Pour réinventer la Wallonie, il faut “un autre narratif, pas des petites phrases” 

Lors d’un débat Trends/RTBF/Cercle de Wallonie animé, les représentants des patrons Cécile Neven (AKT, UWE) et Eric Domb (Pairia Daiza) ont insisté en ce sens. Thomas Dermine (PS) et Sander Loones (N-VA) approuvent. Reste à dépasser les slogans politiques. 

Comment réinventer la Wallonie? Un sujet crucial et un parterre de choix, mercredi soir au théâtre de Liège, pour un grand débat économique de printemps co-organisé par Trends-Tendances, la RTBF et le Cercle de Wallonie. Un Sander Loones, vice-président de la N-VA caustique et enjôleur pour le parterre d’entrepreneurs. Un Thomas Dermine, secrétaire d’Etat fédéral PS, fidèle à lui-même, face pragmatique du PS. Mais aussi un Eric Domb, patron de Pairi Daiza, au-dessus de la mêlée, ainsi qu’une Cécile Neven, CEO de l’Union wallonne des entreprises devenue AKT for Wallonia, déterminée. Oui, la Wallonie peut être réinventée, mais pour autant que l’on écrive un nouveau narratif.  

Morceaux choisis. 

“Je suis jaloux de la Wallonie”

Sander Loones (N-VA) considère-t-il le PS comme la source de tous les maux? “Non, nous sommes un parti démocratique, nous respectons les votes, même s’il est clair qu’en Wallonie, c’est assez à gauche, contrairement à la Flandre. Il faut voir comment travailler ensemble. Nous avons une idéologie fort différente. En Flandre, nous avons un gouvernement sans socialistes et on voit les résultats: le taux d’emploi est plus élevé, on prend des bonnes décisions au niveau énergétique… Mais ce n’est pas à nous de critiquer ce qui se passe en Wallonie.” 

Réplique de Thomas Dermine: “La N-VA est un parti contre lequel nous sommes opposés sur le plan socio-économique, mais c’est un parti qui partage des valeurs démocratiques, ce qui n’est pas le cas de tous les partis en Flandre.” 

Les deux représentants des partis souffleront le chaud et le froid, entre possibilité de travailler ensemble – “c’est fait, PS et N-VA”, commentera un observateur avisé en coulisse -, mais en se critiquant vivement, aussi.  

Sander Loones se montre flatteur et narquois: “Il y a plein de choses pour lesquelles je suis jaloux de la Wallonie. Vous avez plein d’espaces disponibles, nous pas. Vous avez une économie qui n’est pas encore consolidée, en Flandre c’est le cas, cela donne la possibilité d’attirer de nouvelles activités. Et enfin, vous avez encore plein de gens que l’on peut activer, c’est aussi un atout.” Il sera aussi très applaudi quand il fustige le manque de rigueur budgétaire qui met notre pays au bord du gouffre. 

Mais réinventer la Wallonie, c’est aussi et surtout donner un coup de fouet à la dynamique entrepreneuriale et agir, enfin, gouverner pour la redresser. 

“Non aux petites phrases”

“La situation est préoccupante, souligne Cécile Neven, CEO de Akt for Wallonia. Je pense pouvoir dire que l’ensemble des entrepreneurs sont inquiets. Ils le sont d’autant plus en cette campagne électorale que l’on entend beaucoup de slogans, beaucoup de petites phrases, et ce crois que cela n’aide pas. Notre intention, en rapprochant l’Union wallonne des chambres de commerces, c’est justement de développer cette communauté d’entreprises qui aura plus d’impact et se mettre en capacité d’agir pour la Région. Il faut dépasser les slogans, vraiment.” 

Elle insistera à plusieurs reprises sur la nécessité de “gouverner et de concrétiser ce qui est décidé” avant tout et martèlera sa priorité: “L’emploi, l’emploi, l’emploi…”. 

Eric Domb, CEO de Pairi Daiza et ancien patron de l’UWE, prend de la hauteur, lui, et donne le ton d’une priorité forte. “Pairi Daiza est un exemple qui montre qu’il est important d’entreprendre en Wallonie, comme partout ailleurs. Pendant des années, à la tête de l’Union wallonne, j’ai posé des jugements sur l’état de notre Région et je considère en fait que les mots ne servent à rien. Les condamnations et les reproches, cela ne sert à rien. Je m’adresse à tous les jeunes de 7 à 77 ans qui ont envie d’entreprendre parce que c’est une merveilleuse expérience qui risque de réussir. A peut-être une condition: qu’ils ne s’attendent jamais à recevoir la moindre reconnaissance. Ils ne doivent pas espérer cela pour être heureux, mais ils le seront parce qu’ils partageront leur enthousiasme avec des gens formidables.” 

“Les petites phrases n’aident pas, je suis d’accord, souligne Thomas Dermine, même si nombre d’entre elles… viennent de son propre camp. Il y a un moment d’union qui est nécessaire pour la Wallonie. Nous partageons cet amour pour la Région et il faut aller de l’avant. Nous sommes une Région qui aime bien s’autoflageller. Oui, des erreurs ont été commises dans le passé, mais il faut regarder vers l’avant, réformer, donner l’envie d’entreprendre, je suis 100% d’accord.” 

“La vision d’un futur partagé”

Cécile Neven insiste sur la nécessité de travailler sur l’esprit d’entreprendre dès l’école. “La Wallonie a tous les atouts pour réussir. Mais le premier problème qu’ont les entreprises, c’est de trouver des talents, il y a encore 45 000 emplois vacants. Il faut procéder à la remise à l’emploi.” 

Y’a-t-il trop de frein en Wallonie? “Je voudrais revenir à l’essentiel et cela ne coûte absolument rien, dit Eric Domb. Ce qui nous manque le plus en Wallonie, c’est la vision d’un futur partagé. On parlait des petites phrases… Ce qui aurait l’effet de levier le plus formidable dans notre Région, c’est cette vision d’un destin partagé d’un destin partagé. Croyez-vous vraiment qu’en réunissant quelques-uns contre le chômeur ou contre e patron, on va arriver à ce destin partagé. Il y a des mauvais patrons et il y a des chômeurs professionnels, so what?” 

Thomas Dermine et Sander Loones abonderont en ce sens. Se disputeront aussi. Mais un esprit de concorde planait sur le théâtre de Liège. Reste à concrétiser.