“Pipigate”: les dessous d’un improbable scandale
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) est embourbé dans un incongru scandale où des hommes urinent sur un combi de police. Mais que s’est-il exactement passé et pourquoi cela prend de telles proportions?
Le ministre de la Justice se trouve au milieu d’un scandale dont il se serait bien passé. Dans la soirée du 14 août, lors de la fête que Van Quickenborne donnait pour son 50ème d’anniversaire, deux de ses invités auraient uriné à plusieurs reprises sur un combi de police.
Un ministre sous surveillance
C’est d’autant plus choquant pour les forces de l’ordre que la police ne lésine pas sur ses efforts lorsqu’il s’agit de protéger le ministre et sa famille. Ce combi se trouvait en effet là, sur ordre du Centre national de crise, suite aux menaces qui pèsent sur le ministre. Des menaces bien réelles puisque, en septembre de l’année dernière, une tentative d’enlèvement du ministre Van Quickenborne a été déjouée. Et, lors de la période des fêtes de fin d’année, le ministre a également dû se réfugier dans une adresse secrète. Si lui et sa famille ont retrouvé une certaine liberté, diverses mesures de sécurité sont encore en place aujourd’hui et il reste sous protection de la police.
Tout cela pour dire que même si le dit combi était vide, c’est un euphémisme de dire que cette incartade n’a pas fait rire la police. Dans la foulée le parquet a ouvert une enquête pour outrage aux forces de l’ordre. Les personnes impliquées sont en cours d’identification.
Une défense qui empire les choses
Cela aurait pu s’arrêter là. Soit se cantonner à un évènement, certes pas très classe, mais sans trop de conséquences politiques puisqu’il s’agissait d’invités et non de ministre lui-même. Sauf que le ministre va opter pour une défense si ce n’est lâche, pour le moins ambiguë.
Sa première réaction est de dire qu’il désapprouvait de tels agissements et surtout qu’il ignorait tout de la chose. Dans une réponse écrite, il précise, “qu’il n’était pas présent et n’était pas au courant des faits allégués”. Un message qu’il va réitérer hier sur la VRT. Il précise dans l’émission “De zevende dag” qu’il avait “été sérieusement choqué. C’est dégoutant, surtout quand on connaît le but de ce combi. La police et la justice font leur travail. Si cela ne tenait qu’à moi, je laisserais ces personnes nettoyer des combis pendant un week-end. J’attends de ces personnes qu’elles s’excusent auprès de la police. C’est le moins qu’ils puissent faire”.
De nouvelles images
Problème: de nouvelles images sont apparues. Des images où l’on voit le ministre sortir à son tour à 4 heures du matin. Il est habillé de blanc, dresscode de la soirée, et “semble escorter l’un des invités à l’extérieur. Tous deux ont apparemment beaucoup bu”, précise la VRT. “Des rires fusent et le ministre, debout sur le trottoir, se penche en arrière et fait semblant de faire pipi. Le ministre et son invité regardent ensuite le téléphone portable du ministre et c’est l’hilarité générale. Le ministre traverse également la rue et ouvre, comme les autres invités l’ont déjà fait plus tôt dans la soirée, la porte du combi”, poursuit la VRT.
Malgré ces nouvelles images, le cabinet du ministre maintient tout de même sa déclaration selon laquelle il n’était pas au courant. “Le ministre confirme qu’il a ouvert la porte du combi pour la verrouiller correctement. Déduire d’autres gestes qu’il était au courant des faits qui avaient eu lieu précédemment relève de l’interprétation”.
Ravive les tensions avec la police
En niant être impliqué, le ministre a tendu un gros bâton pour se faire battre. Car ce qui choque le plus, ce n’est pas forcément l’attitude des fêtards, mais bien l’attitude du ministre et le fait qu’il ait tout nié. Cette ingratitude manifeste laisse un goût amer à de nombreux policiers. D’autant plus que Quickenborne est le ministre de tutelle de la police aux côtés de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) et que les relations entre le ministre et les syndicats de police sont tendues depuis près d’un an. Ils le tiennent pour responsable, avec le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), du non respect de l’accord sectoriel.
Des remous politiques
Son mensonge va aussi provoquer des remous politiques. S’il a, à l’heure d’écrire ces lignes, toujours le soutien de Tom Ongena, président en exercice de l’Open VLD, d’autres politiques sont nettement moins compréhensifs. Ainsi la députée N-VA Yngvild Ingels a affirmé lundi soir que Vincent Van Quickenborne ne pouvait rester en fonction s’il a fait de fausses déclarations. Le Vlaams Belang a, lui, déjà réclamé la démission du ministre de la Justice.
Du côté francophone, le PTB se dit consterné. Le député Nabil Boukili (PTB) a réclamél’audition en urgence à la Chambre du ministre de la Justice. DéFI a également exprimé son indignation. Selon la députée Sophie Rohonyi, le ministre a manqué de respect envers la police qui assure sa protection et jette l’opprobre sur la classe politique en renforçant la méfiance des citoyens envers la classe politique.
Vincent Van Quickenborne viendra jeudi en commission de la Justice de la Chambre pour s’expliquer sur l’incident.
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