Les gouvernements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) viennent de franchir une étape clé dans leur volonté de moderniser la haute fonction publique. La réforme du haut management de l’administration a été validée en première lecture ce lundi. Pour la coalition MR–Les Engagés, il s’agit d’une réforme « historique » et d’un changement de culture majeur.
Les gouvernements wallon et de Fédération Wallonie-Bruxelles ont validé en première lecture la réforme du haut management de la fonction publique, communiquent les exécutifs lundi. Le point était à l’agenda de vendredi dernier, mais des détails restaient à régler, le feu vert a donc été formalisé après quelques jours.
Pour la coalition MR-Engagés, il s’agit d’une réforme “historique”. L’ambition affichée est claire : rompre avec la politisation des nominations et transformer l’administration en un outil de gestion « plus agile », « plus attractif et efficace » et orienté « résultats ».
“Un choc culturel”
Dans un récent entretien à Trends-Tendances, la ministre insistait sur la nécessité d’un « choc culturel ». “Ça fait 30 ans qu’on procède de la même manière et ça ne fonctionne pas (…) La lourdeur administrative est toujours là. Donc, il faut vraiment un choc culturel au niveau de l’administration. Il faut une modernisation de son mode de fonctionnement (…) Et donc, maintenant, les top managers seront évalués, ils seront responsabilisés, ils seront issus du public ou du privé, et il y aura vraiment une orientation résultats qui sera sur la table, ce qui n’existait pas jusqu’à maintenant.”
« Si je devais donner un slogan à cette réforme, ce serait casser les codes, et ne plus caser les potes », résume ce mardi la ministre de la Fonction publique dans L’Echo.
Concrètement, la réforme s’inspire des pratiques du secteur privé :
- Sélection par consultant externe avant audition par les ministres, afin de limiter l’influence politique et introduire des critères objectifs.
- Fin du Certificat de management public (CMP) le certificat inter-universitaire relancé sous la législature précédente, une condition jugée trop restrictive, afin d’ouvrir les postes à des profils issus du privé.
- Contrats CDI avec clause résolutoire en cas de changement de gouvernement, pour concilier stabilité et souplesse.
- Rémunération variable pouvant atteindre 20 % du salaire sur base d’objectifs mesurables, comme la dématérialisation des permis d’urbanisme, rapporte L’Echo.
- Évaluations régulières et possibilité de rupture de contrat en cas de résultats jugés insuffisants.
Attirer des managers du privé
L’un des objectifs majeurs est de diversifier les profils et d’attirer des managers expérimentés. “Je dis aux meilleurs managers de tous les secteurs: rejoignez-nous, nos portes sont désormais grandes ouvertes”, indique la ministre via communiqué. On parle ici de tout un éventail d’administrations: l’ONE, le Forem, l’Apaq-W, la Société wallonne du logement, l’Aviq ou encore l’Awex sont concernés.
« Aujourd’hui, quasiment personne ne venait de l’extérieur, car le CMP était un frein », explique encore Jacqueline Galant, interviewée par L’Echo. Pour le poste d’administrateur général du Service public de Wallonie (qui remplacera le titre de secrétaire général), le candidat devra prouver dix ans d’expérience hiérarchique avec la gestion d’au moins 100 personnes, rapporte le quotidien francophone.
Mieux comprendre le besoin des indépendants
Cette approche vise aussi à mieux comprendre les besoins des entreprises et des indépendants : « Depuis que je suis arrivée à la tête du département, j’ai toujours dit que les fonctionnaires devraient faire des stages en entreprise parce que j’ai l’impression, vu de l’extérieur, que l’administration ne comprend pas le métier de son client. Ces deux mondes doivent vraiment cohabiter. Il faut absolument que le fonctionnaire connaisse le monde de l’entreprise, et donc son client qui vient avec un projet”, explique la ministre dans l’interview accordée à notre média.
Elle espère séduire des profils expérimentés, parfois en fin de carrière entrepreneuriale poursuit-elle : « Je suis sûre qu’il y a des patrons de PME qui, lorsqu’ils revendent leur affaire vers 55 ans, peuvent venir dans l’administration en amenant leur expérience. (…) Le public et le privé doivent se côtoyer, ils doivent apporter leur expérience réciproque pour enrichir cette complémentarité. »
Rationaliser les structures
La réforme s’accompagne d’une volonté de rationaliser le paysage administratif. Vingt structures seront passées au crible et certaines pourraient être fusionnées pour réduire le nombre de postes de direction, indique la ministre. L’ensemble devra se faire dans une enveloppe budgétaire fermée, avec pour objectif de dégager des économies tout en renforçant l’efficacité de l’action publique.
L’opposition écolo s’inquiète
Du côté de l’opposition, Ecolo se montre critique. Le parti craint que cette réforme ne renforce au contraire la mainmise politique sur les nominations, en remplaçant un système encadré par des critères académiques (le CMP) par une procédure plus discrétionnaire. Les écologistes dénoncent la suppression du certificat obligatoire, qui garantissait, selon eux, une base commune de formation et de compétence pour les candidats. Ils s’interrogent aussi sur le recours à des consultants privés pour la sélection : un mécanisme qui, selon eux, pourrait ouvrir la porte à de nouvelles formes d’influence politique.
Le texte doit encore passer en seconde lecture, où la rationalisation des structures et la redéfinition des postes seront précisées. L’entrée en vigueur est espérée pour début 2026. Avec cette réforme, le gouvernement wallon et celui de la FWB veulent tourner la page du « mandat à vie » et mettre fin à la politisation de la haute administration. Mais les critiques de l’opposition montrent que le débat sur la neutralité et la professionnalisation de la fonction publique est loin d’être clos.