Rudy Aernoudt
Taxation: il faut prendre l’argent là où il est
Des mesures concrètes ont donc déjà été prises à l’égard des multinationales et des intercommunales. Reste à savoir pourquoi les syndicats restent hors d’atteinte.
La dette du gouvernement belge ne cesse de croître. Elle s’élève désormais à 47.000 euros par habitant et augmente de 50 euros par seconde. La Belgique sera bientôt le deuxième pays après la Roumanie à enregistrer le plus gros déficit budgétaire. L’an dernier, le patrimoine net des Belges était estimé à 1.200 milliards d’euros, soit quelque 100.000 euros par habitant. Si on part du principe que le Belge actif devra apurer “un jour” la dette publique, et si on divise son montant par le nombre d’actifs, cette dette se monte à 94.000 euros par habitant. Autrement dit, après déduction de sa part de dette publique, le Belge actif est “riche” de 6.000 euros nets en moyenne. On ferait un burn-out à moins. Les moyennes cachent évidemment pauvreté et concentration de richesse. Comment pourrait-on faire porter encore plus ce lourd fardeau aux Belges actifs? D’autres acteurs doivent impérativement mettre la main à la poche.
De nombreux lecteurs se souviendront du slogan de l’extrême gauche: “Il faut chercher l’argent où il est, dans les banques et les holdings”. Je l’ai scandé moi aussi pendant mes études à l’université. Les jeunes ont le coeur à gauche. Mais de nombreux partenaires de la Vivaldi qui n’ont pas su grandir préconisent une kyrielle d’impôts sur la richesse. Or, du fait de la globalisation, l’argent des “banques et des holdings” est volatil. L’approche doit donc être mondiale. Un bel exemple est l’introduction de l’impôt minimum de 15% sur les bénéfices.
Les multinationales et leurs filiales dont les revenus annuels dépassent 750 millions d’euros et qui sont actives dans plus d’un pays de l’Union européenne devront rendre public le montant des impôts qu’elles payent dans chaque Etat membre. L’information sera également consultable sur internet. La directive européenne devra être convertie en loi nationale au cours des 18 mois prochains pour que la loi sur la transparence fiscale des entreprises puisse entrer en vigueur vers la mi-2024.
Les intercommunales doivent, elles aussi, s’attendre à de nombreux changements. La politisation du secteur, la présence d’hommes politiques au conseil d’administration, ont permis aux intercommunales d’échapper à la taxation pendant longtemps (loi du 22 décembre 1986). Les scandales à répétition, dont celui de Nethys, ont mis en lumière les revenus mirobolants de nombreuses intercommunales. La Cour constitutionnelle a jugé anticonstitutionnelle l’exonération fiscale qui permet aux intercommunales exerçant des activités commerciales d’être avantagées par rapport au secteur privé. Depuis ce jugement, les intercommunales exerçant une activité économique et en concurrence avec les entreprises privées doivent payer l’impôt sur les sociétés.
Des mesures concrètes ont donc déjà été prises à l’égard des multinationales et des intercommunales. Reste à savoir pourquoi les syndicats restent hors d’atteinte. La réponse est simple: comme ils forment une association de fait, ils n’existent pas aux yeux de la loi sur les sociétés. Oui, ils peuvent avoir des comptes et même justifier l’existence de comptes à l’étranger – on ignore même s’ils payent effectivement la taxe sur les comptes-titres. Mais, argumentent-ils, le but est d’éviter qu’un gouvernement ne mette main basse sur cet argent. Pour les mêmes raisons, ils ne sont pas soumis à la directive sur la transparence fiscale susmentionnée, ils ne sont pas redevables et on ignore tout de leur capacité financière. Le combat des syndicats serait probablement plus crédible s’ils donnaient le bon exemple. Les partis de gauche et d’extrême gauche ne mettraient-ils pas ce point à l’ordre du jour?
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