Rulings : nouvelle défaite de la Belgique devant la justice européenne

Vincent Van Peteghem.
Vincent Van Peteghem.
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le tribunal de l’UE condamne sur le fond les « excess profit rulings ». C’est (presque) la fin d’une véritable saga juridique qui dure depuis 2016.

Petit rappel des faits. En 2005, la Belgique instaure les excess profit rulings : une filiale belge d’une multinationale peut déduire de sa base imposable les bénéfices excédentaires qu’elle réalise chez nous en raison de son caractère international (via des synergies, des utilisations de brevets, etc…). Ces filiales bénéficient d’une décision anticipée (ruling) leur garantissant une taxation plus favorable. Dans ce cadre, sont exonérés de l’impôt sur les sociétés les bénéfices « excédentaires », c’est-à-dire ceux qui dépassent les bénéfices que des entités autonomes comparables auraient réalisés dans des circonstances similaires.

Clairement, par ce système, la Belgique espère attirer de grands groupes en leur promettant une fiscalité avantageuse.  Car ce système permettait de réduire de moitié, voire parfois de 90%, le bénéfice imposable.

La Commission monte au créneau

En 2016, la Commission européenne juge cependant qu’il s’agit d’une aide illégale d’Etat.

Elle condamne la Belgique à récupérer 700 millions d’euros auprès de 55 sociétés bénéficiaires.

Inquiet pour son image, notre pays  conteste cette condamnation auprès du Tribunal de l’Union européenne (TUE). Et surprise, en février 2019, ce dernier lui donne d’abord raison ! Mais la Commission fait appel, et la Cour de justice de l’UE (CJUE), la plus haute instance judiciaire européenne, en septembre 2021, contredit le TUE et intime au tribunal de reprendre le dossier et de juger sur le fond.

Aujourd’hui, le Tribunal a donc rendu son jugement, et c’est une défaite en rase campagne pour notre pays. Le TUE juge en effet que la Commission a considéré à juste titre, en 2016, que le régime fiscal belge relatif aux bénéfices « excédentaires » viole les règles de l’Union européenne en ce qui concerne les aides d’État. (voir le jugement ici )

Un régime illégal et discriminatoire

Le Tribunal rejette tous les arguments avancés par la Belgique,  estimant que la Commission a bien démontré que ces rulings ont octroyé des avantages fiscaux à ses bénéficiaires et que ce régime était sélectif, introduisant « des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.

Ainsi, les entités faisant partie d’un groupe multinational ayant bénéficié de l’exonération des bénéfices « excédentaires » ont reçu un traitement différencié par rapport à d’autres entités soumises à l’impôt sur les sociétés en Belgique n’en ayant pas bénéficié ».

Le Tribunal confirme également la constatation de la Commission selon laquelle le régime en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert à des sociétés qui avaient décidé de ne pas effectuer des investissements en Belgique, de ne pas y centraliser d’activités et de ne pas y créer des emplois. Par ailleurs, le régime en cause était aussi sélectif parce qu’il n’était pas ouvert aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille.

Fin de la saga ? Pas tout à fait : le ministre des Finances indique que l’administration fiscale analyse le jugement et que selon les résultats de cette analyse, la Belgique pourrait faire appel. »

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