Daan Killemaes
Récession : le cauchemar du gouvernement Michel
L’économie mondiale n’a jamais été aussi peu préparée à affronter une nouvelle récession, qui se produira pourtant tôt ou tard, prévient le rédacteur en chef de Trends. Un vrai cauchemar pour le gouvernement Michel.
L’économie occidentale rencontre des difficultés, mais cela n’affectera qu’à peine l’élan sur les marchés émergents : tel était le raisonnement en 2007. Le mot à la mode était alors “découplage”, pour indiquer que les pays émergents n’avaient plus besoin de l’Occident comme locomotive économique. Cela s’est avéré un vain espoir, bien que les pays émergents soient relativement vite sortis du gouffre après la grande récession de 2008-2009. Grâce à la Chine qui, en 2008, a fait tout ce qui était possible pour éviter une récession. Elle en paie aujourd’hui le prix – tout comme nous – sous la forme d’une économie chinoise vacillante, une surcapacité chronique et un danger de déflation.
Nous avons évité la crise de la croissance chinoise en 2008… et nous en recevons à présent la facture. Aujourd’hui, le monde caresse à nouveau l’espoir d’un découplage, mais cette fois dans le sens inverse. L’économie occidentale se porte finalement mieux, ces dernières années, tandis que la plupart des marchés émergents sont à la peine. Ces pays ont longtemps vécu sur l’afflux de capitaux bon marché et/ou l’exportation de matières premières coûteuses. Maintenant que la vague s’est inversée, beaucoup de rois se retrouvent dénudés. La question à cent euros est dès lors : dans quelle mesure l’économie occidentale, encore relativement bancale, sera-t-elle à même de résister à l’écroulement des pays émergents ?
Il y a danger de contagion, c’est certain. Les flux commerciaux et de capitaux sont plus que jamais interconnectés, tout comme des alpinistes sur une paroi abrupte. Les premiers soubresauts se font déjà entendre en Occident. Les exportations allemandes vers la Chine et d’autres marchés émergents, par exemple, essuient des revers. La Federal Reserve, la banque centrale américaine, hésite à actionner une première hausse des taux d’intérêt, et les taux sur les obligations d’entreprises moins solides sont à la hausse. C’est un signal : les investisseurs remettent davantage en question la solidité financière de ces entreprises, car l’économie mondiale ralentit. Ces hausses annoncent souvent, mais pas toujours, un désastre économique. La correction boursière corsée de ces derniers mois est aussi une réaction au risque croissant d’une récession mondiale.
Le mot interdit en “R” est lâché. Que se passerait-il si la Chine ne tenait pas fermement les rênes ? Et que le ralentissement de la croissance dans les marchés émergents échappait lui aussi à tout contrôle ? Dans ce cas, une propagation de la récession vers l’Occident est quasiment certaine. Aucun gouvernement ou banquier central n’ose tenir compte d’un tel scénario, du moins pas ouvertement. Les banques centrales ne peuvent que continuer à appliquer les mêmes recettes, ce qui ne convainc pas et s’avère, à terme, nuisible pour l’économie. La politique monétaire expansionniste (QE) devient dans ce cas un mauvais soap. Les gouvernements seront à nouveau debout sur la pédale des gaz fiscale, mais les déficits et les dettes demeurent dangereusement élevés dans nombre de pays. En bref, il existe beaucoup moins de latitude politique qu’en 2008-2009. La reprise modérée des années précédentes s’accompagnait d’un ralentissement de la croissance potentielle et d’une poursuite de la hausse de la charge de la dette. C’est une voie sans issue.
Une nouvelle récession serait un cauchemar pour le gouvernement Michel. Un test, d’une ampleur beaucoup plus grande que le tax shift, pour la cohésion de l’équipe.
Une nouvelle récession est aussi un cauchemar pour le gouvernement Michel. Un test, d’une ampleur beaucoup plus grande que le tax shift, pour la cohésion de l’équipe. Le budget pour 2016 ne se tient que par miracle, et quant à l’horizon d’un équilibre structurel en 2019, nous voyons les trous s’agrandir dans le gruyère, même si la conjoncture devait se maintenir, comme le présuppose le gouvernement. Une récession balaierait tout simplement le budget, ferait du bois à brûler de l’espoir de créations d’emplois et des effets retours, et augmenterait le niveau de “prise d’otage” du gouvernement. Tout ceci pour vous dire que les finances publiques belges restent très vulnérables à l’adversité.
Il n’est toutefois pas encore question que Charles Michel se rende chez le roi afin de donner la démission de son gouvernement. Un soupçon d’optimisme est de mise. En Chine, la situation est sérieuse mais pas désespérée. Le pays dispose de latitude pour soutenir l’économie, et le Parti communiste annoncera probablement des mesures de soutien supplémentaires lors de la réunion plénière de la semaine prochaine. Si l’industrie gémit, le secteur des services fonctionne bien. Et l’économie chinoise devait de toute façon se défaire du modèle de croissance intenable alimenté de crédits – mieux vaut maintenant que plus tard !
Ceci dit, l’effort de redressement en Chine repose trop sur une nouvelle injection de crédits dans les anciens secteurs. Mais si la Chine se stabilise, la plupart des pays émergents suivront. Entre-temps, les indices de prédiction n’indiquent pas encore une dépression sérieuse en Occident, et il semble que la Réserve fédérale achète, une fois encore, un peu de temps pour tout le monde.
La leçon à en tirer ? L’économie mondiale n’a jamais été aussi peu préparée à affronter une nouvelle récession, qui se produira pourtant tôt ou tard. De Bruxelles à Pékin, il est par conséquent urgent de mettre en oeuvre une politique qui rende l’économie plus résistante à une récession. Beaucoup de temps a été gaspillé ces dernières années.
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