Delhaize : polarisation, entre balade du dimanche et jobs étudiants du week-end
Le conflit social généré par la franchisation des supermarchés illustre un bras de fer bien plus large qui divise la société et les politiques. Des expressions révélatrices en témoignent. Au cœur de tout : notre mode de vie.
Le conflit social chez Delhaize polarise toute la société avec, en toile de fond, un débat de fond sur son caractère marchand, la précarité du travail et nos modes de vie axés sur une consommation sans limites. La preuve par des sorties médiatiques révélatrices.
« Avec Delhaize, les syndicats surfent sur la peur du changement. » L’expression, forte, émane de Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes, dans L’Echo ce mardi 4 avril. Le patron des PME et indépendants regrette depuis le début du conflit social chez Delhaize que l’on caricature les franchisés, ces structures autonomes qui génèrent, à ses yeux, davantage de souplesse et de dynamisme dans la gestion des magasins. Les libéraux adoptent cette même ligne sur le plan politique, regrettant une exploitation du conflit par la gauche, sous pression du PTB.
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Les balades du dimanche dans les bois
Le conflit chez Delhaize se trouve désormais entre les mains d’un conciliateur social. Il a tendance à s’élargir avec la prise de position d’une autres grande chaîne comme Colruyt, avec la volonté de revoir les commissions paritaires ou, dans le chef du PS, de garantir les droits des travailleurs au sein de structures globales regroupant, le cas échéant, tous les franchisés.
Revoir les commissions paritaires ? « Si le souhait est de mieux coller à la réalité des demandes de la société, oui, rétorque Pierre-Frédéric Nyst. Mais si c’est aller dans le sens des syndicats, qui ont décrété que le dimanche était synonyme de balade dans les bois pour tous les Belges, alors non. Autrement dit, la modernité selon nous se traduit par de la flexibilité et de la souplesse. Le travail du dimanche est possible dans les CP 201 et 202.01, mais pas dans les 202, car les conditions de sur-salaires pouvant aller jusqu’à 300% le rendent dans les faits impossibles. »
Des horaires correspondant mieux aux modes de vie contemporains, voilà une des lignes de force de ceux qui défendent un commerce plus vivant, mieux en adéquation avec les besoins des gens. Franchisé.
Les étudiants en nombre le week-end
Interrogé sur LN24 ce mardi matin, Christophe Collignon (PS), ministre wallon du Logement et des Pouvoirs locaux, évoque une autre dimension de cette vision de société. Interrogé au sujet de la précarité étudiante et de la difficulté à trouve un logement pour les universitaires, il lâche, au détour d’une phrase : « Quand je vois des supermarchés où la moitié des employés sont des étudiants, franchement, ça me choque. Ce n’est pas leur rôle de prendre la place des travailleurs. »
Bien souvent, pour faire tourner les supermarchés le dimanche, précisément, les franchisés font appel à de nombreux jobistes. Et les fonctions sont interchangeables en fonction des besoins. A gauche, on met en garde contre un « ubérisation » du secteur de la grande distribution. « Delhaize fait d’énormes bénéfices et distribue d’énormes dividendes, dénonçait Paul Magnette, président du PS. Il essaye de détricoter le groupe pour réduire l’emploi, le détériorer et augmenter encore les bénéfices. C’est du capitalisme sauvage dont les travailleurs sont les premières victimes. »
Entre promenades dans les bois le dimanche et étudiants mobilisés en nombre, voilà où se situe la polarisation. Au cœur du conflit, un élément central : notre mode de vie.
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