Prix des Xbox revus à la hausse, abonnements Game Pass plus chers sans réelle contrepartie et stratégie premium pour sa console portable Xbox Ally X : la branche gaming de Microsoft enchaîne les décisions qui posent question.
Xbox a annoncé cette semaine une refonte de ses abonnements de gaming, le fameux Game Pass. Qu’est-ce qui change concrètement ? Les noms, mais surtout les prix. La formule la plus complète, dite Ultimate, passe de 17,99 € à 26,99 € par mois, soit une augmentation de 9 €, que l’entreprise justifie difficilement. Le principal avantage avancé : l’intégration d’abonnements tiers comme Fortnite Crew, Ubisoft+ Classics et EA Play à la bibliothèque.
Mais c’est surtout la décision de Microsoft de réserver l’un des arguments phares du Game Pass à la formule Ultimate qui a du mal à passer. Dorénavant, seuls les abonnés Ultimate profiteront de l’accès « day one » aux jeux first-party (maison), c’est-à-dire le jour de leur sortie. Ainsi, les abonnés du Xbox Game Pass Essential (8,99 € au lieu de 6,99 €) et de la version Premium (12,99 €, prix inchangé) devront passer à la formule supérieure s’ils souhaitent profiter des jeux dès leur sortie… ou les acheter au prix plein.
De quoi remettre en question le statut de « meilleure affaire du gaming », dont le Game Pass a longtemps été affublé, malgré une concurrence accrue au fil des années. Les joueurs n’ont pas tardé à réagir à l’annonce sur les réseaux sociaux ; beaucoup semblent même avoir traduit leur mécontentement en actes, puisque le site de Microsoft permettant d’annuler son abonnement Game Pass a été surchargé.
Une décision qui s’ajoute à la hausse des tarifs des Xbox Series X et Series S, et qui intervient surtout à quelques semaines du lancement des premières consoles portables de Microsoft, les ROG Xbox Ally et Ally X, à des prix plutôt élevés.
Ces révisions tarifaires généralisées soulèvent des questions sur la stratégie de Microsoft en matière de gaming, mais aussi sur leurs motivations. Xbox cherche-t-elle à corriger le tir concernant le Game Pass ou son service d’abonnement est-il utilisé pour compenser une erreur passée ?
Une entreprise comme les autres
Et si Microsoft s’était trompée avec le Game Pass ? Les retours très positifs de ces dernières années indiquent le contraire, tant du côté des joueurs que des analystes, qui n’ont cessé de saluer la qualité de l’offre.
Son concept n’a toutefois pas fait que des heureux : Microsoft a exercé une forte pression sur les développeurs pour intégrer leurs jeux au Game Pass – contrats parfois jugés insuffisants pour couvrir les coûts de développement ou le manque à gagner sur les ventes à plein tarif. Le modèle économique, basé sur la popularité des titres, peut peser sur les studios, sans parler de la dépendance accrue à Microsoft.
Pour les développeurs, la montée en puissance de Xbox et de son offre par abonnement n’a fait qu’accentuer cette pression. Côté Microsoft, améliorer son offre était devenu vital : la firme avait compris qu’elle ne pouvait plus rivaliser sur le marché des consoles physiques face à Sony et sa PlayStation ou à Nintendo et sa Switch. L’entreprise américaine a, en effet, depuis longtemps perdu la « guerre des consoles ».
Sa stratégie « Xbox Everywhere » – qui inclut le Game Pass et surtout le cloud gaming, permettant de jouer sur smartphone, PC, console ou même TV via une simple connexion Internet – n’a fait que renforcer ce virage. Alors, pourquoi Xbox se sent-elle obligée d’augmenter ses tarifs – de 50 % dans le cas de l’abonnement Ultimate ?
D’autant que la firme de Redmond (et non de Mountain View) s’autocongratule de la rentabilité de son service : il rapporte davantage qu’il ne coûte, a assuré Microsoft au journaliste spécialisé Christopher Dring.
Un contexte économique et un rachat qui pèsent lourd
Comme toute entreprise, la branche gaming de Microsoft subit l’évolution de l’économie mondiale. C’est d’ailleurs en raison du contexte économique et de l’augmentation des coûts de production que Xbox a annoncé en mai dernier une hausse du prix de ses consoles, suivie en septembre d’un projet similaire, mais limité aux États-Unis pour l’instant. La politique douanière du président Donald Trump y est certainement pour quelque chose. Mais cette explication semble un peu légère pour le Game Pass.
Pour continuer à attirer de nouveaux abonnés, Xbox doit sans cesse enrichir son catalogue et améliorer l’expérience utilisateur, notamment via le cloud gaming. Pour cela, même si son activité est rentable, il lui faut des liquidités : pour convaincre des studios tiers d’intégrer leurs jeux et poursuivre sa stratégie d’acquisitions.
À ce titre, le rachat d’Activision Blizzard, finalisé en 2023 pour un montant record de 69 milliards de dollars, pèse sûrement encore sur les finances de l’entreprise. Ce rachat n’a pas seulement allégé les caisses de Microsoft : il a aussi remodelé son activité gaming, avec notamment le partenariat conclu avec Sony et Nintendo pour garantir la sortie des prochains jeux Activision Blizzard (Call of Duty, Diablo, World of Warcraft) sur les plateformes concurrentes.
Le lancement retardé de titres très attendus comme Starfield et Redfall a créé une « situation catastrophique » pour le Game Pass, selon l’aveu de Phil Spencer, patron de Xbox, alors que les actionnaires réclamaient une croissance justifiant cette acquisition historique. C’est à ce moment-là que les réductions de coûts et les hausses de prix ont commencé, comme le souligne The Verge.
Début 2024, peu après la finalisation du rachat, Microsoft a procédé à d’importants licenciements dans sa branche gaming – comme on pouvait le craindre malgré les promesses rassurantes. Près de 2 000 employés d’Activision Blizzard ont été remerciés. Plusieurs studios ont été fermés (Arkane Austin, Tango Gameworks, Alpha Dog Games).
La première hausse du Game Pass a suivi l’année suivante, marquant le début d’une premiumisation de l’offre.
À l’époque, Microsoft avait tenté de répercuter une partie du coût du rachat sur le prix de ses jeux physiques, mais a dû faire marche arrière face à la fronde des joueurs.
Pour l’heure, le PC Game Pass semble échapper aux pressions de la maison-mère, mais ce n’est sans doute qu’une question de temps avant qu’il ne subisse lui aussi une hausse ou que l’accès day one aux jeux first-party y soit limité.
Quel avenir pour Xbox ?
Véritable mastodonte de la sphère vidéoludique, Microsoft confirme son ambition : miser sur un catalogue de jeux par abonnement et sur sa vision du « jouer partout » grâce au cloud gaming.
Mais à force d’avoir les yeux plus gros que le ventre, le pari pourrait se retourner contre elle. L’entreprise pourrait être contrainte à de nouveaux ajustements – sur les prix comme sur l’offre – si les joueurs venaient à se détourner du Game Pass.
Xbox conserve toutefois un atout : ses studios possèdent certaines des licences les plus populaires… qui resteront toutefois disponibles chez la concurrence encore quelques années.
Et la nouvelle console ?
La sortie d’une console portable en pleine campagne pour le tout-dématérialisé a de quoi surprendre. Le choix semble paradoxal pour Microsoft.
Mais si le jeu dématérialisé progresse, de nombreux joueurs restent attachés au hardware ; sa disparition ne se fera pas du jour au lendemain.
Ainsi, avec ses Rog Xbox Ally et Ally X, développées avec Asus Rog – la branche gaming d’Asus -, Microsoft fait deux choses. La première consiste à prendre part au retour des consoles portables, qui se sont multipliées ces dernières années, tout en restant de niche. La deuxième vise à tâter le terrain pour la prochaine génération de console, mais surtout l’appétence du public pour les modèles plus onéreux.