Bolloré va-t-il sauver LN24?

Vincent Bolloré - LN24
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

Majoritairement détenue par le groupe IPM, LN24 est en fâcheuse posture financière et risque de ne pas passer l’hiver. En coulisse, des contacts informels se nouent désormais avec de nouveaux partenaires potentiels dont le groupe Canal+ du magnat Vincent Bolloré. Opération sauvetage.

La situation est plus que tendue dans les bureaux de LN24. Plusieurs collaborateurs freelance viennent d’être remerciés et de nouvelles pistes doivent être activées pour assurer la viabilité de la chaîne généraliste à court terme.

En fâcheuse posture financière (près de 20 millions de pertes cumulées depuis son lancement en septembre 2019), la chaîne belge souffre d’un marché publicitaire historiquement bas en télévision et peine à maintenir le cap vers des jours meilleurs. Certes, les derniers chiffres d’audience sont susceptibles de redonner un peu d’espoir à l’équipe (+70% depuis la nouvelle stratégie mise en place au printemps dernier), mais LN24 ne parvient toujours à être financièrement viable et elle enregistrera à nouveau une perte d’environ 500.000 euros pour l’année 2025.

Redistribution des cartes

Certains actionnaires commencent à la ‘‘trouver longue’’ et réclament aujourd’hui un changement de cap stratégique. Pour rappel, la chaîne belge est aujourd’hui détenue à quasi 64% par le groupe IPM (La Libre, La DH, L’Avenir, etc.), 18% par Belfius Insurance, 9% par Belgian Media Ventures et 9% par Sport & Media Saleshouse (SMS). Ces deux derniers acteurs venus du monde de la pub et des médias ont en effet rejoint, au printemps dernier, la chaîne anciennement ‘‘100% info’’ avec un grand nom en filigrane: RMB, la régie publicitaire de la RTBF, qui s’est invitée au capital de LN24 via, d’une part, sa filiale Belgian Media Ventures et, d’autre part, via SMS qui se présente aussi comme une régie publicitaire, mais cette fois orientée sur le sport. Cette société est détenue à parts égales par RMB et Zelos, une entreprise spécialisée dans le management et la production de contenus sportifs, fondée par Freddy Tacheny qui fut le directeur général de RTL Belgique de 2002 à 2011. Ce sont donc de vrais experts médias qui rejoint l’aventure LN24 pour lui donner désormais un angle ‘‘plus sport’’ le week-end et ‘‘plus généraliste’’ la semaine.

Cette ‘‘renaissance’’ a visiblement porté ses fruits en termes d’audience et de résultats, mais pas suffisamment pour sortir de l’ornière financière et aller de l’avant. ‘‘La chaîne a très bien progressé ces derniers mois avec une audience moyenne qui s’approche des 2% et un chiffre d’affaires qui a augmenté de 40%, mais nous espérions une progression encore plus importante, réagit François Le Hodey, CEO du groupe IPM. La situation publicitaire est globalement mauvaise en télévision et aujourd’hui, nous devons adapter le projet.’’

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L’option Bolloré ou…

Concrètement, LN24 doit ajuster son business plan et donc réduire ses coûts pour rester momentanément à flot. Selon nos informations, plusieurs collaborateurs freelance ont ainsi été remerciés vendredi dernier et la piste d’un repreneur ou, du moins, d’un nouveau partenaire prêt à réinjecter de l’argent frais dans la chaîne est clairement sur la table. ‘‘Le nom de Vincent Bolloré (patron du groupe Canal+ qui possède notamment CNews, Ndlr) et aussi le groupe RMC BFM (entre autres propriétaire de BFMTV, Ndlr) ont été cités, nous confirme une source en interne, mais la piste d’un renfort belge n’est pas à exclure non plus.’’

A la question de savoir si l’option d’un repreneur français se dessine bel et bien pour LN24, François Le Hodey répond le traditionnel ‘‘No comment !’’.  Mais une chose est sûre : la chaîne généraliste devra impérativement trouver de l’argent frais si elle veut passer l’hiver. Aujourd’hui, deux options semblent l’emporter. La première serait l’entrée d’un groupe de médias français au capital de LN24 ou, du moins, un partenariat avec un grand acteur comme Canal+, RMC BFM ou encore Mediawan (notamment propriétaire des chaînes RTL9 et AB3 avec qui LN24 collabore déjà) et qui fournirait davantage de programmes ‘‘bon marché’’ à LN24. La deuxième option, plus ‘‘belgo-belge’’, pourrait être l’arrivée plus inattendue d’un nouveau partenaire belge de la sphère médias/télécoms.

Un projet ‘’idéologique’’?

‘‘Si Vincent Bolloré débarque à Bruxelles pour faire de LN24 un CNews belge, il s’agira avant tout d’un projet idéologique, note cet expert des médias. Il peut se permettre de perdre de l’argent. Pour lui, ce n’est pas un problème, mais on risque d’avoir alors un projet 100% français qui sera très politiquement connoté.’’

Pour l’instant, rien n’est encore décidé, mais des contacts informels ont bien été pris pour examiner ces différentes pistes. En attendant, LN24 poursuit donc son aventure télévisuelle au quotidien, même si l’ambiance est lourde et que les dents grincent. « C’est un peu comme ces artistes de cirque avec des assiettes chinoises, conclut cet autre acteur du dossier. On arrive encore à les faire tourner en prenant quelques mesures, mais à un moment donné, il faudra accélérer le rythme pour éviter la casse.’’

Une casse qui signerait l’arrêt définitif de LN24.

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