Un service citoyen sacrifié, un service militaire qui cartonne : le virage de la Belgique continue à faire polémique

Theo Francken. © BELGAIMAGE
Caroline Lallemand

Le lancement du service militaire volontaire suscite un engouement inattendu. Près de 1.250 jeunes se sont déjà inscrits à une séance d’information pour les 500 places disponibles. Un succès qui contraste avec l’abandon du service citoyen en Wallonie.

L’invitation envoyée à 150.000 jeunes de 17 ans pour le service militaire volontaire a eu du succès. Près de 1.250 jeunes Belges se sont déjà inscrits à une séance d’information, rapporte Sud Presse. Cette étape est obligatoire avant de pouvoir postuler officiellement à cette formation militaire d’un an. Theo Francken a annoncé les premiers chiffres, alors que les places pour cette première séance sont limitées à 500, ce qui souligne encore l’intérêt suscité. La Défense espère, de son côté, 3.500 inscriptions.

La lettre a aussi eu le don de déclencher une vive polémique. Dès son annonce, le gouvernement avait déclaré que l’ambition était de motiver les jeunes à rejoindre les rangs des militaires après ce service volontaire et à continuer leur carrière au sein de la Défense. Ce projet ne vise pas seulement à augmenter les effectifs de l’armée belge mais également à sensibiliser la population aux changements géopolitiques actuels.  

Un effet psychologique

“Pour trouver 500 candidats, envoyer une lettre, par la poste, à quelque 150.000 jeunes est totalement disproportionné”, analyse Bertrand Henne sur la RTBF. L’objectif serait psychologique, pour “sensibiliser la jeunesse, mais aussi leurs parents, et en réalité toute la société belge, au fait que le monde tel qu’on l’a connu depuis la fin de la guerre froide est bel et bien terminé.”

L’opposition de gauche dénonce une “militarisation des esprits”. Le PTB, le PS et Ecolo y voient une campagne de communication politique à grande échelle. Sur les réseaux sociaux, des parents s’insurgent contre cette initiative. Face aux critiques, le ministre de la Défense Theo Francken tente de rassurer : “Non, je ne vais pas envoyer notre jeunesse au ‘front’. Il n’y a pas de front. La Belgique n’est pas en guerre. L’OTAN n’est pas en guerre.” Pour être honnête, Theo Francken aurait dû ajouter : “pour l’instant” commente Bertrand Henne.

Un salaire attrayant

L’attrait financier n’est pas négligeable. Les jeunes recrues percevront plus de 2.000 euros nets par mois, soit plus que le salaire minimum en Belgique, auxquels s’ajoutent chèques-repas, remboursement des frais médicaux et gratuité des transports en commun. De quoi permettre aux jeunes “de mettre plus de 24.000€ de côté” durant cette année de formation, qui débuterait en avril 2026.

Le service citoyen sacrifié

Pendant que le gouvernement fédéral investit massivement dans le service militaire, la Région wallonne s’apprête à abandonner le service citoyen. Le ministre-président wallon Adrien Dolimont (MR) a affirmé au Parlement que « la Wallonie ne pourra plus légalement soutenir ce dispositif à l’avenir », rapporte Le Soir.

En cause : un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en octobre qui invalide la loi fédérale sur le service citoyen, jugeant que ce dispositif relève des compétences des Communautés. Selon François Ronveaux, directeur de la plateforme service citoyen, la raison est politique: Theo Francken “ne veut pas d’une destinée fédérale pour le service citoyen”, préférant privilégier le service militaire volontaire.

Le service citoyen permet à des jeunes de 18 à 25 ans de travailler durant six mois dans des associations, écoles ou hôpitaux actifs dans la culture, l’éducation, l’environnement ou l’aide aux personnes. La Wallonie le subsidiait à hauteur de 2,9 millions d’euros en 2024. Une pétition pour son maintien lancée la semaine dernière déjà récolté  près de 3600 signatures.

Deux visions de l’engagement

Le contraste est saisissant : tandis que l’État mobilise des moyens sans précédent pour sensibiliser la jeunesse aux enjeux de la défense, un dispositif d’engagement citoyen qui fonctionnait depuis 2011 est en voie d’extinction pour des raisons juridiques, budgétaires et communautaires. Ces deux conceptions de l’engagement des jeunes reflètent bien les priorités politiques du moment sur fond de tensions avec la Russie.

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