Olivier Mouton
Recettes pour un gouvernement belge d’action
Il n’y a plus de temps à perdre. Cette échéance est cruciale pour l’avenir du pays. Mais aussi et surtout pour engager d’ici là des réformes qui le rendent possible.
Pas de réforme fiscale d’envergure sous cette législature (dixit le PS). La réforme ambitieuse des pensions tarde (dixit l’Open Vld). L’avenir énergétique est négligé (s’impatiente souvent le MR). Pas de réforme de l’Etat en 2024 (redixit le PS). N’en jetez plus! La Vivaldi fédérale se trouve cet été face à son destin. Bien sûr, le gouvernement d’Alexander De Croo a maintenu notre pays debout durant la pandémie et fait face à une crise gépolitique/énergétique majeure. Mais il coince sur les réformes structurelles, au risque de générer une législature d’immobilisme. Cinq ingrédients lui font aujourd’hui défaut pour marquer son époque.
Une vision à long terme. La Vivaldi ne cache pas son souhaite de mener à bien le navire Belgique vers son 200e anniversaire, en 2030. Bien des projets intègrent cet horizon, par exemple le taux d’emploi à 80%, le plan “rail” ou les investissements de la Défense à 2% du PIB. Mais paradoxalement, l’impression prévaut que le gouvernement ne parvient pas à dépasser, durant cette législature, l’écueil paralysant de 2024. On reporte, faute de moyens ou de choix clairs. Pourtant, ce n’est qu’en projetant les Belges dans l’avenir que l’on enchantera leur présent.
Un dépassement des intérêts partisans. Le PS version Paul Magnette est malmené par la gauche radicale et porte un projet “défensif”: ne pas détricoter le social. Le MR version Georges-Louis Bouchez est provocateur: sans doute le plus libéral de la coalition, il se comporte davantage en aiguillon. Ecolo insiste légitimement sur le climat mais craint de réitérer des erreurs qui lui ont coûté cher par le passé (Francorchamps, les écotaxes, etc.) et rejoint trop souvent les dérives “wokistes”. Et là où les visions de chacun devraient se rejoindre, elles ont tendance à irriter ou se nier l’une l’autre.
Un courage inébranlable, par-delà les crises. Oser être impopulaire. Dépasser les attentes de sa base. Garder le cap à tout prix. Tenir un discours vérité en affirmant qu’il faut réformer les pensions pour assurer leur avenir. Limiter notre consommation pour sauver la planète. Faire confiance en l’économie pour garantir la prospérité. Devenir porteur d’un courage mâtiné de rouge, de vert et de bleu: c’est la mutation attendue d’Alexander De Croo pour se transformer en un Dehaene 2.0, ce rustre qui osait réformer, surtout face aux vents contraires.
Une communication maîtrisée. En parlant de Dehaene, il fut un temps où l’on enfermait les négociateurs dans un château, à Val Duchesse, pour éviter les fuites et ne pas compromettre les accords. L’heure est aux réseaux sociaux et aux bras de fer entre partis. Jamais il n’a été aussi difficile de faire de la politique ou de la rendre lisible, c’est clair. Mais une professionnalisation de la communication ne serait-elle pas judicieuse? De même, est-il sérieux que pour des raisons certes douloureuses (la maladie du mari de Sophie Wilmès), Alexander De Croo cumule “le Seize” avec les Affaires étrangères? Un porte-parole pour vendre la Vivaldi, une priorité.
Une gestion des échéances électorales. Enfin, comment ne pas perdre de vue 2024, nouvelle “mère de toutes les élections”, quand on se comptera face au duo N-VA/ Vlaams Belang au Nord et face au PTB au Sud? Le gouvernement fédéral aurait dû marquer de son empreinte le pays en début de législature, profitant de son élan initial. La pandémie l’en a empêché, mais aussi les querelles en tous genres. Il n’y a plus de temps à perdre. Cette échéance est cruciale pour l’avenir du pays. Mais aussi et surtout pour engager d’ici là des réformes qui le rendent possible.
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