Qui ose encore toucher à la voiture de société ? Pas grand monde

Van Peteghem a fait voter de multiples dispositions pour accroître les pouvoirs de l’administration et réduire les droits des contribuables.

La “forte” augmentation des taxes sur les voitures de société n’aura pas lieu. Le ministre fédéral des finances, Vincent Van Peteghem, s’en est assuré. S’en prendre aux voitures de sociétés reste en effet un tabou politique.

La question qui a secoué le Kern depuis quelques semaines est une question très technique. On peut néanmoins la résumer comme suit : toute personne qui dispose d’une voiture de société, et qui l’utilise aussi pour ses déplacements privés, bénéficie d’un avantage de toute nature (ATN) sur lequel elle est imposée. Les voitures de société thermique auraient dû coûter plus cher à leur bénéficiaire. L’ATN est en effet calculé en fonction des émissions moyennes de CO2 des voitures nouvellement immatriculées chaque année. Plus les émissions du véhicule de société sont supérieures à la moyenne, plus l’ATN est élevé. Or, la moyenne des émissions de CO2 a fortement chuté suite à l’augmentation du nombre de véhicules électriques dans les entreprises. Le résultat du calcul aurait dû, sans l’intervention du ministre Van Peteghem, être jusqu’à 20% plus élevé cette année pour les conducteurs de voitures thermiques. Les émissions dites « de référence » étaient de 111 grammes par kilomètre en 2020. Pour 2023, la référence était de 82.

Une très légère hausse

Néanmoins le nouveau système de taxe qui a été approuvé cette nuit par le Kern devrait garantir que la contribution pour les moteurs à essence et diesel soit moins élevée. On notera tout de même que la philosophie reste la même: les voitures de société polluantes doivent payer davantage et disparaître d’ici 2026. Mais le ministre ne voulait pas que les coûts augmentent en une fois de manière significative. Et il voulait aussi que cela se sache. La dernière chose qu’il voulait, c’était donner un mauvais message aux détenteurs de voiture de société.

En effet, sans cet ajustement, certains propriétaires de voitures de société aurait pu payer jusqu’à 50 euros de plus par mois. Avec l’ajustement, l’augmentation ne sera que de 7 à 8 euros. Le quotidien De Standaard donnait ainsi l’exemple d’une Golf Variant avec moteur essence, au prix catalogue de 33 705 euros. L’impôt mensuel sans ajustement du mécanisme automatique passerait de 124,94 euros à 164,87 euros. Dans la proposition de Van Peteghem, le nouvel impôt ne serait « que » de 131,38 euros. Une différence de 33 euros par mois tout de même. Et ce n’est pas rien. Certainement pas avant les élections du 9 mai. Le fait que les voitures de société sont un sujet très sensible électoralement parlant a plus que probablement motivé les troupes.

C’est par contre foutu pour ce mois-ci

Le problème est que les discussions au sein du gouvernement n’ont pas abouti à temps sur l’abaissement de cette taxe. Ce qui n’a pas permis aux secrétariats sociaux de le calculer pour les salaires des employés de janvier. Ils n’ont dès lors pas d’autre choix que d’utiliser les paramètres de 2023 pour les salaires de janvier, qui sont beaucoup plus élevés. Concrètement, sur leur fiche de salaire de février, les travailleurs devront payer les impôts de février et du mois de janvier. Ce qui fait que les travailleurs disposant d’une voiture de société devront tout de même payer plus pour leur avantage de toute nature (ATN). La rémunération de centaines de milliers de travailleurs sera par contre ajustée pour la suite.

Un sujet très sensible

On estime que 13,6 % des travailleurs ont une voiture de société. Ce sont ainsi près 561 000 voitures de fonction qui étaient en circulation en 2022. Et selon le Bureau du Plan plus de la moitié de ces voitures sont utilisées par les 10 % de familles ayant les revenus les plus élevés. Or la réduction d’impôt sur les voitures de société est estimée à 4,5 milliards d’euros. Pour une mesure qui ne bénéficie pas vraiment à la grande majorité de la population qui ne reçoit pas de voiture de leur employeur. Mais on le voit, l’empressement à changer cela n’est pas de mise.

Ce gouvernement pourtant teinté de vert n’aura donc pas touché aux voitures de société durant cette législature. Tout au plus les ont-ils utilisés pour encourager l’électrification du parc automobile et, il faut le reconnaître, avec un certain succès.  Cela aurait dû être compris dans la grande réforme fiscale longtemps annoncée et aujourd’hui avortée. Sauf que, dans son projet, il n’était question que d’une taxe supplémentaire sur le carburant et les cartes de chargement. Van Peteghem arguera ensuite qu’il fallait également une sécurité juridique. Ainsi le principe du “cash for car” (soit de l’argent contre une voiture) a été invalidé par la Cour constitutionnelle en 2020 parce que cette mesure entraînait une inégalité de traitement fiscal pour un même salaire. Pour neutraliser cet effet, il faudrait donc un changement fiscal plus large et rien de tel ne semble prévu pour l’instant. 

Et on l’a encore vu ces derniers jours, une simple évocation d’une légère augmentation des taxes sur les voitures de société fait déjà frémir. Au point qu’elles ont fait l’objet d’un véritable marchandage politique. D’ailleurs, si l’accord s’est fait attendre, c’est parce que les écologistes et les socialistes ont bloqué la proposition du ministre des Finances pour obtenir quelques contreparties. Et s’ils n’ont pas attaqué les voitures de sociétés de front, car ils savent que cela peut coûter cher électoralement, ils ne sont pas repartis les mains vides. Ils ont obtenu un petit geste. Un financement supplémentaire pour les cyclistes et les navetteurs en train. Ce qui devrait rendre le trajet domicile-travail à vélo ou en train, un peu, plus avantageux.

Le gouvernement a ainsi proposé de relever le plafond d’imposition de l’indemnité vélo. Il passe de 2 500 euros par an à 3 500 euros. “Les personnes qui parcourent de longues distances à vélo bénéficient d’une incitation supplémentaire”, explique M. Van Peteghem. Les voyageurs en train peuvent également compter sur un avantage. Les employés bénéficiant d’un régime de tiers payant peuvent voyager gratuitement en train pour se rendre au travail : 80 % de leur abonnement est pris en charge par l’employeur, tandis que 20 % sont complétés par le gouvernement. Cependant, il existe un groupe d’environ 100 000 navetteurs pour lesquels l’employeur ne contribue pas à 80 % de leur abonnement. Ils doivent payer une partie de leur abonnement eux-mêmes (généralement 56 % de l’abonnement). Pour ces derniers, il a été décidé que le gouvernement compléterait l’abonnement de 7,5 % si les employeurs portent leur contribution à l’abonnement à 71,8 % du prix. Les négociations entre les employeurs et les employés à ce sujet sont en cours. L’inflation ne sera ainsi pas non plus répercutée sur les abonnements de train.

Et comme il n’y a pas de petite victoire, les socialistes ont obtenu, en passant, des mesures supplémentaires contre le dumping sociale dans les secteurs du déménagement, de l’industrie de la viande et de la construction. Les libéraux ont eux obtenu le retrait de la disposition anti-abus dans le troisième plan anti-fraude du ministre des Finances Vincent Van Peteghem. Tout le monde content.

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