Sortie du nucléaire: retour au jeu de dupes politique
Elia soutient une sortie complète en affirmant qu’il y a assez de centrales au gaz. Une note envoyée par Engie aux co-formateurs du gouvernement De Croo laissait déjà entendre, en septembre 2000, les mesures à entreprendre pour le plan B. Rien n’a été fait.
Un jeu de dupes. Voilà ce que semble être le débat sur la sortie du nucléaire en Belgique.
Lundi, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) remettait un rapport très attendu au sujet de la possibilité d’une prolongation des deux centrales nucléaires, les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3. Verdict: le prolongement est possible, mais il faudra courir. “Si, le 18 mars, un rapport du gestionnaire du réseau Elia montre que la sécurité de l’approvisionnement énergétique après 2025 est menacée sans l’énergie nucléaire, le gouvernement peut envisager de maintenir les réacteurs nucléaires de Doel 4 et de Tihange 3 en activité plus longtemps”, soulignait l’Agence. En ajoutant : “Pour que tout soit en ordre en 2025, il faut avant tout que le gouvernement prenne une décision claire au premier trimestre 2022, mais aussi qu’une approche globale soit élaborée avec tous les acteurs concernés”.
Un jeu de dupes? Tout d’abord, Elia, le gestionnaire de réseaux, a laissé réentendre dès ce mardi matin que la sécurité d’approvisionnement ne serait, a priori, pas en danger : il y aurait suffisamment de projets de centrales à gaz disposant d’un permis. Le premier doute, on le sait, concerne les refus de permis en Flandre remettant, pour l’instant, en cause le projet de centrales à gaz de Vilvorde, tandis qu’un recours citoyen fragilise l’autre projet retenu lors de l’enchère du CRM.
Ensuite, Engie a déjà laissé entendre à plusieurs reprises que cette prolongation n’était plus possible dans le délai imparti. Ce n’est, en outre, pas son choix industriel de prédilection, maintenant que l’entreprise a mis le cap sur le 100% renouvelable. A tout le moins, la négociation serait rude pour financer le prolongement des deux centrales.
Enfin, politiquement, la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), n’envisage le “plan B” nucléaire qu’en tout dernier recours. Lors d’une interview à la télévision flamande, voici un mois, elle peinait même à trouver le mot ‘nucléaire’ pour l’évoquer, comme si cette perspective était inenvisageable. Elle ajoute désormais qu’une telle prolongation ne serait, en tout état de cause, pas suffisante.
Rien n’a été fait depuis septembre 2000
Le rapport de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire laisse d’ailleurs entendre que rien n’a été fait en ce sens depuis la formation du gouvernement De Croo. Le 12 janvier dernier, dit son rapport, l’Agence a reçu une note d’Engie qui avait été envoyée en septembre 2000 aux coformateurs et aux représentants des partis au sujet d’une éventuelle prolongation de Doel 4 et Tihange 3. “Cette note contenait un aperçu des principales obligations techniques réglementaires et législatives” pour tenir un calendrier soutenable en vue d’une éventuelle prolongation. Mais rien n’a été fait.
Bref, dans ce jeu de dupes, on en revient finalement au bras de fer politique d’ici le 18 mars, date butoir pour la décision fédérale. Entre des écologistes déterminés à tout faire pour sortir complètement du nucléaire, des socialistes qui les suivent dans une vision “écosocialiste” désireuse de ne faire aucun cadeau au MR et des libéraux reconvertis à la nécessité de prolonger le nucléaire.
“Nous n’avons aucune position dogmatique sur le sujet, réagissait lundi Georges-Louis Bouchez, président du MR. C’est la science et la technique qui guident nos positions. Notre Pays doit faire les bons choix stratégiques.” Mais depuis, les libéraux en reviennent à un autre argument : le choix du gaz sera mauvais pour nos objectifs climatiques. Une façon de relancer le jeu de dupes sur le terrain politique, tant le débat rationnel ne l’est pas vraiment?
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