Sport et détente : une hausse de TVA à contre-courant de la politique de santé

Les tickets pour aller au stade bientôt plus chers?
Caroline Lallemand

Pour augmenter ses recettes, le gouvernement Arizona augmente notamment la TVA sur les loisirs. Une politique qui questionne dans le cadre de sa politique de santé globale.

Suite à l’accord budgétaire de l’Arizona, une série de produits et services basculent vers un taux de TVA harmonisé à 12%. La mesure doit rapporter plus de 630 millions d’euros par an pour l’ensemble des secteurs concernés. Plusieurs zones d’ombre persistent toutefois sur les secteurs et les services concrêtement concernés par cette hausse de TVA.  

“Sport et détente” : une catégorie aux contours flous

La catégorie “sport et détente” est entourée d’un certain flou. Les recettes attendues sont chiffrées à 253 millions d’euros. Mais, la liste précise des secteurs touchés reste à définir. Dans un communiqué de presse, Maxime Prévot (Les Engagés) évoque les abonnements sportifs ainsi que les activités récréatives hors du secteur culturel associatif. Georges-Louis Bouchez (MR) cite, de son côté, les parcs d’attractions, les tickets de foot et de nombreuses activités culturelles comme le cinéma, les festivals et les concerts.

Les fans de foot impactés?

Footnews.be évoque une piste : les abonnements de fitness, les inscriptions aux marathons ou aux randonnées cyclo deviendront plus chers de quelques euros. Mais, c’est surtout le football qui sera le plus touché. Les abonnements saisonniers pour assister aux matchs de football d’un club pourraient grimper de près de 45 euros pour un prix actuel de 800 euros, rapporte le média sportif. La Pro League, représentant les clubs professionnels, se montre prudente et analyse encore les mesures avant de réagir officiellement, rapporte le site belge spécialisé.

Footnews.be soulève, par ailleurs, un paradoxe : l’été dernier, le gouvernement avait assoupli les charges sociales sur les très hauts salaires (supérieurs à 340.000 euros) pour retenir les talents dans le pays. Les clubs de football eux-mêmes étaient les plus grands bénéficiaires de cette mesure. “Ainsi, les clubs profitent d’un allégement pour les stars, tandis que les supporters verront leurs dépenses augmenter”, déplore le média.

En contradiction avec la politique de santé

En rendant le sport et les activités annexes moins accessibles financièrement, l’État met en péril sa propre politique de prévention. Les autorités sanitaires ne cessent en effet de répéter qu'”encourager l’activité physique doit devenir une priorité”, rappelant que le manque d’activité constitue le quatrième facteur de risque de mortalité au niveau mondial.

En 2019, plusieurs députés ont déposé une proposition de résolution pour développer le “sport sur ordonnance” en Belgique, reconnaissant l’activité physique comme un “outil de santé publique”. Selon les données de Sciensano, l’institut belge de santé publique, seulement 31% des Belges respectent les recommandations d’activité physique de l’OMS (au moins 150 minutes par semaine). Plus inquiétant encore : entre 56 et 57% de la population présente un risque pour leur santé dû à un manque d’exercice physique.

La prévention, un investissement rentable

Parmi les détracteurs de la hausse de la TVA, Antoine Derom, cofondateur d’Animo Studios, une chaîne de centres de fitness et bien-être haut de gamme à Bruxelles, dénonce sur LinkedIN une mesure “complètement déconnectée” des enjeux de prévention et de vieillissement. Il rappelle que la prévention est un investissement rentable: selon une étude européenne, chaque euro investi génère 14 euros de retour pour le système de santé.

Sur le plan économique, l’impact est important : pour une entreprise avec une marge de 20%, la hausse de 6% de TVA fait disparaître presque un tiers des bénéfices du jour au lendemain. Incapables d’absorber le choc, les entreprises devront répercuter l’augmentation sur les consommateurs, explique-t-il. Résultat: les prix augmentent, les clients les plus fragiles arrêtent de venir, et les coûts de santé à moyen terme explosent. “Si nous sommes sérieux au sujet d’une société plus saine, nous devrions récompenser ceux qui investissent dans la prévention, pas les taxer jusqu’à les faire disparaître”, conclut le dirigeant.

Une “claque” pour le cinéma

La fédération des cinémas de Belgique, qui représente 85% des visites, dénonce, de son côté, une “claque” après la hausse de la TVA sur les tickets décidée dans le budget fédéral, sans concertation avec le secteur. Elle pointe le paradoxe d’une mesure qui sort le cinéma du secteur culturel pour la TVA alors qu’il y reste pour les taxes communales. Le secteur, déjà fragilisé post-Covid sans avoir reçu d’aide conjoncturelle, estime cette hausse contre-productive: l’Espagne, la Suède et les Pays-Bas ont dû faire marche arrière sur des mesures similaires qui ne génèrent pas plus de revenus fiscaux. Une mesure “non réfléchie” qui frappe un secteur culturel affaibli alors que les exemples étrangers montrent son inefficacité, regrette ses représentants.

Festivals et concerts plus chers

La Fédération des festivals de musique en Fédération Wallonie-Bruxelles tire, elle aussi, la sonnette d’alarme quant aux conséquences désastreuses de la mesure. Selon elle, dans le contexte actuel, une hausse du taux de TVA augmentera inévitablement et considérablement le prix des billets de festival. «Cela exercera une pression supplémentaire sur des dizaines de milliers d’amateurs de culture déjà confrontés à la hausse du coût de la vie et exclura de nouveaux publics, développe-t-elle dans son communiqué. Les festivals créent du lien social. Un seuil d’accès plus élevé compromet le soutien public à la culture.»

Expertise Partenaire