Qui est le vice-Premier ministre chinois, principal atout du président Xi Jinping dans la guerre commerciale?
Derrière l’attitude modeste du vice-Premier ministre chinois se cache un économiste universitaire de renom, qui a gravi les plus hauts échelons politiques en Chine.
Liu He a dû avoir un sentiment de déjà-vu lorsqu’il s’est rendu début mai à Washington en vue d’apaiser les tensions croissantes dans la guerre commerciale américano-chinoise. Ce n’était pas sa première visite dans la capitale en tant que principal conseiller économique du président Xi Jinping puisqu’il y était déjà venu plusieurs fois l’an dernier pour tenter de résoudre le conflit commercial qui perdure avec les États-Unis. Cette fois, Donald Trump menaçait de relever de 10 à 25% les taxes douanières sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises. Des menaces qui ont entre-temps été mises à exécution.
À son arrivée à Washington, Liu He a incarné la bienveillance en plaidant devant les caméras qu’il fallait à tout prix trouver une solution. Son image de favori lui a valu le surnom d’Oncle He au sein du parti communiste chinois. Mais derrière une attitude modeste et un regard avisé se cache un économiste universitaire de renom, qui a gravi les plus hauts échelons politiques en Chine au cours de la dernière décennie. Il est l’homme de confiance du leader chinois Xi Jinping. Des rumeurs tenaces prétendent que les deux hommes sont des amis d’enfance parce qu’ils habitaient le même quartier, mais elles n’ont jamais été prouvées ou confirmées par l’un ou l’autre.
Universitaire et politique
Né en 1952, Liu He a grandi à Pékin. À l’âge de 18 ans, il s’engage dans l’armée. Il travaille ensuite quelques années comme ouvrier avant d’entamer des études d’économie à l’université Renmin de Pékin et de décrocher un master en 1986. Il officie alors comme professeur et chercheur. Dans les années 1990, il obtient d’autres diplômes à Seton Hall et à Harvard. Dans ses travaux universitaires, il se concentre sur la macroéconomie, la politique industrielle et l’économie de l’État chinois. L’économiste a plusieurs ouvrages et plus de 200 articles scientifiques à son actif.
Son avenir tout tracé de membre du parti communiste n’a rien de surprenant compte tenu de ses antécédents familiaux. Après avoir rejoint le parti en 1936, son père, persécuté pendant la révolution culturelle de Mao, se suicide trente ans plus tard.
Liu He devient membre du parti en 1976. Dès la fin des années 90, il travaille pour différentes administrations publiques chinoises, dont le comité de planification. À ce titre, il participe à l’élaboration de plusieurs plans quinquennaux célèbres qui stimulent l’économie chinoise.
En 2013, Oncle He est nommé principal conseiller économique du président Xi Jinping. Au même moment, il devient membre du Politburo, le deuxième organe politique le plus important en Chine. Au sein de l’élite politique chinoise exclusivement masculine, Liu He se distingue comme l’un des rares à ne pas avoir les cheveux teints en noir.
Étonnamment libéral
Il est étonnamment ouvert et libéral pour un Chinois. Il veut réorienter l’économie chinoise vers un modèle de croissance plus durable et mettre en oeuvre une réforme en profondeur des nombreuses entreprises publiques. Il préconise également une consommation intérieure plus forte au lieu d’une expansion économique dépendante de l’exportation et de l’endettement. Xi Jinping lui a confié pour tâche principale de maîtriser l’énorme montagne de dettes privées en Chine et de stabiliser le système financier et économique. Mais même si le marché peut occuper à ses yeux une place plus importante, l’État chinois continue de jouer un rôle de premier plan à tous les égards.
Dans les négociations commerciales avec les États-Unis, il représente le principal atout du président Xi Jinping. Il parle couramment l’anglais, connaît bien les États-Unis et peut rivaliser avec les meilleurs négociateurs américains grâce à ses vastes connaissances universitaires en macroéconomie internationale. Tout cela fait de lui un interlocuteur respecté aux États-Unis. En Chine, il parvient également à faire adopter des réformes économiques et financières peu évidentes.
Jusqu’il y a peu, l’économiste chinois apparaissait rarement dans les médias. Il s’est exprimé en public pour la première fois à Davos. Il a évoqué trois points cruciaux pour l’économie chinoise : la stabilité économique générale, la réduction de la pauvreté et la lutte contre la pollution. Celui qui espère pouvoir juger sa maîtrise de l’anglais sera déçu car il a prononcé son discours en chinois. Il réserve peut-être son anglais aux négociations à huis clos. Bien que ça n’ait pas aidé cette fois. Le 11 mai dernier, il reprenait le chemin de la Chine sans avoir obtenu d’accord.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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