Bientôt un start-up studio en Wallonie?
Le modèle d’un développement de start-up en série attire beaucoup d’entrepreneurs créatifs. La jeune pousse wallonne ØPP, qui crée des applications de ” gamification “, envisage de se structurer et de devenir une référence en matière de studio dans le sud du pays.
Le concept du start-up studio a la cote. L’idée de développer une structure qui accouche d’une multitude de jeunes pousses du digital, en chouchoute les responsables, leur apporte du support et en prend une (bonne participation), allèche certains entrepreneurs. Il faut dire que le pionnier du secteur en Belgique, eFounders démontre l’intérêt du modèle. Sa dizaine de start-up, qui ont déjà bénéficié de levées de fonds respectives pour un montant total de 40 millions d’euros, sont aujourd’hui valorisées 170 millions. Et pas plus tard qu’en septembre, eFounders est parvenu à réaliser sa première vente de start-up : Hivy, qui propose une solution software as a service destinée aux office managers, a été reprise par le groupe américain Managed By Q.
Pas étonnant, dès lors, que d’autres s’engouffrent dans le créneau, chacun avec sa spécialisation. Ainsi, à Bruxelles, Barefoot s’est spécialisée dans les solutions numériques B to B en proposant aux entreprises du covoiturage (Kowo), un logiciel qui bloque le texting au volant (Freedrive), etc. La Wallonie ne compte pas encore de véritable start-up studio. Le fonds d’investissement mis en place par Pierre Lhoest (ex-EVS) joue de temps à autre la carte du studio en initiant, en son sein, la naissance de jeunes entreprises innovantes. Mais ce n’est pas son modèle à la base, puisqu’initialement, The Faktory investit dans des start-up fondées par des entrepreneurs. Mais la Wallonie devrait bientôt pouvoir afficher, elle aussi, son ” studio “. La start-up Øpp, spécialisée dans la gamification et fondée par Dominique Mangiatordi, aimerait en tout cas en prendre le chemin. L’homme qui avait créé l’application Peak Me Up pour doper les performances des vendeurs déploie plusieurs applis de jeu, au travers de sa nouvelle start-up ØPP. Cette dernière ambitionne de structurer sa démarche dans un véritable start-up studio qui créera une entreprise par nouvelle application et prendra la majorité dans chaque nouvelle start-up.
Atteindre ses objectifs ou recruter des collaborateurs
Ainsi, il s’est associé à Laurence Vanhee pour lancer HappyFormance. Le concept ? L’application permet aux entreprises d’adopter un outil moderne, fun et dynamique pour aborder autrement la gestion des objectifs. Basée sur le thème de la marine, l’application est organisée de sorte à motiver les équipes à atteindre, ensemble, les objectifs fixés, permettant aux collaborateurs de passer progressivement d’une petite barque à un beau navire. L’appli permet à tout membre d’une équipe de faire état, subtilement, de l’avancement de son travail, de son ressenti dans son équipe, de son moral, etc. En phase pilote, elle est déjà utilisée par plusieurs centaines de personnes, notamment au sein de groupes comme Engie ou ALD.
L’objectif d’Øpp ? Lever entre 3 et 4 millions pour assurer le développement d’environ cinq projets par an.
Un autre concept lancé par ØPP et qui commence à trouver son public ? Hunterz, co-développée avec Vincent de Meerleer, connu pour sa start-up Xpertize. Cette application ajoute, au sein des entreprises, la dimension ” jeu ” à l’aide au recrutement de nouveaux collaborateurs. ” Cinquante-six pour cent des grandes entreprises offrent des primes à leurs employés s’ils renseignent quelqu’un qui se fait engager dans la boîte, détaille Dominique Mangiatordi. Mais peu disposent d’outils efficaces pour permettre le suivi des procédures de recrutement. Avec Hunterz, l’employé comme la société sont en mesure de voir si la personne a passé une, deux ou toutes les étapes. Du coup, cela permet de mieux engager le personnel dans le recrutement et le récompenser de manière correcte et adaptée, soit en argent, soit avec des points ou des cadeaux. ” Et les entreprises commencent à mordre à l’hameçon. Vincent de Meerleer et Dominique Mangiatordi disposent chacun d’un bon réseau et ont déjà réussi à ouvrir les portes de plusieurs groupes, en Belgique et en France : d’un grand cabinet de consultants, à un groupe informatique français (Sii) en passant par HEC Liège. Même si l’appli n’a été commercialisée que durant l’été, l’intérêt des entreprises pour le modèle semble prometteur à en croire le patron. ” On enregistre de très bons taux de conversion par rapport aux prospects que l’on démarche, insiste-t-il. Nous avons inscrit dans notre business plan l’enregistrement de 200.000 euros de commandes récurrentes d’ici fin 2018. Or on va probablement atteindre 100.000 euros de commandes d’ici la fin de l’année, deux mois seulement après son lancement. ” Pas encore de gros montants, mais ” on prouve l’intérêt du marché malgré une toute petite structure, répond le fondateur d’Øpp. L’étape d’après est idéalement d’obtenir un partenariat avec un acteur industriel pour vendre plus “.
Plusieurs millions pour se structurer
Et comme Dominique Mangiatordi ne manque pas d’idées, il a la ferme intention de faire d’ØPP, non plus une agence de développement d’applications de jeu mais bien un véritable start-up studio. Pour chacune de ses idées, le Liégeois prévoit de trouver les porteurs de projets, de les intéresser dans le capital de ses nouvelles entreprises, de leur assurer un certain revenu dans les premiers temps (” de sorte à attirer des profils qualitatifs, qui sans cela, préféreraient rester dans un job de salarié bien payé “, détaille Dominique Mangiatordi) et de mettre à profit la structure d’ØPP pour les développements technologiques, la gestion RH ou les finances. Un modèle qu’eFounders connaît bien et qui affiche de vrais avantages pour aider les CEO des boîtes à se concentrer sur les développements de la start-up.
ØPP, qui a pour l’instant levé 470.000 euros auprès de Meusinvest, des fondateurs de Proximedia (Fabrice Wuyts et Eric Glachant) et du fondateur de l’agence d’applications mobiles Tapptic, financera les nouvelles idées de start-up. Des start-up qui peuvent, en théorie, devenir rapidement rentables. En effet, chaque application s’adresse aux entreprises qui s’engagent, rapidement, à souscrire à des abonnements récurrents. Dans le cas de Hunterz, le pricing s’étend de 2.500 euros pour cinq jobs à pourvoir à 30.000 euros pour un nombre de jobs illimité. ” En général, pour développer une application de gamification, on commence par un budget de l’ordre de 50.000 euros que l’on finance nous-mêmes, détaille Dominique Mangiatordi. Ensuite, les commandes des premiers clients garantissent la suite des développements. ” Reste la question du financement d’un tel studio. Le Liégeois a déjà multiplié les contacts pour lever des fonds auprès de grosses structures. Son objectif ? Lever entre 3 et 4 millions pour assurer le développement d’environ cinq projets par an. Idéalement dans le domaine de la gamification, mais peut-être pas exclusivement. ” On peut évidemment développer des projets dans des domaines liés, lance le boss d’ØPP. Un comité de sélection pourrait déterminer les idées dans lesquelles nous miserions. ” Et les idées ne manquent pas. ØPP dispose d’ores et déjà de plusieurs projets dans ses cartons : notamment un jeu d’idéation permettant de favoriser l’esprit d’entreprendre, ou encore Seeya, une appli pour entrer en contact avec des personnes qui participent au même événement que vous.
Quant à l’issue, Dominique Mangiatordi est très clair : ” L’objectif, c’est la vente des start-up que l’on aura créées et qui constitueront notre portefeuille… ou faire entrer des industriels dans notre capital “. Sa première application de gamification, destinée aux commerciaux des grandes structures, constitue d’ailleurs son point de référence. Créée en 2014, l’application Peak Me Up a été revendue en 2016 à Efficy, une firme belge spécialisée dans le CRM. Un premier joli succès (puisque l’on peut estimer la valeur de la boîte à plus d’un million) mais que le fondateur d’ØPP entend largement dépasser. ” Mon idée est d’aller chercher non pas des licornes, mais des dragons… “, dit-il. Comprenez des start-up dont la vente permet de rentabiliser tout le fonds.
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