Le Conseil d’État a rejeté le projet du gouvernement Arizona visant à réformer le statut de cohabitant dans l’accès au revenu d’intégration sociale (RIS), en raison de deux manquements.
Dans le cadre de cette réforme, l’exécutif souhaite élargir le calcul des ressources prises en compte par les CPAS afin de plafonner les aides. Concrètement, les revenus de l’ensemble des personnes vivant sous le même toit qu’un bénéficiaire seraient intégrés dans l’évaluation du droit au RIS. Un projet qui a essuyé, en août dernier, une critique sévère du Conseil d’État, restée confidentielle jusqu’ici, rapporte Le Soir, qui a pu consulter l’avis de la haute instance.
Deux manquements majeurs sont pointés : l’absence d’évaluation de l’impact de la réforme sur les ménages concernés et le défaut de justification du recul social qu’elle est susceptible d’entraîner.
Interdit sans justification raisonnable
Dans son avis, le Conseil d’État rappelle qu’il est « interdit de régresser de manière significative le niveau de protection sociale sans justification raisonnable ». En d’autres termes, une diminution des droits sociaux – ici le droit au revenu d’intégration sociale – n’est admissible que si elle poursuit un objectif légitime, tel qu’une amélioration substantielle et démontrée des finances publiques.
Or, la haute instance estime que le risque de diminution des droits sociaux est bien réel, contrairement à l’argumentation du gouvernement. Le fait que les bénéficiaires « devront recourir davantage à la solidarité familiale contredit déjà en soi le maintien du niveau de protection en matière d’aide sociale ». Au final, souligne le Conseil d’État, les ménages concernés disposeraient d’un revenu d’intégration plus faible, alors même que cette allocation constitue une protection de dernier recours.
Si l’impact exact du projet sur les bénéficiaires et leurs familles demeure difficile à quantifier, « il ne fait aucun doute que le régime en projet est susceptible d’entraîner une limitation considérable du droit à l’aide sociale, tant pour certains bénéficiaires du revenu d’intégration actuels que pour les bénéficiaires futurs », avertit encore la haute juridiction.
Pour rappel : la réforme prévoit d’élargir fortement le périmètre des revenus pris en compte par les CPAS pour déterminer le droit au RIS. Seraient concernés non seulement les partenaires, mais aussi les parents, grands-parents, enfants et petits-enfants majeurs, beaux-parents, beaux-enfants et autres membres de la famille vivant sous le même toit. Dans certains cas, la perte financière pourrait être significative.
La nécessité de données objectives
À la question de savoir quels motifs pourraient justifier un éventuel recul du niveau de protection sociale, « le gouvernement n’a pas répondu », constate le Conseil d’État. Si un objectif budgétaire peut, en principe, être jugé légitime, encore faut-il démontrer que les économies attendues sont substantielles et étayées par « des données objectives ».
Or, l’incidence budgétaire de la réforme n’est abordée que de manière très sommaire dans les documents transmis, lesquels reconnaissent eux-mêmes qu’il n’est pas possible d’en évaluer précisément l’impact financier. Dans ces conditions, le Conseil d’État estime que l’existence d’une justification raisonnable à un tel recul de la protection sociale n’est pas démontrée.
En l’état, la haute instance considère donc que le projet ne peut se concrétiser. Reste désormais à savoir si, depuis l’été, le gouvernement a corrigé les deux manquements soulevés par le Conseil d’État dans son projet de réforme.