En revenant partiellement sur la transition vers les véhicules zéro émission, la Belgique risque gros.
À l’heure où l’Union européenne intensifie sa politique climatique, la Belgique se tire-t-elle une balle dans le pied en envisageant un assouplissement fiscal pour les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) dès 2026. Avec cette réforme, le gouvernement Jambon pourrait compromettre des centaines de millions d’euros de subventions européennes.
Plug-in hybride, le virage à contresens ?
L’exécutif fédéral souhaite réformer la fiscalité des voitures de société. Au cœur du débat : les plug-in hybrides. Longtemps vus comme un compromis acceptable entre thermique et électrique, ces véhicules fonctionnent pourtant le plus souvent à l’énergie fossile. Cette réforme prévoit que ces modèles bénéficient à nouveau d’une déductibilité fiscale jusqu’à 100 %, en fonction de leurs émissions.
Cette déductibilité devrait toutefois diminuer de manière progressive. Les hybrides rechargeables dont les émissions de CO₂ ne dépassent pas 50 g/km redeviendraient déductibles à 100 % en 2026. Puis à un maximum de 75 % jusqu’à fin 2027, 65 % en 2028, 57,5 % en 2029 et 0 % en 2030.
Malgré cette ouverture aux hybrides, les véhicules 100 % électriques conservent leur avantage fiscal maximal.
L’idée derrière cet assouplissement est d’offrir une transition plus douce et plus abordable pour les entreprises et les salariés. Histoire de motiver ceux qui n’ont pas encore sauté le pas de l’électrique. On compte encore aujourd’hui en Belgique environ 380 000 voitures de société à moteur thermique.
La Belgique risque de perdre 282 millions
Mais cette orientation revient sur les engagements pris en 2021 dans le cadre du Plan de Relance et de Résilience (RRF) conclu avec la Commission européenne après le Covid. À l’époque, la Belgique s’était engagée à réserver les avantages fiscaux, dès 2026, exclusivement aux véhicules zéro émission. En échange, Bruxelles avait débloqué d’importants financements pour soutenir la transition.
Or, en revenant sur sa position — soit une marche arrière sur l’électrification complète du parc de voitures de société —, la Belgique s’expose à de lourdes sanctions. Par exemple : la suspension de paiements, une réduction des financements, des amendes directes ou même la résiliation de l’accord. Concrètement, elle risque de perdre les 282 millions de subventions du programme REPowerEU. Mais aussi de mettre en danger plus d’un milliard d’euros d’investissements pour la mobilité verte.
C’est un pari risqué. Surtout pour un assouplissement qui ne répond à “aucune demande réelle et ne servait qu’à flatter certains intérêts à court terme”, selon Philippe Vangeel, secrétaire général d’EV Belgium, la fédération sectorielle dédiée à la mobilité électrique.
L’Europe reste ferme
Du côté du ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA), on assure que des discussions sont en cours avec la Commission européenne. Mais selon plusieurs sources, dont le média spécialisé Fleet, Bruxelles ne fléchirait pas. Toute fiscalité favorable aux hybrides post-2026 irait à l’encontre des objectifs climatiques et budgétaires fixés.
De quoi pousser le gouvernement à revoir sa copie, voire à supprimer la composante ISOC (impôt des sociétés) spécifiquement prévue pour les véhicules hybrides ? Pour l’heure, le cabinet du ministre refuse de commenter une possible mise au placard de la réforme. Mais la pression monte à l’approche du kern, où la réforme fiscale doit être débattue cette semaine.
Si cet assouplissement est abandonné, cela aura tout de même une influence sur le marché, puisque la demande de véhicules hybrides risque encore de diminuer. Ces véhicules représentent aujourd’hui 6,7 % du marché, selon Traxio.
Pourquoi les Plug-in hybrides sont loin d’être aussi verts qu’ils en ont l’air
Souvent présentés comme un compromis entre thermique et électrique, les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) peinent à convaincre sur le plan environnemental.
En voici les principales raisons :
– Une utilisation électrique souvent marginale. De nombreux conducteurs ne rechargent leur véhicule que rarement. Résultat : la voiture roule principalement en mode essence, annulant les bénéfices écologiques attendus.
– Émissions réelles bien plus élevées. En conditions de conduite réelle, les émissions de CO₂ peuvent être 2 à 4 fois supérieures aux chiffres officiels. Certaines études font même état de niveaux jusqu’à 8 fois plus élevés.
– Une technologie lourde et inefficace. Le double moteur (électrique + thermique) alourdit considérablement le véhicule, augmentant sa consommation de carburant et son empreinte carbone à la fabrication.
– Une consommation trompeuse. Les tests d’homologation sont effectués avec batterie pleine sur de courts trajets. Or, sur autoroute ou batterie vide, les PHEV consomment autant, voire plus, qu’un véhicule thermique classique.
A moins d’être rechargé fréquemment et utilisé uniquement sur de courtes distances, le PHEV est souvent rien d’autre qu’un véhicule thermique déguisé en solution verte.