Pharmaciens, infirmiers, kinés… 60% des prestataires de soins se sentent incompétents en tant qu’entrepreneurs

On pourrait penser qu’un prestataire de soins, qu’il soit pharmacien, infirmier, kinésithérapeute ou sage-femme, se consacre exclusivement à ses patients et aux soins qu’il leur prodigue. Pourtant, une récente étude commandée par l’assureur santé Curalia révèle qu’une part significative de leur temps de travail est dédiée à des tâches administratives. Des responsabilités pour lesquelles beaucoup estiment ne pas avoir été suffisamment préparés.
On pourrait penser qu’un prestataire de soins, qu’il soit pharmacien, infirmier, kinésithérapeute ou sage-femme, se consacre exclusivement à ses patients et aux soins qu’il leur prodigue. Pourtant, une récente étude commandée par l’assureur santé Curalia révèle qu’une part significative de leur temps de travail est dédiée à des tâches administratives. Des responsabilités pour lesquelles beaucoup estiment ne pas avoir été suffisamment préparés.
L’étude indique que près de six prestataires de soins indépendants sur dix (59 %) considèrent ne pas être suffisamment compétents en matière d’entrepreneuriat. « Les prestataires de soins sont formés pour soigner, pas pour gérer une entreprise, souligne Izzy Van Aelst de Curalia. Il est essentiel qu’ils soient mieux préparés à cet aspect durant leur formation. Les responsables politiques et les établissements d’enseignement ont un rôle à jouer pour accorder davantage d’attention à cette dimension. »
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8 à 13 heures d’administration par semaine
L’étude met en lumière le temps important que ces professionnels consacrent à la gestion de leur activité : en moyenne, huit heures par semaine. Les pharmaciens indépendants sont particulièrement impactés, avec un volume horaire moyen de 13 heures par semaine dédié aux tâches administratives.
« Notre étude montre clairement que cette charge administrative est excessive, poursuit Izzy Van Aelst. En moyenne, ces professionnels souhaiteraient la réduire à cinq heures hebdomadaires, soit trois heures de moins qu’actuellement. » Bien que cette lourdeur administrative n’ait pas encore d’impact direct sur les patients, elle constitue un point de vigilance selon Curalia.
Une formation insuffisante à l’entrepreneuriat
L’étude souligne que trop peu de prestataires indépendants se sentent compétents pour gérer leur entreprise. Certains hésitent à se lancer, tandis que d’autres décident de franchir le pas malgré leur manque de connaissances.
C’est le cas de Noemi Biscotti, 25 ans, infirmière indépendante : « J’ai terminé mes études en juin 2022. Après avoir travaillé en urgence et en soins intensifs, j’ai poursuivi deux années d’études à l’université. Je ne suis devenue indépendante qu’en janvier de cette année, car je ne me sentais pas prête faute de connaissances sur ce que ce statut implique. Finalement, je me suis dit : “Pourquoi attendre davantage ? Personne ne me donnera toutes les informations si je ne vais pas les chercher moi-même. ” »
Une formation inadéquate
Noemi Biscotti n’est pas surprise par les résultats de l’enquête : « J’ai suivi six années d’études, dont quatre pour le bachelier et deux à l’université. Durant cette période, je n’ai jamais eu de cours sur les tâches administratives ou la gestion d’entreprise, pourtant essentielles pour un infirmier indépendant. »
La gestion administrative est omniprésente dans son quotidien : « Il ne s’agit pas d’un moment dédié où l’on se consacre uniquement à l’administration. Nous devons jongler en permanence entre les soins aux patients et les formalités administratives : lors des visites matinales, entre deux soins ou en fin de journée, il y a toujours une démarche à effectuer. »
Des règles complexes et chronophages
Selon elle, la complexité administrative tient notamment aux exigences de l’INAMI/RIZIV : « Chaque procédure est soumise à de nombreuses règles et exceptions. Une simple omission peut entraîner des conséquences importantes. »
Des solutions existent pour réduire cette charge. Noemi Biscotti plaide pour l’intégration de cours sur la gestion administrative et le statut d’indépendant dans les cursus scolaires. « Actuellement, certaines formations proposent des modules à option sur ce sujet, mais ils restent facultatifs et peu suivis. Ces notions devraient être enseignées dès le début de la formation et être obligatoires. »
Elle insiste également sur la nécessité d’une simplification des procédures administratives par l’INAMI/RIZIV : « Il y a trop de règles et d’exceptions qui complexifient inutilement notre quotidien. »
Pas question d’allonger les études
Cependant, elle rejette l’idée d’une prolongation des études pour inclure ces formations : « Les études sont déjà suffisamment longues. Plutôt que d’ajouter une année, il serait préférable de mieux structurer les cours existants et de remplacer certaines matières moins essentielles par une formation sur l’administration et la gestion d’entreprise. »
Un impact sur la qualité des soins
Dans son quotidien, la charge administrative varie en fonction des soins dispensés : « Pour des soins simples, elle reste réduite. Mais pour des patients atteints de pathologies lourdes, elle devient bien plus contraignante. Plus un soin est complexe, plus les contrôles du RIZIV sont stricts. »
Elle explique travailler avec une application permettant de gérer les patients, mais qui exige une mise à jour constante des données. « Chaque patient requiert l’encodage de sa carte d’identité, de ses prescriptions médicales, et idéalement, la rédaction d’un rapport d’observations. Mais avec notre charge de travail, c’est très difficilement tenable. »
Des conséquences non négligeables
Cette surcharge administrative représente un risque : « Nous voyons beaucoup de patients chaque jour et nous n’avons pas toujours le temps d’enregistrer immédiatement toutes les informations. Une simple erreur peut avoir de lourdes conséquences. »
Pour limiter ces difficultés, certains professionnels font appel à des services de facturation externes, mais ceux-ci ont un coût. « Si les procédures étaient simplifiées, nous pourrions nous concentrer pleinement sur notre métier : soigner les patients. »
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