Circus mise gros sur les jeux de hasard en ligne
Alors que les règles concrètes qui encadrent les jeux de hasard sur Internet restent floues, le groupe belge Circus ne souhaite pas attendre et s’associe à l’agence ProduWeb pour investir le Web. Son objectif ? Se positionner au plus tôt sur un marché qui pourrait aisément dépasser 180 millions d’euros en Belgique.
Depuis janvier 2011, les jeux de hasard sur Internet sont autorisés. Les arrêtés royaux ont récemment été publiés et la Commission des jeux de hasard surveille le développement du marché en question. Quelques acteurs testent déjà leurs sites en ligne, essentiellement des jeux de casino. Par contre, c’est dans le domaine des jeux de salles de jeux (voir encadré) que Circus s’est engagée depuis le mois d’août. Avec la ferme intention de s’imposer comme principal acteur sur ce créneau. Ses arguments ? Son origine “100 % belge” destinée à rassurer les joueurs et sa légalité dans un domaine où les sites étrangers sans licence pour exercer en Belgique sont légion. Car si 10.000 personnes joueraient déjà à des jeux de hasard en ligne légaux, 150.000 fréquenteraient, par contre, selon la Commission, des sites ne disposant pas de licence !
Une joint-venture inédite
Alors qu’en 2008 les premières discussions législatives s’amorcent quant à l’autorisation des salles de jeux sur le Net, Jean-Christophe Choffray, responsable des activités en ligne du groupe Circus (propriétaire d’une quinzaine de salles et des casinos de Spa et de Namur), y voit un créneau à explorer d’urgence et embarque l’équipe de l’agence liégeoise ProduWeb dans l’aventure. S’ensuit un examen minutieux du secteur. “Rapidement, nous avons compris que deux options s’offraient à nous, se souviennent Gérard El Allaf et Sylvain Boniver, cofondateurs de ProduWeb : soit nouer un partenariat avec un leader du secteur, soit tout développer en propre.” Pour les jeux de classe A, Circus s’est associé à PokerStars, leader mondial du secteur dont Patrick Bruel a fait la pub en France. Par contre, l’entreprise a développé de A à Z les jeux de classe B destinés au Web. Pourquoi ? “Il s’agit d’un domaine très différent de l’univers du casino à proprement parler, argumente Emmanuel Mewissen, patron de Circus. Les salles de jeux sont un marché de niche en Europe avec des produits très adaptés localement. Les machines de jeu en Belgique ne sont pas du tout les mêmes que celles des salles de jeux aux Pays-Bas ou en Espagne. Les joueurs belges ont des repères qui leur sont propres. Personne n’exploite cela sur le Web : les acteurs sont plus intéressés par le marché du casino en ligne, avec des jeux identiques partout dans le monde. Nous misons sur cette spécificité locale.”
Pour concrétiser cette ambition, les deux acteurs ont créé une joint-venture. La société, fondée par ProduWeb et Circus, s’appelle ProduWeb Gaming. La petite structure emploie actuellement sept personnes et en engagera encore trois courant du mois de septembre. Et si les responsables se refusent à chiffrer l’investissement consenti pour la création d’un tel projet, ils évoquent un devis que leur a présenté une entreprise slovène : 1,8 million d’euros. “L’avantage d’une joint-venture, admet Manu Mewissen, c’est justement qu’on évite de travailler à un coût horaire et qu’on peut s’engager dans un partenariat long terme.” Surtout qu’un site tel que Circus. be nécessite aussi un investissement constant tout au long de son exploitation. Afin de continuellement attirer le joueur, ProduWeb Gaming entend d’ailleurs proposer une nouveauté par mois comme des jeux multi-joueurs ou des tournois, par exemple.
Nouveaux moments de consommation
Circus.be espère, d’abord, attirer les amateurs de jeu réel en créant un nouveau moment de consommation. “Quand un joueur décide de se rendre dans une salle de jeux, il doit prendre sa voiture et prévoir un petit budget lui permettant de jouer toute la soirée et de boire un verre, commente Jean-Christophe Choffray. Grâce à Internet, il peut y consacrer moins de temps et des mises moins importantes.” En arrivant sur le Web le plus tôt possible, Circus, qui ne détient que 10 % des parts du marché des jeux de hasard (physique) en Belgique, compte aussi et surtout séduire les habitués de ses concurrents vers sa plateforme en ligne. Avec l’espoir de les tirer, ensuite, vers ses salles physiques.
Pour y parvenir, ProduWeb Gaming mise sur un marketing classique mais ambitieux. Discrètement lancé au début du mois d’août, le site a commencé par une campagne de bannières Adwords (Google) sur Internet. Mais Circus.be compte surtout sur le mécanisme de l’affiliation pour recruter des joueurs. Différents partenaires (groupes médias, sites web, etc.) pourront rameuter leur public vers la plate-forme de jeu et profiter d’une commission sur les gains nets. Le premier gros partenariat d’affiliation de Circus.be vient d’ailleurs d’être noué avec Sud Presse. Pendant plusieurs semaines, malgré une législation encadrant la publicité des casinos et salles de jeux, les quotidiens du groupe devraient publier des annonces incitant leurs lecteurs à découvrir cette plate-forme de jeux de hasard. Tous les joueurs inscrits par leur intermédiaire seront clairement identifiés et Sud Presse touchera entre 35 et 50 % des revenus nets engrangés par chaque joueur recruté… à vie ! C’est sur le nombre que cette somme prendra de l’importance. En effet, les revenus nets sont ce qui reste des mises après distribution des gains (au minimum 96 % des mises sont redistribuées, d’après Circus) et après déduction de toutes les charges (frais de fonctionnement, de marketing, etc.). Des discussions ont également lieu avec un groupe de presse flamand pour toucher aussi le nord du pays.
3 millions d’euros de mises en un mois
Quand on les interroge sur leurs objectifs financiers pour le Web, les responsables de Circus. be admettent faire face à l’inconnu. “On ne peut que faire quelques estimations, insiste Jean-Christophe Choffray. Le marché de classe B en Belgique représenterait 180 millions d’euros et, bien que certains pensent que les activités en ligne peuvent atteindre trois fois le réel, je pense plus réaliste de tabler sur un marché équivalent.” Sur son premier mois d’exercice, Circus. be compterait 2400 inscrits et aurait enregistré 3 millions d’euros de mises. Soit un peu plus qu’une grosse salle de jeux physique. Un montant qui semble important mais que les responsables du site espèrent voir rapidement multiplié par 10 !
Et la rentabilité dans tout cela ? Les salles de jeux permettraient de dégager, en moyenne, entre 10 et 20 % de marges, d’après les responsables de Circus. Si les sites web font l’économie d’un bâtiment et de personnel de salle, ils emploient néanmoins des graphistes, des informaticiens, des serveurs et beaucoup de marketing. “L’un dans l’autre, la marge devrait être identique”, prédit Jean-Christophe Choffray, malgré des taxes régionales sur les recettes brutes (les mises moins les gains) moins élevées que pour les salles physiques : 11 % au lieu de 45 % de taxes (pour les casinos).
Du gâteau à 180 millions d’euros, Circus compte bien se réserver la plus grande part, notamment en offrant sa solution technique à… ses concurrents. “Sur 180 salles de jeux en Belgique, 90 sont détenues par de gros groupes, enchaîne Jean-Christophe Choffray. Le reste appartient à des petites sociétés.” Pour elles, dont le budget ne permet sans doute pas les investissements nécessaires au développement d’une plate-forme en ligne, ProduWeb Gaming proposera sa technologie en marque blanche. Aujourd’hui, Sylvain Boniver, le responsable de l’entité ProduWeb Gaming, fait état de “discussions très avancées avec d’autres groupes, mais pas encore de contrat signé.”
C’est que les acteurs restent dans l’attente d’une vraie réglementation dans le secteur : à l’heure qu’il est, en effet, si la loi et les principaux arrêtés royaux qui concernent les jeux de hasard en ligne ont bien été adoptés, les opérateurs n’ont encore qu’une autorisation provisoire d’exercice. Des acteurs comme Circus ou Partouche défrichent le terrain et tentent d’établir, de concert avec la Commission des jeux de hasard, les bonnes pratiques du secteur. “Nous sommes dans une période de stress tests, en quelque sorte, et pas mal de choses doivent encore évoluer pour que ce secteur soit parfaitement encadré”, admet Etienne Marique, président de la Commission des jeux de hasard et conseiller à la Cour d’Appel de Bruxelles. Ce qui explique sans doute la prudence de certains opérateurs qui n’ont pas encore massivement misé sur le Net. Un avantage pour Circus… pour le moment du moins.
Christophe Charlot
Quels garde-fous ?
Le marché des jeux de hasard en ligne n’en est qu’à ses balbutiements en Belgique et tant les acteurs que la Commission des jeux de hasard avancent à tâtons. Quelques garde-fous sont cependant déjà prévus :
– Seules les entreprises disposant d’une licence pour exercer physiquement en Belgique peuvent se lancer sur le Web.
– Les serveurs informatiques doivent se situer en Belgique.
– L’identité du joueur doit être contrôlée lors de son inscription en ligne.
– Les pertes horaires doivent être limitées.
– La publicité doit être encadrée.
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