“Supprimer l’argent cash est une idée liberticide”
Simone Wapler, directrice de la rédaction des Publications Agora, est contre la disparition du cash suggérée par certains économistes ainsi que contre la décision du gouvernement de Manuel Valls visant à interdire les paiements en espèces au-delà de 1.000 euros. Selon elle, le cash protège nos démocraties.
Vous venez de lancer une pétition en France: “Non à une société sans cash !”. Pourquoi ?
Pour alerter les Français et leur faire prendre conscience des enjeux qui se cachent derrière cette élimination éventuelle de l’argent liquide. Tout le monde est content de pouvoir payer avec sa carte de banque ou son smartphone. On ne vit plus avec des liasses de billets dans les poches. Payer avec de l’argent cash est une option. Mais c’est une option importante. Ne plus avoir la possibilité de pouvoir éventuellement utiliser du cash conduit à une société totalitaire. Sans cash, vous n’avez en effet plus le choix. Il n’y a plus de confidentialité financière. Un fonctionnaire du fisc peut très bien décider de bloquer votre compte. Il suffit d’un clavier et d’un code d’accès.
La lutte contre la fraude et le terrorisme ne sont pas des motifs valables ?
Si, mais l’argument de la sécurité ne tient pas la route. Les trafiquants de drogue utilisent bien des chaussures. Pour autant, on n’interdit pas la vente de chaussures. Par ailleurs, c’est avec un crédit obtenu chez Cetelem que le terroriste Amedy Coulibaly s’est procuré une kalachnikov. Non, ce qui se cache derrière cette volonté de tuer le cash, c’est de permettre à la puissance publique (les Etats) de pouvoir contrôler toutes les transactions et de lever des impôts supplémentaires. Si certains veulent mettre de l’argent de côté, sous leur matelas ou dans un coffre, cela les regarde.
Des taux négatifs sont un impôt qui n’est ni débattu ni voté
Selon certains, la relance économique passe par la suppression des billets et pièces de monnaie.
Le dirigisme économique des taux bas pratiqué par les banquiers centraux n’aboutit à rien. La reprise américaine existe à peine, cela se passe mal en Chine, etc. D’où l’idée de tirer les taux, déjà au plancher, encore plus bas, pour les amener en dessous de zéro et stimuler ainsi les investissements dans l’économie réelle. Mais pour pouvoir généraliser ces taux négatifs, il faut éviter une ruée sur le cash. Néanmoins, je ne vois pas en quoi tout cela pourrait relancer la machine. Le monde croule sous les surcapacités de production. D’un autre côté, les dettes restent énormes, il y a peu de clients solvables. Comment parler de relance dans ce contexte ? Des taux négatifs n’arrangeront rien.
Comment expliquer que l’idée vienne notamment des Etats-Unis, pays des libertés individuelles par excellence ?
Sans doute parce que le cash y est encore plus en usage que chez nous. Il n’est pas exclu que la Fed décide un jour d’appliquer des taux négatifs. Mais pour cela, il faut verrouiller les portes de sortie. Je pense aussi que certains de ces économistes qui plaident aux Etats-Unis pour la disparition du cash et des taux négatifs sont déconnectés de la vie réelle. Ils pensent qu’il est possible de piloter l’économie mondiale avec les banquiers centraux. A moins que cette promotion des taux négatifs ne soit pour eux une manière de pratiquer un capitalisme de copinage, visant à sauver l’industrie financière.
La question de l’élimination du cash pose donc un problème de société.
Ce n’est pas seulement une mauvaise idée sur le plan économique, c’est aussi une idée liberticide. La propriété individuelle est fondamentale dans une société libre. Il faut pouvoir jouir paisiblement de ce que l’on a légitimement acquis. Le citoyen ne peut pas être à la merci de l’arbitraire. Des taux négatifs sont un impôt qui n’est ni débattu ni voté.
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