Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Vaccins: payer un bonus pour être livré plus vite?
Si la campagne de vaccination est si importante pour éviter des morts et permettre à notre économie de reprendre son cours normal, pourquoi tous ces retards?
Au cours de ces derniers jours, les médias se sont fait les relais de l’étonnement et des plaintes des citoyens. Si la campagne de vaccination est si importante pour éviter des morts et permettre à notre économie de reprendre son cours normal, pourquoi tous ces retards ? Affirmer comme le font les politiques que c’est uniquement la faute des groupes pharmaceutiques n’empêche pas le citoyen de voir que, si en Europe, le taux de vaccination n’est que de 2% de la population, il est beaucoup plus élevé aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Israël.
Fort de ce constat, l’économiste Jacques Delpla s’est fendu d’une proposition totalement iconoclaste auprès de mes confrères du quotidien économique Les Echos. Selon lui, il faudrait payer pour vacciner. Ce qu’il veut dire par là, c’est que la vie humaine a un prix !
D’ailleurs, les statisticiens la connaissent bien. Dans un pays comme la Belgique ou la France, elle est évaluée à 3 millions d’euros. Or, selon les informations actuelles, le prix d’une dose négocié par la commission européenne serait de 10 euros environ. Quand on sait ce que coûte un mois de confinement ou de semi confinement, le calcul est vite fait selon cet économiste : le prix du vaccin est dérisoire, voire négligeable.
En revanche, force est de constater que la vitesse de vaccination actuelle est trop lente. Pourtant, en la matière, le temps c’est de l’argent : car qui dit vaccination plus rapide, dit moins de morts, moins de faillites et moins de perte d’emplois. Résultat, selon l’économiste Jacques Delpla, un vaccin livré demain vaut infiniment plus qu’un vaccin livré dans un an. Et donc son idée, c’est de payer… 150 euros la dose qui serait livrée demain et puis de diminuer ce prix au fur et à mesure que le temps s’écoule jusqu’à atteindre 0 euros dans un an.
Ce qu’il veut dire par là, c’est que l’erreur de la commission européenne aura été d’avoir défini un prix par dose sans s’occuper trop de la date de livraison. Dis plus crûment, c’est que nous n’avions rien vu venir, nous étions tous contents de savoir que la commission européenne avait négocié, pour l’ensemble des pays européens, pour obtenir le prix le plus bas. Bref, c’était un remake de notre devise nationale, l’union fait la force. C’était beau mais peu efficace.
Avec le recul, c’était sans doute même une erreur de jugement. A vrai dire, ce qui compte, ce n’est pas le prix le plus bas mais ce sont les délais de livraison ! Lorsqu’on connait le prix d’une économie qui tourne au ralenti, ce n’était pas sur le prix qu’il fallait se focaliser mais sur l’urgence. Et il faut bien le reconnaitre, c’est ce qu’a très bien compris un pays comme Israël qui a payé plus cher que nous ses doses de vaccin, mais qui est le pays le plus en avance en matière de vaccination au monde.
Bien entendu, ne pas jouer la coopération va à l’encontre de notre idée de la solidarité. Sans compter qu’enrichir les labos pharmaceutiques pour qu’ils aillent plus vite heurte également nos valeurs d’équité. Mais selon cet économiste, si les labos gagneront un peu plus, les externalités positives (moins de chômeurs, moins de faillites, moins de dette publique, plus de croissance) pour l’Europe sont encore plus grandes. En clair, ce que constate Jacques Delpla, c’est que ce n’est pas le premier arrivé qui est servi en premier, mais le plus généreux. C’est iconoclaste comme idée, mais elle est intéressante.
Bien entendu, pour éviter des soucis de production, il faudra prévoir de défiscaliser les heures sup et quadrupler le salaire horaire du travail de nuit des soignants et du personnel des laboratoires pharmaceutiques, mais encore une fois, le coût de cette augmentation des capacités semble dérisoire par rapport aux mois perdus sans vaccination.
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