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Premières leçons du coronavirus: “Nulle surprise que ce soient l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance qui se soient révélés payants”
La crise sanitaire n’est pas terminée et tout dépendra de la deuxième vague, voire des vagues suivantes, et de la mise au point d’un éventuel vaccin, mais bien des observations ont déjà pu être faites, et à une échelle globale.
Quelle que soit la comparabilité des chiffres officiels communiqués par les pays, certaines nations s’en sont ainsi mieux tirées que d’autres, comptant moins de morts et avec une économie plus apte à redémarrer. Nulle surprise que ce soient l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance qui se soient révélés payants. L’ordre : dépistage précoce et systématique sitôt les premiers cas détectés pour opérer un traçage des porteurs sains et les isoler avant qu’ils ne contaminent d’autres personnes. La discipline : consignes précises, cohérentes, et respectées par la population. La prudence : mesures prises aussitôt qu’elles s’imposent, sans atermoiements. La prévoyance : avoir envisagé l’éventualité d’une telle pandémie et disposer en nombre suffisant de masques, de tests, de lits en réanimation et de respirateurs.
Première constatation : le laisser-faire, le chacun comme il l’entend, ne font pas bon ménage avec l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance. Et toutes les cultures, toutes les nations, tous les régimes politiques, tous les systèmes économiques, ne se révèlent pas aussi robustes face à une crise de ce type.
Ainsi, nous avons qualifié certaines mesures prises en Chine d'” atteintes aux libertés individuelles qui seraient jugées intolérables chez nous ” quand les Chinois disaient d’elles : ” manifestation de solidarité au sein de la population dont les citoyens des autres nations se sont révélés incapables “. Deux manières de voir les choses, mais qui n’enlèvent rien à l’incontestable efficacité des mesures prises par les Chinois.
Pensons aussi aux deux politiques extrêmes qui se sont trouvées face à face : la prompte éradication du virus ou la recherche de l’immunité de groupe au plus vite. Rappelons que l’immunité de groupe est atteinte quand chacun est immunisé pour avoir survécu à la maladie ou avoir été porteur sain ayant développé des anticorps. L’éradication mobilise l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance sous ses formes les plus extrêmes. L’immunité de groupe permet de les ignorer complètement, en confiant à la nature de résoudre le problème à sa manière. A noter que si ces deux positions se situent aux pôles opposés sur le plan de l’humain, elles sont probablement les deux approches optimales sur le plan économique.
La France a, semble-t-il, envisagé pendant une douzaine de jours l’immunité de groupe, et le Royaume-Uni, quelques semaines, avant de se raviser tous deux devant l’incapacité à gérer l’engorgement du système hospitalier qui en est résulté. Cette valse-hésitation a eu un coût dommageable en termes de décès sans pouvoir conjurer pour autant une paralysie prolongée de l’économie.
Pourquoi l’immunité de groupe a-t-elle été rejetée d’office en Chine et acceptée, du moins pour une courte période, par d’autres pays ? Aventurons une hypothèse. L’Occident n’a cessé d’être religieux que depuis moins d’un siècle, et l’idée flotte toujours, au moins dans les inconscients, qu’être mort dans ce monde-ci ne signifie pas nécessairement être mort pour de bon. Et que du coup, un coût élevé de morts – mort ” relative ” : les malchanceux allant ” au Ciel ” – n’est peut-être pas si cher payer pour sauver l’économie. Alors que la Chine, tout au long de son histoire, n’a jamais cessé d’être essentiellement athée : la vie ici-bas pour eux est la seule dont nous disposerons jamais, sans examen de rattrapage, et tout doit être fait pour la sauver.
Reste la troisième voie, celle authentiquement religieuse dans notre tradition, dont Donald Trump est aujourd’hui le promoteur : les fléaux permettent à Dieu de reconnaître les siens et de punir les méchants. Sur le plan pratique, cette conception ne se distingue en rien de la recherche au plus vite de l’immunité de groupe. La difficulté, aux Etats-Unis, est alors l’existence sur son territoire de régions athées ayant plus de sympathie pour la conception chinoise. D’où, là-bas, une double approche qui s’apparente à l’hésitation entre éradication du virus et immunité de groupe et qui, comme elle, débouche sur un résultat médiocre : à la fois trop de morts et une économie trop malmenée.
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