Christophe De Caevel
Politique climatique: “l’équation est peut-être simple mais elle est politiquement très délicate”
Après ce rapport du Giec, accepterons-nous d’intégrer vraiment les externalités environnementales dans la fixation des prix?
Inondations, vagues de chaleur, sécheresses, cyclones… Les événements météorologiques extrêmes devraient se multiplier sur tous les continents si nous ne parvenons pas à enrayer le processus de dérèglement climatique. Le dernier rapport scientifique du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) est particulièrement alarmiste, pointant le côté “irréversible” de certains dégâts, comme la montée du niveau des mers, avec leurs conséquences sur l’habitabilité des territoires. Les scénarios oscillent entre un réchauffement de 1,4 à 4,4°C à l’horizon 2100, selon la capacité à réduire les émissions de CO2.
Après ce rapport du Giec, accepterons-nous d’intégrer vraiment les externalités environnementales dans la fixation des prix?
Cette inquiétante évolution est largement due aux activités humaines, confirme le Giec. Bonne nouvelle: en adaptant ou en cessant les activités les plus polluantes, nous pourrions donc retomber sur le scénario le plus optimiste. Sauf que même si nous parvenions à réduire substantiellement nos émissions de CO2, il faudrait encore attendre 20 à 30 ans pour stabiliser les températures globales sur la planète, pointe encore le Giec. Dans une société concentrée sur le court terme et les quick wins, il y a de quoi en décourager plus d’un…
En outre, ces activités émettrices de CO2, nous ne les avons pas développées par plaisir de saccager la planète mais parce qu’elles nous apportaient du confort à moindre prix. A moindre prix, notamment parce que l’impact sur le climat et la qualité de l’air n’était pas pris en compte dans la facture. Accepterons-nous désormais d’intégrer vraiment ces externalités environnementales dans la fixation des prix? L’Union européenne veut le faire à travers son plan “Fit for 55” destiné à réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici 2030 avec, par exemple, l’instauration d’une taxe à l’importation d’acier, d’aluminium ou de ciment dont l’empreinte carbone est supérieure à celle des productions européennes. Mais il n’y a pas de secret: une telle disposition fera grimper les prix. “L’équation est simple, disait le mois dernier dans L’Echo Christian Gollier, directeur général de la Toulouse School of Economics et président de l’association européenne des économistes de l’environnement. Remplacer une énergie peu chère, comme le pétrole ou le gaz naturel, qui bien entendu sont à la source des problèmes de réchauffement climatique contre lesquels nous voulons lutter, par une énergie plus chère aujourd’hui, comme le photovoltaïque ou l’éolien, ce n’est pas bon pour le pouvoir d’achat des ménages.”
L’équation est peut-être simple mais elle est politiquement très délicate. La moindre suspicion d’atteinte au pouvoir d’achat soulève en effet immédiatement les hauts cris. Nos démocraties sont-elles prêtes à assumer tous les tenants de cette équation alors qu’elles affrontent déjà à peu près toutes la montée de partis populistes? Jusqu’ici, la réponse est non. Mais peut-être que le rapport du Giec parviendra, cette fois, à infléchir les positions dogmatiques.
A propos de dogme, en Belgique, le débat sur ce rapport du Giec se focalise sur le maintien ou non des réacteurs nucléaires. Ils n’émettent pas de CO2, au contraire des centrales au gaz envisagées pour les remplacer, au moins temporairement. L’urgence climatique devrait inciter les écologistes à mettre entre parenthèses leur histoire anti-nucléaire. Cela éviterait d’aggraver la situation. Mais cela ne résoudrait rien: le réchauffement planétaire s’accélère malgré le nucléaire et les réponses viendront d’une adaptation de nos modes de production, de consommation, de déplacement. Bref, de nos modes de vie. Les prochaines années diront si nos démocraties – c’est-à-dire les gouvernements, les partis mais aussi les électeurs – sont prêtes à assumer pareils changements.
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