Jacqueline Galant: “L’État wallon est obèse, nous le réformons”
La ministre libérale, Jacqueline Galant, se dit stupéfaite du nombre de fonctionnaires en Région wallonne : 17.500 ! Objectif : rationaliser. “Il n’y aura pas de licenciements secs”, rassure-t-elle. Mais les CDD ne seront pas renouvelés, les départs à la pension seront non remplacés et les recrutements gelés.
La libérale Jacqueline Galant est de retour au sein d’un exécutif, et même deux ! Après son expérience difficile au sein du gouvernement fédéral dirigé par Charles Michel, entre 2014 et sa démission forcée en 2016, la voilà ministre de la Fonction publique, avec une double casquette au sein des gouvernements de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Selon ses propres termes, elle a “mûri” et appris de ses erreurs.
Si Jacqueline Galant est nommée à la tête de l’administration, c’est aussi parce qu’elle ne craint pas les décisions impopulaires. “Le vote du 9 juin dernier a été très clair sur les attentes des citoyens par rapport au fonctionnement de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous dit-elle. Ils veulent des services publics efficaces. La campagne simplifions.be, organisée durant les négociations, a confirmé un désir de changement à cet égard.”
Ensemble, le MR et les Engagés avaient lancé un site internet pour recueillir les avis des citoyens. Sans grande surprise, des centaines de contributions ont appuyé la demande d’un “choc de simplification administrative” et d’une fonction publique épurée.
Désormais, place à l’action.
“C’est énorme!”
“Une étude de l’Union wallonne des entreprises (UWE – devenue AKT for Wallonia) démontrait en 2022 que le taux d’emploi public wallon est de 36% contre 27% en Flandre, souligne Jacqueline Galant. C’est beaucoup trop élevé et cela coûte beaucoup trop cher. Le Service public de Wallonie (SPW), à lui seul, représente 10.500 agents. Si j’y ajoute les organismes d’intérêt public (OPI), nous sommes à 17.500 agents. C’est énorme !”
La ministre libérale ajoute: “La fonction publique est donc le premier employeur de Wallonie. Quand j’ai entendu ces chiffres pour la première fois, j’ai dû me pincer pour le croire. C’est beaucoup plus que GSK, premier employeur privé de Wallonie.”
Le mot d’ordre est clair: “Nous voulons rationaliser et parfois fusionner dans la fonction publique. Il y a malheureusement beaucoup trop de structures qui doublonnent. Il s’agit de retrouver du bon sens, un système plus lisible et facilement accessible. Je le dis en toute transparence: nous devrons réduire le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique. C’est une obligation si l’on veut tenir nos engagements et continuer à faire tourner nos services publics à l’avenir.”
“Pas de licenciements secs, mais…”
Voilà un langage vérité qui a déjà suscité des réactions inquiètes de la part des syndicats. Jacqueline Galant entend toutefois rassurer : “Il n’y aura pas de licenciements secs. Cela passera par le non-renouvellement de contrats à durée déterminée (CDD), souligne-t-elle. Mais aussi par la fin des remplacements pour les départs à la retraite et la limitation de nouveaux engagements.”
Il s’agit aussi de “nouer un contrat de confiance avec l’administration et ses dirigeants”, appuie-t-elle. Le nombre de membres de cabinets ministériels a d’ailleurs été diminué pour travailler plus directement avec eux. Toutes les pistes de rationalisation seront étudiées ensemble. “Moi, je ne veux pas faire la transformation de l’administration publique contre les fonctionnaires, mais avec eux ! On le dit depuis notre prise de fonction, mais c’est la réalité: l’État est obèse, en particulier au niveau de la Région wallonne !”
L’Etat est obèse, en particulier au niveau de la Région wallonne !
Jacqueline Galant
ministre wallonne de la Fonction publique
La fin de statuarisation est entamée
Cette remise à niveau de l’administration se fera progressivement, en suivant un plan pluriannuel. “C’est vrai que l’accord de gouvernement est ambitieux, reconnaît la ministre. Nous avons déjà décidé de mettre un terme à la statuarisation. Le projet de décret est déjà passé en première lecture au niveau du gouvernement de la Région wallonne et du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il y a déjà eu des réunions des comités de négociation, de part et d’autre, ce mois d’octobre.”
C’est là aussi une réforme importante, insiste-t-elle. “La fin de la statuarisation, c’est une autre étape importante en vue de rendre l’administration plus efficace. La volonté est aussi d’uniformiser cette approche. Ce sera aussi le cas pour les enseignants. Cette réforme-là prendra plus de temps.”
Le choc de simplification administrative voulu et annoncé il y a peu par l’ensemble des ministres wallons doit contribuer à “rendre la vie des administrations plus facile et valoriser certaines tâches. Certains fonctionnaires passent leur journée à contrôler des formulaires, ce n’est pas tellement gratifiant, dit Jacqueline Galant. Nous devons être moins dans le contrôle et travailler davantage dans la confiance avec les différents interlocuteurs : les citoyens, les entreprises, les associations, les pouvoirs locaux, etc.”
Ce discours de rationalisation demande un courage politique et une forme de détermination dont Jacqueline Galant est coutumière. “Mais assez bizarrement, la fin de la statuarisation était un des premiers points du premier gouvernement, le 23 juillet, et personne n’a réagi. C’était la période des congés, bien sûr. La concertation a débuté, les syndicats n’y sont évidemment pas favorables, mais je pense qu’ils ont compris la nécessité d’avancer si on veut garantir la survie des services à la population.”
Jacqueline Galant insiste: “L’État wallon doit cesser d’être accro à la dépense publique. Une concertation permanente aura lieu pour mener à bien ce plan. Un partenariat doit être élaboré avec les directions. Nous ne voulons pas nécessairement moins de fonction publique, nous voulons ‘mieux de fonction publique’. Il faut arrêter de dire que l’on a toujours fait comme ça. Il faut oser mener des réformes dans l’intérêt des services à la population.”
La libérale refuse de s’enfermer dans des chiffres et n’évoque pas de tableau budgétaire précis. “Le conclave budgétaire est en cours, nous en discutons.”
“Mettre fin aux abus”
Mais il s’agit bel et bien de mettre fin aux abus en tous genres. “Pour prendre un exemple très concret, on engageait des CDD à la Région wallonne, mais on les gardait une fois les projets finis. Cela ne va pas : dans ce cas-là, il faut arrêter la relation de travail. Cela me semble sain. Pour prendre un autre exemple, il y a une direction ‘digitalisation’, très importante en cette période. Mais on se rend compte en creusant un peu que chaque département a mis en place sa stratégie, développé ses logiciels… Cela ne va pas, s’il y a une direction chargée de cela, elle doit le faire pour l’ensemble.”
Son volontarisme a un objectif : “La fonction publique doit retrouver son rôle premier de service aux citoyens. Il y a une grande attente à ce sujet et on le sent aussi auprès des fonctionnaires dirigeants. Parfois, avec moins de personnes, on peut faire mieux.” Et sa double casquette est une nécessité : “Il faut veiller à une plus grande uniformité entre la fonction publique wallonne et celle de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elles doivent travailler davantage ensemble, c’est trop peu le cas aujourd’hui.”
Chaque ministre est appelé à travailler à cette rationalisation en limitant le nombre de structures. “Il y a une cohérence du gouvernement, c’est un travail collectif. Je serai le chef d’orchestre de cette ambition.”
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