Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Posséder une voiture va devenir un luxe pour une grande partie de la population
L’automobile est à la UNE de l’agenda des gouvernements européens en ce moment. Pas plus tard que ce mardi, la discussion a été très vive entre ministres de l’environnement européens et jusqu’à tard dans la nuit pour savoir s’il fallait – oui ou non – accorder à l’industrie automobile une rallonge de 5 ans supplémentaire pour lui permettre de mettre fin au moteur thermique en Europe en 2040 et non pas en 2035.
Comme vous le savez, les moteurs thermiques ne pourront plus être produits à partir de 2035 et donc toutes les nouvelles voitures, à partir de cette date fatidique, seront d’office électriques. Les constructeurs sont d’accord avec l’objectif de réduction de CO2 même s’ils auraient voulu avoir un délai supplémentaire de 5 ans. Mais pour l’heure, le discours du lobby automobile est assez inaudible. D’abord, parce que le couperet sur les moteurs thermiques ne tombera qu’en 2035, autrement dit, cela laisse tout de même 13 ans aux constructeurs auto pour s’adapter. 13 ans, c’est l’équivalent de deux générations d’automobile de l’aveu même du patron de Renault. Ensuite, les derniers chiffres le montrent, les constructeurs auto ont les moyens financiers de s’adapter. En effet, ils n’ont jamais gagné autant d’argent que maintenant alors qu’il y a une pénurie de certains composants à cause de la politique de zéro-covid en Chine ou de la guerre en Ukraine.
C’est paradoxal, mais cette pénurie de composants a permis aux constructeurs européens de vendre en effet moins de voitures à cause des délais de production, mais ils ont vendu ces voitures nettement plus chères. “Les constructeurs auto produisent en priorité les modèles les plus rentables et les clients acceptent – pour l’instant – les hausses de prix”, écrit Le Figaro. En fait, toutes ces pénuries de composants ont permis aux constructeurs automobiles de retrouver des marges qu’ils n’avaient plus eues depuis… 25 ans. Avec même un pic de marge de 12.6 %, ce qui est une marge record d’après le cabinet de consultants AlixPartners.
Reste à voir si le tout à l’électrique est une aussi bonne chose qu’on nous le dit. En gros, on nous a dit que les voitures électriques finiront par coûter moins cher et qu’elles seront plus propres pour l’environnement. Prenons le premier argument : moins cher ? Ce n’est pas certain du tout. Pour l’instant, les VE coûtent 30 à 50% plus cher que les voitures thermiques, qui elles-mêmes coûtent plus chers à cause des pénuries et de la hausse des matières premières. Premier constat : si rien ne change, une partie de la population sera privée de l’accès aux voitures neuves et devra se rabattre sur les voitures d’occasion dont les prix ont aussi augmenté. Posséder une voiture va devenir un luxe pour une partie de la population.
Quant à savoir si la voiture électrique est moins polluante, c’est aussi une affaire de calcul. Si on s’attache à la production de ces voitures électriques, le bilan CO2 n’est pas aussi bon qu’on le croit. Que ce soit en Pologne ou en Allemagne ou en Chine, l’électricité utilisée pour produire ces voitures électriques est sale, car elle provient de centrales au charbon. Ensuite, l’institut Sapiens en France a calculé que pour la grande transhumance des vacances d’été, il faudrait prévoir 92 bornes de recharge par station d’autoroute. On en est loin. D’autres se posent la question de savoir “à quoi bon diminuer notre dépendance aux hydrocarbures si c’est pour la remplacer par une autre dépendance à l’égard de la Chine pour les métaux rares nécessaires à la fabrication des batteries des voitures électriques” ? Et je ne vous parle pas du fait que tout le monde va recharger sa voiture électrique au même moment, c.-à-d. la nuit. Aura-t-on les capacités pour affronter une telle demande simultanée sur le plan électrique ? Vous voyez, le débat est fin, subtil. Mais comment avoir un vrai débat de société quand les réseaux asociaux ont anesthésié l’intelligence ?
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