Sébastien de Halleux, un “business angel” dans le jury de “Starter 2”
C’est l’une des réussites belges les plus fulgurantes du Web. Devenu multimillionnaire avec la revente d’une société de jeux en ligne, le trentenaire Sébastien de Halleux poursuit désormais son aventure américaine en investissant dans des “start-up” prometteuses. Sans oublier la Belgique qu’il continue de chérir en intégrant notamment le jury de l’émission “Starter 2” qui démarre ce soir sur la RTBF.
C’est l’incarnation parfaite du rêve américain transposé “à la belge”. A 34 ans à peine, Sébastien de Halleux est déjà multimillionnaire et consacre aujourd’hui l’essentiel de son temps à dénicher, soutenir et financer de jeunes entrepreneurs aux quatre coins du monde. Mais ce jeune business angel ne se contente pas de gérer un portefeuille de start-up qu’il espère à terme rentables. Altruiste dans l’âme, il s’investit également dans des projets sociétaux comme par exemple Vittana, une plateforme de micro-prêts dont la mission consiste à payer les études universitaires de jeunes gens originaires de pays en voie de développement.
Mais quelle est donc la recette du succès de ce Belge calme et posé, désormais établi à San Francisco et qui fait aujourd’hui partie du jury de la saison 2 de Starter, l’émission de la RTBF dédiée aux entrepreneurs en herbe? En quelques mots : du travail, du culot et une solide dose de génie visionnaire.
Un parcours exemplaire
Ingénieur civil de formation, Sébastien de Halleux débute ses études supérieures à l’UCL en 1996 qu’il termine à l’Imperial College de Londres cinq ans plus tard. Ses premiers pas professionnels le mènent au cabinet Booz Allen Hamilton où il officie comme consultant en stratégie, avant de rejoindre Macrospace en 2003, une start-up londonienne active dans le développement de jeux pour téléphones portables. A l’époque, ce type de business est balbutiant et très vite, la société s’agrandit pour fusionner avec une entreprise américaine. Rebaptisée Glu Mobile en 2006, la nouvelle structure entre en bourse un an plus tard, lève plus de 90 millions de dollars sur le Nasdaq et deviendra rapidement n°2 dans la conception de jeux vidéo sur téléphones mobiles.
C’est à l’occasion du passage en bourse que Sébastien de Halleux décide de quitter Glu Mobile pour rebondir quelques mois chez Nokia, avant de lancer finalement son propre business avec trois autres partenaires. Nous sommes en 2007, les réseaux sociaux commencent à sensibiliser les foules et les quatre associés fondent alors Playfish, une société spécialisée dans la création de jeux communautaires en ligne. Le pari visant à séduire Facebook s’avère rapidement payant. En à peine deux années d’activité, Playfish développe une dizaine de jeux (dont le célèbre PetSociety), passionne 60 millions de joueurs dans le monde et gonfle spectaculairement ses effectifs. Le business model est “simple”, si l’on ose dire : les applications développées par Playfish sont gratuitement accessibles au public, mais c’est le vente de petits objets virtuels qui permettent de mieux progresser dans les jeux qui assurent les revenus de la société.
Interpellé par la succès fulgurant de la start-up, le géant américain des jeux vidéo Electronic Arts convainc, à l’automne 2009, les quatre fondateurs de revendre leur société qui compte alors plus de 200 collaborateurs. Une offre de 400 millions de dollars est déposée sur la table des négociations alors que Sébastien de Halleux et ses trois partenaires avaient investi “à peine” trois millions pour lancer Playfish deux ans plus tôt. Inutile de préciser que le quatuor ne résistera pas à la tentation…
Une quinzaine de “start-up”
Devenu richissime à l’aube de ses 30 ans, le wonderboy belge n’abandonne pas immédiatement Playfish pour autant. Nommé vice-président “business development & strategic partnerships” au sein d’Electronic Arts, il restera encore un an et demi dans les bureaux de la société américaine, avant de se lancer dans de nouvelles aventures à l’approche de l’été 2011. Un choix de carrière qui lui convient mieux et qu’il assume pleinement aujourd’hui : “J’aime être entrepreneur et lancer des projets, reconnaît Sébastien de Halleux. C’est une de mes forces et surtout une de mes passions. Aujourd’hui, le fait d’avoir des moyens financiers accrus me permet d’accélérer certains mécanismes et d’investir dans différentes compagnies, mais aussi de développer de nouvelles idées. Actuellement, je participe au développement d’une quinzaine de start-up à travers le fonds Graph Ventures lancé avec de nouveaux partenaires, mais je travaille aussi sur un nouveau projet baptisé Togetr mais dont je ne peux malheureusement pas encore parler à l’heure actuelle.”
Toujours attentif à l’inventivité de ses compatriotes, Sébastien de Halleux a ainsi investi dans deux sociétés prometteuses, dirigées par des Belges et installées dans la Silicon Valley : Scanadu, d’une part, pionnière dans le développement d’accessoires médicaux reliés à la technologie mobile, et TwitSpark, d’autre part, active dans le support professionnel de clients via Twitter. Un “patriotisme” qui n’est pas non plus étranger à son investissement personnel comme membre du jury dans la nouvelle saison de Starter sur la RTBF : “Moi, je suis basé à San Francisco et je constate que l’on a, en Belgique, un vivier incroyable de talents, mais qui est malheureusement souvent retenu par la peur de l’échec et donc par la peur de se lancer, autrement dit la peur d’entreprendre, souligne le business angel. J’ai donc accepté de participer à cette émission de télévision parce que ça m’intéresse de montrer que l’entreprenariat est vivant et qu’il se passe à tous les niveaux. Je sais qu’il est humainement difficile de quitter un confort certain pour aller vers un destin incertain. Il est donc important, pour les entrepreneurs qui ont franchi les pas et j’en fais partie, d’être là pour prêter une oreille, pour donner la main et donc apporter un soutien.”
Si sa participation à Starter est bénévole, Sébastien de Halleux n’en reste pas moins transparent quant à ses autres motivations, reconnaissant volontiers la mission de repérage qu’il opère également pour son propre compte à travers ce show télévisé et donc l’investissement potentiel qu’il pourrait à terme mener auprès de l’un ou l’autre candidat. Car l’homme d’affaires n’est jamais vraiment loin…
Démystifier l’échec
Mais au-delà ce son intérêt personnel à investir dans un nouveau projet belge, c’est surtout la volonté de transmettre sa propre expérience qui anime aujourd’hui le jeune businessman. Avec, en ligne de mire, cette culture de l’échec qui n’est pas évaluée de la même façon des deux côtés de l’Atlantique. Perçu négativement sur le Vieux continent, le plantage éventuel fait en revanche partie d’un passage presque obligé aux Etats-Unis lorsque l’on s’engage sur la route du succès. Et c’est précisément cette peur d’échouer qui tétanise ici les candidats entrepreneurs et gèle, le plus souvent, la prise de risque. “La grande différence entre les deux mentalités réside dans le niveau de risque personnel qui est pris, enchaîne Sébastien de Halleux. Aux Etats-Unis, il n’est pas rare de voir un entrepreneur prendre trois cartes de crédit, descendre jusqu’à moins 10.000 dollars et demander en plus de l’argent à ses amis et sa famille, avant de trouver un investisseur potentiel. C’est ce qu’on appelle rendre l’entreprenariat personnellement douloureux pour finalement être crédible aux yeux d’éventuels partenaires. Car c’est une habitude de dire là-bas : ‘Vous me demandez de l’argent, mais qu’avez-vous mis vous-même dans l’aventure ?’. En Belgique, les gens sont beaucoup plus frileux ! Mais les choses sont en train de changer, parce qu’on est en train de démystifier tout doucement ce rapport au risque. Il y a des messages positifs dans ce sens et le coworking en est un bel exemple.”
Mais ce qui semble surtout contrarier ce business angel aujourd’hui père de deux enfants, c’est le peu d’informations dont semblent disposer les futurs entrepreneurs belges en général et les candidats de Starter en particulier dans leur volonté de monter une affaire sur notre territoire. Car si les structures d’aide à la création d’entreprise et d’autres services complémentaires existent bel et bien, leur maîtrise fait visiblement défaut auprès des principaux intéressés. “Cela pose des grandes questions institutionnelles sur la Belgique, sur les programmes d’éducation et sur les structures publiques d’aide, conclut Sébastien de Halleux. Celles-ci existent, mais on se rend compte que beaucoup de gens n’y ont pas accès, n’en ont pas bénéficié ou n’en ont tout simplement pas entendu parler. Au niveau de la formation, comment des écoles de stylisme peuvent-elles par exemple lâcher leurs diplômés sans les préparer au marché, d’un point de vue strictement économique ? Je mets le blâme sur les structures d’éducation et sur les programmes. Il y a là un réel problème de formation. Et il y a aussi clairement un problème de communication au niveau de l’accès à ces structures d’aide publiques et privées. Or, ce pays essaie d’encourager l’entreprenariat de façon politique. Ca renforce donc la thèse selon laquelle un programme télé comme Starter est important. Au moins, cela crée des points d’ancrage.”
Frédéric Brébant
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