Au Royaume-Uni, un sommet face à l’essor fulgurant et inquiétant de l’IA
Le Royaume-Uni réunit mercredi et jeudi dirigeants politiques, représentants de la tech et chercheurs pour discuter de l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA), lors d’un premier sommet organisé face aux craintes suscitées par cette révolution technologique.
Destruction d’emplois, cyberattaques voire perte de contrôle par les humains… Face aux dangers potentiels de l’IA, le gouvernement britannique veut ouvrir le dialogue lors de cette réunion à Milton Keynes, au nord de Londres, même s’il semble avoir revu ses ambitions à la baisse tant sur les participants que sur les mesures concrètes attendues.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a assuré vouloir aboutir à la “première déclaration internationale sur la nature” des risques de l’IA et propose la mise sur pied d’un groupe d’experts internationaux, inspiré du modèle du Giec sur le climat. L’objectif britannique, à minima, est de parvenir à une “compréhension commune des risques”, faute de politique commune: l’Union européenne a choisi de réglementer tandis que Londres ne souhaite pas en l’état réguler. Aux Etats-Unis, Joe Biden doit annoncer lundi une vaste série de mesures pour réglementer l’IA.
Le lieu n’a pas été choisi par hasard: le manoir de Bletchley Park est l’emblématique centre de décryptage des codes de la Seconde guerre mondiale, où le mathématicien Alan Turing est parvenu à “casser” le code de la machine Enigma utilisée par les nazis. Le Britannique Alan Turing est aussi considéré comme l’un des pères de l’IA grâce à son célèbre test, qui consiste à deviner si un utilisateur converse avec un ordinateur ou un être humain.
Des smartphones aux aéroports, l’intelligence artificielle est déjà omniprésente dans la vie quotidienne. Ses progrès se sont accélérés ces dernières années avec le développement des IA génératives, comme le robot conversationnel ChatGTP. Ces technologies “d’avant-garde” sont capables de produire texte, sons et images en l’espace de quelques secondes.
Le potentiel de l’IA suscite d’énormes espoirs, en particulier pour la médecine, et “dans 200 ans, les historiens auront donné un nom à cette période” de révolution technologique, a affirmé lors d’une conférence de presse Aldo Faisal, professeur d’IA et de neurosciences à l’Imperial College de Londres. Mais outre la destruction de milliers d’emplois, le développement effréné de cette technologie pourrait aussi être à l’origine de cyberattaques, de désinformation, ou même permettre de “fabriquer des armes chimiques ou biologiques”, s’est inquiété Rishi Sunak.
“Occasion manquée”
A l’initiative de ce sommet, le Royaume-Uni se veut le moteur d’une coopération internationale sur l’intelligence artificielle. Mais reste à savoir quels chefs d’Etats feront le déplacement, en pleine guerre entre Israël et le Hamas. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres sont attendus. Les Etats-Unis seront représentés par la vice-présidente Kamala Harris. La Première ministre italienne Giorgia Meloni est la seule cheffe d’Etat ou de gouvernement du G7 à avoir confirmé sa présence. Malgré les tensions et craintes d’espionnage technologique, Pékin sera bien représenté, sans que l’on sache exactement à quel niveau, alors que selon le site Politico, le président chinois Xi Jinping en personne a été invité.
Rishi Sunak a estimé qu’il ne pouvait y avoir de “stratégie sérieuse pour l’IA sans au moins essayer d’impliquer toutes les grandes puissances mondiales”.
Une centaine d’organisations, experts et militants internationaux ont publié lundi une lettre ouverte au Premier ministre britannique, qualifiant ce sommet à “huis clos” d'”occasion manquée” et lui reprochant d’être dominé par les géants de la tech. Cette coalition de syndicats, d’universitaires ou encore d’organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty international, ont également regretté l’approche catastrophiste du gouvernement britannique, au détriment des menaces que représente déjà l’IA “ici et maintenant”. Parmi elles, les experts pointent le manque de transparence des modèles conçus par les entreprises, et leurs biais sur la race ou le genre.
Pour Hamed Haddadi, professeur au département d’informatique à l’Imperial College, le temps est en tout cas venu “d’avoir ce dialogue”: “Avons-nous besoin de régulation, ou devons-nous laisser le marché et les entreprises s’en occuper, et voir ce qu’il se passe?”, a-t-il interrogé.