Le mouvement de grève qui secoue plusieurs magasins IKEA en Belgique dépasse la simple revendication locale : il dévoile une fracture profonde entre l’image sociale affichée par l’enseigne et le quotidien vécu par ses salariés. Pour la CNE, il est grand temps que les “valeurs” d’IKEA cessent d’être un slogan publicitaire et deviennent des réalités concrètes dans les magasins.
Tout a commencé dans le magasin Ikea d’Hognoul, où la grève perdure depuis une semaine. Selon les syndicats, près de 70 à 80 % du personnel y est mobilisé, ce qui a conduit à la fermeture temporaire du site. Ce mouvement initial n’est pas resté isolé : il s’est étendu à Anderlecht, Zaventem, Wilrijk et Gand. À Zaventem, où est installé le siège belge, une trentaine de personnes manifestaient ce mardi à l’entrée réservée au personnel tandis que le magasin restait ouvert aux clients.
Face à cette extension du conflit, les syndicats dénoncent des conditions de travail devenues intenables : surcharge, manque de personnel, refus réitéré de congés, et un sentiment croissant de ne plus être écoutés. Fabian Foriers, délégué CNE à Liège, résume la tension : « les conditions de travail se dégradent, la charge devient insupportable, et le manque d’effectif pèse lourdement sur le quotidien des équipes ».
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« Un personnel épuisé et non considéré »
À l’approche du bureau de conciliation prévu ce mercredi, la CNE insiste sur l’urgence d’une remise à plat : un personnel épuisé et non considéré ne peut pas offrir un service de qualité. Julien Dejon, permanent CNE Liège, relève un contraste saisissant entre la communication d’IKEA et la réalité sur le terrain : « IKEA se targue de valeurs humaines fortes, d’un engagement social affirmé… mais dans les faits, ces principes semblent relégués au second plan. Où sont les valeurs d’écoute, de bienveillance et de respect du personnel ? » Les salariés ne demandent pas des privilèges, mais des conditions ‘normales’ : exercer leur métier sans sacrifier leur santé mentale ou physique.
Tensions dans le retail
Cette crise sociale révèle des problèmes structurels qui dépassent le cas d’IKEA. Le refus de congés en raison d’un sous-effectif constant, les départs non remplacés ou remplacés par des contrats précaires, la montée du contrôle managérial au détriment du dialogue, ou encore l’opacité de certaines politiques de digitalisation ou de flexibilité : autant de tensions communes au secteur du retail, mais d’autant plus visibles chez une entreprise qui revendique d’être exemplaire.
Des ajustements dans la planification du travail
La direction d’IKEA Belgique, notamment celle du magasin de Liège, assure qu’elle a déjà entamé un dialogue approfondi avec les collaborateurs et leurs représentants, visant à analyser les préoccupations par département. Au cœur de ses propositions figurent des ajustements dans la planification du travail pour alléger la charge, la simplification des procédures internes, et un renforcement du suivi des formations. La direction admet que ces propositions n’ont pas encore été acceptées par les syndicats, mais se dit prête à prendre toutes les initiatives utiles pour relancer le dialogue. Elle rappelle que le secteur du commerce de détail traverse actuellement une période difficile, sous forte pression sur les coûts, la concurrence et les attentes des clients. IKEA Belgique affirme vouloir travailler avec ses équipes pour identifier des solutions “adaptées, respectueuses et équilibrées” visant à concilier rentabilité et bien-être du personnel.
Pour les syndicats, ce rendez-vous de conciliation ne doit pas se limiter à une opération de façade. Ils réclament des engagements concrets et durables : des embauches stables, un plan précis de remplacement, une relecture des politiques horaires et des contrats, et surtout une vraie prise en compte du vécu des employés. Tant que la direction restera dans l’ombre des discours marketing, la fracture entre les valeurs affichées et la réalité du terrain ne cessera de s’accentuer — et la tension de s’enraciner durablement, estiment les représentants du personnel.