Réunion de la BCE cette semaine : “La politique protectionniste des États-Unis doit normalement renforcer la réduction de l’inflation en zone euro”

Christine Lagarde, BCE © Getty Images

La Banque centrale européenne (BCE) devrait de nouveau réduire ses taux d’intérêt cette semaine. Les indicateurs d’inflation et de croissance économique plaident en faveur d’une telle décision… en particulier à cause des droits de douane imposés par Trump.

La Banque centrale européenne se réunit ce jeudi. Au menu des discussions : la politique monétaire, ou en d’autres mots, les taux d’intérêt. Faut-il les baisser ou les garder à leur niveau actuel ?

Une nouvelle baisse, dans la lignée des décisions prises à chaque réunion depuis juin, serait en tout cas très plausible. C’est ce qu’analyse Eric Dor, économiste de l’IESEG School of Business, dans une note. “Toute une série d’évolutions récentes plaident en faveur d’une nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE.” Les taux seraient réduits de 25 points de base, le cas échéant. Le taux de dépôt afficherait alors 2,25%.

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Inflation en baisse

Parmi ces évolutions, il cite par exemple l’inflation, qui est de nouveau en baisse (2,2% en mars, après 2,3% en février et 2,5% en janvier) après une augmentation observée lors des derniers mois de 2024. Elle a également été modérée pour les grands pays de l’union monétaire (2,1 à 2,3%). “L’inflation des services, qui inquiétait beaucoup certains membres du conseil des gouverneurs au cours des mois précédents, a baissé à 3,4% en mars, après 3,7% en février, 3,9% en janvier et 4% en décembre”, détaille Eric Dor.

Un autre facteur permettant de réduire les taux est la réduction de la hausse du coût salarial par unité produite. Ce chiffre affichait 3,6% au dernier trimestre de 2024, et baisse continuellement depuis le troisième trimestre de 2023. La hausse des salaires, pour suivre l’inflation, ralentit également (4,1% au quatrième trimestre). “Aussi, les entreprises sont susceptibles d’absorber au moins partiellement les hausses de salaire par une diminution de leur marge plutôt que les répercuter entièrement sur leurs prix de vente. En effet la détérioration des projections de demande réduit leur capacité à augmenter les prix”, note l’économiste.

Quel impact des droits de douane ?

Puis, il y a aussi le ralentissement de l’économie. Les indicateurs de confiance sont déjà bas et la croissance risque de prendre un coup, avec les nouveaux droits de douane de Trump… poussant donc l’inflation davantage vers le bas (contrairement aux États-Unis, où les experts s’attendent à une hausse de l’inflation à cause de ces taxes). “Les droits de douane vont forcément diminuer la demande américaine de biens européens importés. C’est déjà 25% sur l’acier, l’aluminium et les automobiles, et 10% de droits réciproques sur la plupart des autres produits, avec une vraie possibilité que cela soit augmenté à 30% puisque cette mesure a simplement été différée de 90 jours. Il en résulte que la dégradation induite de l’emploi va diminuer le pouvoir de négociation des travailleurs pour obtenir des augmentations des salaires, et la possibilité pour les entreprises de hausser leurs prix de vente. Les projections d’inflation sont donc impactées à la baisse”, analyse l’économiste.

Et d’ajouter : “La politique protectionniste des Etats-Unis doit normalement renforcer la réduction de l’inflation en zone euro. Ce serait d’une part à cause de son effet récessif sur la demande d’exportation, d’autre part en raison de l’augmentation induite de l’offre, sur le marché européen, de biens locaux ou étrangers dont la demande va baisser aux États-Unis. Bien sûr, des augmentations de droits de douane européens sur les biens en provenance des États-Unis, par mesure de rétorsion, augmenteraient certains prix en zone euro. Mais l’impact désinflationniste serait supérieur. Les risques sont plutôt que l’inflation de la zone euro soit bientôt inférieure à l’objectif que le contraire.”

Autre tendance désinflationniste qui découle de ces droits de douane : les prix de l’énergie ont fortement baissé. Le pétrole notamment a chuté 15% depuis les annonces. Le gaz est aussi en baisse, de plus de 30% sur l’année. Il y a aussi la dépréciation du dollar, qui fait que les importations facturées en dollars sur les marchés coûtent moins cher en euros (le pétrole par exemple est donc doublement moins cher en Europe). Un euro vaut 1,14 dollar à l’heure d’écrire ces lignes. Il faut remonter à février 2022 pour retrouver un tel niveau.

Et après ?

Eric Dor n’est d’ailleurs pas le seul à s’attendre à cette baisse des taux de 25 points de base. C’est le scénario prédominant sur les marchés. Allianz Global Investors renchérit et pointe aussi vers les droits de douane américains. “Les craintes d’une guerre commerciale mondiale ont anéanti l’espoir d’une reprise économique durable dans la zone euro en 2025. L’optimisme suscité par les mesures de relance budgétaire allemande s’est rapidement dissipé et a été remplacé par la crainte d’un choc négatif imminent sur la demande dans la région”, peut-on lire dans une note.

Cette situation a également rebattu les cartes concernant l’évolution future des taux: “Les marchés anticipent désormais une baisse de taux lors des deux prochaines réunions de la BCE, tandis que le taux terminal de ce cycle est désormais estimé bien en dessous de 2%”, indique Allianz.

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