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Poutine, notre sobriété forcée et la question qui fâche

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Aujourd’hui, le mot à la mode et est sobriété. Avant, dans les années 70, on parlait plutôt de “chasse au gaspi”, mais voilà “sobre” ou “sobriété”, ça sonne mieux aujourd’hui.

Bien entendu, nous ne le faisons pas par gaité de coeur, mais pour éviter un black-out cet hiver. Et comme nos politiques nous répètent à l’envi que l’hiver sera très rude, les ménages et les entreprises prennent déjà leurs précautions.

Nous savons évidemment tous que cette sobriété est un choix que l’Europe a fait collectivement en soutien au peuple ukrainien. Puisqu’il faut le rappeler, il n’y a pas d’embargo du gaz de la Russie, comme c’était le cas avec le pétrole des pays arabes dans les années 70.

Ici, c’est l’Europe qui a décidé de se passer du gaz et pétrole russes. Certains d’ailleurs commencent à se poser la question publiquement de savoir si c’est bien malin d’appauvrir nos populations et de détruire volontairement une partie de notre industrie au lieu de forcer les Russes et les Ukrainiens à trouver une solution.

Les uns leur répondent que c’est honteux d’y penser, que faire cela, revient à offrir à Poutine par la paix ce qu’il n’a pas pu obtenir par les armes. D’autres disent : “Regardez, qui au final profite de cette guerre si ce ne sont les Etats-Unis ? Ils nous envoient leur pétrole et leur gaz, ils nous vendent leur armement, et lorsqu’il faudra reconstruire l’Ukraine, c’est clair, que ce seront d’abord les entreprises américaines qui décrocheront les plus gros contrats.”

Ce discours reste encore minoritaire, mais ose s’affirmer en public depuis quelques semaines. Il est légitime pour la simple raison que nous sommes en démocratie et qu’il est sain de pouvoir s’exprimer. Mais, n’est-ce pas un message qui arrive trop tôt ? En réalité, Poutine compte sur l’opinion publique européenne pour arriver à ses fins. Il sait que l’hiver sera froid en Europe. D’ailleurs, regardez l’histoire de la Russie, c’est le froid russe qui a empêché les soldats de Napoléon et puis d’Hitler de mettre la main sur la Russie. En fait, selon d’autres sources bien informées, nous devons juste être patients. Nos sanctions donnent l’impression de ne pas être efficaces, mais c’est à court terme. Le rouble se porte bien, c’est vrai, mais ça fait une jolie jambe à notre ami Poutine qui ne peut rien acheter à l’extérieur.

Quant à son pétrole, il arrive bien à le vendre, mais à prix bradé aux Chinois et aux Indiens. Poutine s’est retrouvé récemment avec la plupart des grands dirigeants qui ne font pas partie de la coalition anti-Russe. On a vu de belles photos, des accolades, et alors ? Ni la Chine, ni l’Inde, ni la Turquie ne se sont engagées à aider la Russie, pas une seule promesse en ce sens. D’ailleurs, pour quel intérêt ? La Chine a un business de 600 milliards de dollars avec les Etats-Unis et de 300 milliards avec l’Europe. Qui croit un instant que la Chine dont l’économie souffre déjà de la politique de COVID zéro va se priver des marchés occidentaux pour faire plaisir à Poutine ?

Et puis, on l’oublie, mais avec les sanctions technologiques, la Russie est privée de composants et de logiciels stratégiques, que ce soit pour ses serveurs, ses ordinateurs, ses appareils électroménagers, ses véhicules militaires, etc.

Gary Kasparov, l’ancien champion du monde des jeux d’échecs avait raison de dire que l’Europe via ses sanctions économiques est en train de renvoyer la Russie à l’âge de pierre. C’est juste une question de temps. Et puis, soyons lucides, quand la guerre va s’arrêter, citez-moi l’homme d’affaires qui voudra encore commercer avec la Russie ? Mais, c’est vrai aussi, comme me le disait un ami – lui-même ancien homme d’affaires – gardons à l’esprit que les Russes sont nos voisins, la géographie ne changera pas. Et puis, Poutine n’est pas éternel. Ne confondons pas non plus son peuple avec lui. Il faudra un jour comprendre qu’il faut intégrer la Russie dans l’Europe. Ils ont tout ce qui nous manque (les minerais, l’espace) et nous pouvons en échange leur offrir ce qu’ils n’ont pas. Mais ça, c’est pour après- demain.

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