. Mais Alibaba aime visiblement les défis : “Notre mission est d’expédier les marchandises chinoises dans les 24 heures de la commande, et les marchandises étrangères dans les 72 heures”, avance la représentante d’Alibaba.

Trois vols par semaine vers Liège

Une partie de ces articles se retrouveront dans les prochains jours à… Liège. La ville wallonne est en effet en passe de devenir le hub d’Alibaba pour toute l’Europe. En attendant que le groupe chinois soit totalement installé en bord de Meuse, Alibaba utilise les capacités d’autres entrepôts de la région. Mais l’e-commerçant chinoise est déjà bien présent en Belgique : trois vols partent depuis Hangzhou chaque semaine vers Liège Airport. Chacun d’entre eux transporte entre 80 et 100 tonnes de marchandises, nous explique Nancy (Alibaba), qui se rend une fois par mois à Liège pour suivre l’évolution du dossier.

Le Single’s Day est encore un événement très chinois. Mais Alibaba commence à en faire la promotion à l’étranger, via sa plateforme Ali Express. Sentant la bonne affaire, d’autres e-commerçants (comme Zalando par exemple) lui emboîtent le pas. Un jour, peut-être, le Single’s Day deviendra un événement planétaire, comme le Black Friday, qui s’est imposé en quelques années comme une journée de promotions incontournable, grâce à un certain… Amazon.

Nancy, la représentante d’Alibaba, ne cache pas les ambitions mondiales du groupe chinois : “Notre objectif est de construire un écosystème global.”

Gilles Quoistiaux, à Hangzhou

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