Pas de traité contre la pollution plastique: et maintenant ?

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Il n’y aura pas de traité contre la pollution plastique à Genève. Après un constat d’échec cuisant pour l’environnement et pour la diplomatie, les Nations unies essayaient vendredi de chercher une porte de sortie

“Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève”, a résumé le représentant de la Norvège au cours d’une séance plénière au lever du jour vendredi. Un peu plus tôt, l’Inde et l’Uruguay avaient souligné l’incapacité des négociateurs “à trouver un consensus”.

Présenté au milieu de la nuit de jeudi à vendredi un nouveau texte de compromis comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier, après 10 jours d’intenses négociations mais les chefs de délégation réunis en session informelle n’ont pas réussi à se mettre d’accord. L’avenir des négociations n’était pas clair dans l’immédiat.

L’Ouganda a demandé une nouvelle session de négociation à une date ultérieure et la Commissaire européenne à l’environnement, Jessika Roswall a estimé que Genève avait permis d’établir “une bonne base” pour une reprise des négociations. Le diplomate équatorien Luis Vayas Valdivieso, qui présidait déjà aux négociations lors de l’échec de la précédente séquence diplomatique en Corée du sud à Busan fin 2024, devrait donner une brève conférence de presse, selon les services onusiens.

De profondes divisions demeurent

Sa méthode et le processus de négociations ont été sévèrement critiqués tout au long de la séquence diplomatique de Genève mais souvent de manière anonyme. Théoriquement, la séquence de négociations CNI5-2, qui a débuté à Genève le 5 août, devait s’arrêter à minuit locales (22H00 GMT) ce 14 août.

Mais les chefs de délégation réunis en session exceptionnelle à l’aube n’ont pas réussi à se mettre d’accord en dépit d’une sensible évolution dans la formulation. Lors de la dernière séance, il n’a pas fait consensus –la règle cardinale de l’Onu–, et tout le processus a fini par être ajourné, au bout d’une session qui avait déjà été étendue au-delà de ses limites.

De profondes divisions demeurent entre les deux camps qui se sont affrontés sur le sujet. Les “ambitieux”, dont l’UE, le Canada, l’Australie, beaucoup de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’îles, veulent nettoyer la planète du plastique qui commence à la gangréner et affecte la santé humaine, et surtout réduire la production mondiale de plastique.

En face, des pays essentiellement pétroliers qui refusent toute contrainte sur la production d’hydrocarbures à la base de l’industrie plastique et toute interdiction de molécules ou d’additifs dangereux. Ces pays ne supportaient pas que la négociation porte sur “toute la durée de vie” du plastique, c’est-à-dire depuis la substance dérivée du pétrole jusqu’à son état de déchet, en passant par les objets qu’il sert à fabriquer.

Ils ont mené une guerre de pilonnage pour obtenir le changement du “scope” ou de la portée de la négociation et du texte du traité, fixée en 2022 lors de l’assemblée générale Environnement des Nations unies.

Beaucoup de délégués ont fait part de leur déception devant l’échec des négociations, la représentante de Fiji estimant que ce revers “affaiblit le multilatéralisme”. Pour les représentants des îles du Pacifique ou d’ailleurs, dont certains ont mis trois jours pour arriver à Genève, cet échec signifie que “sans aide extérieure, des millions de tonnes de déchets plastique vont continuer à être jetés dans nos océans, affectant nos écosystèmes, notre sécurité alimentaire, notre vie et nos cultures”, a déploré le représentant de l’archipel de Tuvalu.

Une session pas close

Cette session de négociation n’est “pas close”, a déclaré M. Vayas Valdivieso à l’AFP, et une prochaine future session relèvera donc d’une “nouvelle partie de CNI5”. “Le secrétariat va travailler pour trouver une date et un endroit, où CNI5-3 aura lieu”, a-t-il ajouté.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, la diplomate chevronnée Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP), a indiqué que les 10 journées de négociations ont permis de comprendre “plus en détails les +lignes rouges+” de chaque pays.

“Nous ne les connaissions pas aussi bien qu’aujourd’hui. (…) C’est un pas très important”, a-t-elle confié à l’AFP. “Nous vivons dans une période politique et géopolitique complexe. Et en plus le multilatéralisme est sous tension”.

Sous l’œil des représentants des industries pétrochimiques présents dans les couloirs, les pays avaient déjà échoué à produire un texte commun à Busan en Corée du Sud fin 2024.

Le sujet est d’autant plus important que la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les 50 années précédentes. Et la tendance s’accélère: si rien n’est fait, la production actuelle, de quelque 450 millions de tonnes par an, devrait tripler d’ici 2060, selon les prévisions de l’OCDE. Moins de 10% est recyclé.

Les ONG, qui devaient prendre la parole publiquement en fin de session n’ont d’ailleurs pas pu s’exprimer, après une demande impérieuse d’ajournement de la part du représentant des Etats-Unis John Thompson, et de celui du Koweit, désireux de terminer la session au plus vite après une nuit blanche.

La faute à l’industrie pétrochimique, selon Greenpeace

L’impossibilité de parvenir à un accord à Genève pour réduire la pollution plastique doit être un “signal d’alarme pour le monde” a estimé vendredi l’ONG de défense de l’environnement Greenpeace selon laquelle “mettre fin à la pollution plastique signifie s’attaquer de front aux intérêts des énergies fossiles”.

“La crise du plastique s’accélère et l’industrie pétrochimique est déterminée à nous sacrifier au profit de ses intérêts à court terme” a estimé l’ONG dans un bref communiqué à l’issue de l’échec des négociations à Genève.

La grande majorité des gouvernements “veulent un accord fort”, mais “une poignée d’acteurs mal intentionnés ont été autorisés à utiliser le processus pour réduire à néant cette ambition. Nous ne pouvons pas continuer à faire la même chose et espérer un résultat différent. Hésiter n’est plus une option”, a ajouté l’association.

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