Une étude de l’Université d’Anvers révèle que la promesse phare du gouvernement De Wever est déjà largement réalisée, et cela sans qu’aucune nouvelle mesure fiscale n’ait été prise.
Garantir un écart d’au moins 500 euros nets par mois entre travailler et ne pas travailler : c’est l’une des promesses centrales de l’accord de gouvernement fédéral. Une ambition qui est aussi régulièrement mise en avant par le président du MR, Georges-Louis Bouchez. Il réclame une réduction fiscale accélérée pour y parvenir. Pourtant, selon une nouvelle étude du Centre pour la Politique Sociale Herman Deleeck de l’Université d’Anvers relayée par De Standaard, cet objectif est déjà atteint pour l’écrasante majorité des Belges sans emploi.
94,5% gagnent déjà plus de 500 euros
Les simulations réalisées par les chercheurs anversois montrent que 94,5% des personnes sans emploi en Belgique gagneraient aujourd’hui au moins 500 euros nets de plus par mois en acceptant un emploi à temps plein, même au salaire minimum (environ 2.070 euros bruts).
“Neuf personnes sans emploi sur dix gagneraient plus de 500 euros nets par mois en reprenant le travail. Sept sur dix gagneraient plus de 1.000 euros nets, et une sur cinq même plus de 2.000 euros”, constatent les chercheurs.
L’étude s’est concentrée sur la population en âge de travailler qui ne travaille pas actuellement, excluant donc les étudiants, retraités et personnes en incapacité de longue durée. Sur près d’un million de personnes sans emploi, seules 54.000 (5,5%) ne bénéficieraient pas d’un gain d’au moins 500 euros en reprenant le travail – dont 1,4% qui subiraient même une perte financière.
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Les bonus à l’emploi, arme efficace
“Le travail paie donc en Belgique, et pas qu’un peu”, affirme dans son étude le professeur de politique socio-économique Ive Marx de l’Université d’Anvers, qui a dirigé la recherche avec ses collègues Elise Aerts et Gerlinde Verbist. Même pour les bénéficiaires d’allocations de chômage, le gain financier moyen atteindrait 928 euros nets par mois. Pour ceux qui perçoivent un revenu d’intégration sociale, ce gain s’élève à 838 euros. “Et même avec des allocations relativement élevées, nous constatons qu’il reste encore en moyenne un gain de 584 euros nets”, affirment les chercheurs.
Ces résultats s’expliquent largement par l’efficacité des bonus à l’emploi existants : bonus fiscal à l’emploi, réduction des cotisations sociales pour les bas salaires, et bonus social à l’emploi via l’impôt des personnes physiques. “Ces mécanismes ciblés sont beaucoup plus efficaces pour stimuler l’emploi qu’une réduction fiscale générale coûteuse”, souligne le professeur Marx dans le quotidien flamand.
Profils à risque et pièges à la promotion
L’étude identifie néanmoins des profils pour lesquels la reprise du travail reste peu attractive financièrement. Les mères célibataires peu qualifiées bénéficiant d’allocations élevées, ainsi que certains couples d’âge moyen avec enfants dépendant entièrement de l’aide sociale, sont particulièrement concernés. Dans ce dernier cas, la reprise d’emploi par l’un des conjoints peut entraîner une perte substantielle des aides dont bénéficie le ménage.
Une baisse d’impôts inutile ?
Les chercheurs pointent également dans leur étude le problème des “pièges à la promotion” : dès qu’un travailleur tente de progresser sur l’échelle salariale, les bonus à l’emploi disparaissent progressivement, rendant l’augmentation peu rentable. “C’est là que le système atteint vraiment ses limites”, reconnaissent-ils.
Ces conclusions remettent en question la nécessité d’une baisse d’impôt générale pour renforcer l’incitation au travail. “C’est un choix politique légitime de procéder à une réduction fiscale si l’on estime que les Belges paient trop d’impôts. Mais l’utiliser comme argument pour renforcer les incitations au travail, ça ne tient vraiment pas la route selon nous”, conclut le professeur Marx.
500 euros nets en plus
Il convient toutefois de distinguer les promesses de campagne de l’accord de gouvernement. Si ce dernier parle bien d’une différence de 500 euros nets entre l’activité et l’inactivité, le programme des Engagés parlait de passer par une grande réforme fiscale pour faire gagner aux travailleurs 500 nets en plus. Le MR avait également promis de booster le salaire poche de travailleurs, mais avançait lui une augmentation d’au moins 300 euros nets.
Ce débat-là revient régulièrement sur la table, car la réforme fiscale envisagée dans l’accord de gouvernement n’est pas une réforme maximaliste. Elle va surtout s’atteler à baisser la quotité exemptée d’impôts, ce qui ne permettra pas d’augmenter le salaire net de 500 euros par mois, plutôt de 120 euros nets par mois. De ce côté-là, sauf si le gouvernement ajoute entre temps d’autres mesures, ce devrait être promesse non tenue.