PIB : 2% pour la Défense, mais qu’en 2035 et à six conditions
Le gouvernement fédéral est parvenu à un accord samedi après plus de 7 heures de négociations sur une intention belge visant à consacrer 2% du Produit intérieur brut (PIB) à la Défense d’ici 2035. La Belgique répondrait ainsi à la demande en ce sens formulée par l’Otan depuis 2014.
Jusqu’à présent, un accord avait été conclu début février sur un effort d’1,54% du PIB d’ici 2030. Cette trajectoire budgétaire a été confirmée samedi. “Cette trajectoire de croissance confirme le redimensionnement de notre armée, avec une perspective d’un retour social et sociétal”, a indiqué la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), lors d’une conférence de presse organisée à l’issue d’une réunion du comité ministériel restreint (kern). “Le département pourra, à terme, se placer au coeur du dispositif de l’Europe de la Défense avec une contribution alignée à celle des alliés de l’Otan. La croissance du budget nous permettra d’assumer de manière crédible nos missions parmi nos alliés et partenaires. Derrière ces engagements se retrouve une volonté politique d’agir de manière à traduire 4 lignes de forces : le personnel, la résilience, la collaboration avec les industries de défense et centres de recherche du pays et le renforcement du pilier européen.”
Après 2030, plus d’engagement, mais une intention d’aller vers les 2% du PIB à l’horizon 2035. “Ce n’est pas un chèque en blanc”, a indiqué le Premier ministre. “Le combien est important, mais la manière aussi”. Le gouvernement fédéral a donc posé six conditions. Premièrement, la Belgique réclame davantage d’intégration européenne, en complémentarité avec l’Otan. Deuxièmement, le gouvernement souhaite un retour sur investissement plus important pour le tissu industriel belge et européen. Troisièmement, le retour sociétal doit lui aussi être plus important, notamment en matière de cybersécurité et d’éducation. Quatrièmement, les investissements dans la Défense ne doivent pas être réalisés au détriment d’autres enjeux, comme le climat les défis sociétaux. Cinquièmement, la notion d’aide à la nation (lors d’une pandémie ou d’inondations par exemple) doit être incluse dans les dépenses de la Défense. Enfin, sixièmement, la Belgique point l’importance d’élaborer un cadre européen qui encourage l’investissement productif.
Le Premier ministre a par ailleurs indiqué devant la presse que la Belgique serait bien représentée la semaine prochaine à Vienne en tant qu’observatrice à la conférence des États parties au Traité sur l’Interdiction des Armes nucléaires (TIAN).
“La raison l’a enfin emporté”
Dans la majorité, le président du MR Georges-Louis Bouchez a salué l’accord. “La raison l’a enfin emporté”, a-t-il estimé sur Twitter. “La Belgique consacrera 2% de son PIB aux dépenses militaires afin d’être un partenaire fiable au sein de l’Otan et de préserver nos valeurs fondamentales face aux menaces mondiales multiples. Pas de surenchère, mais stop à l’angélisme coupable.”
“Face à l’incertitude sécuritaire internationale, notre responsabilité est de renforcer nos investissements en Défense”, ajoute le ministre David Clarinval, qui représente le MR au kern en l’absence de Sophie Wilmès. “La Belgique est un allié fiable de l’Otan.”
Le ton était différent chez Ecolo. “L’accord intervenu n’est rien d’autre qu’une redite de l’intention d’avancer dans la direction d’un réinvestissement, comme la Belgique s’y était engagée en 2014. Il comprend par ailleurs 6 conditions qui permettront aux gouvernements successifs de garder la main sur les budgets qui seront concrètement dégagés à l’avenir. La loi de programmation militaire n’ira pas au-delà du 1,54% en 2030.”
“Les exigences écologistes dans le traitement de ce dossier ont fait bouger les lignes. Et je m’en réjouis”, a renchéri le vice-Premier ministre Ecolo Georges Gilkinet, présent samedi autour de la table. “L’objectif était d’éviter un chèque en blanc par rapport à l’évolution du budget de la Défense. Les 6 conditions que nous avons fixées par rapport celle-ci permettront aux futurs gouvernements d’éviter que les choix posés en la matière soient aveugles ou se fassent au détriment des investissements nécessaires en matière de justice sociale et de transition énergétique. Le budget pour la coopération au développement va pouvoir enfin commencer son trajet vers l’objectif de 0,7% de PIB”, a-t-il ajouté.
“Bonne nouvelle”, a d’ailleurs annoncé la ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (Vooruit). “Une trajectoire de croissance du budget de la Coopération à 0,7% (du PIB) d’ici 2030 a été convenue ! Avec ce gouvernement, nous opérons une nette rupture de tendance avec davantage d’investissements solidaires. C’est important dans les moments difficiles, et cela nous rend tous meilleurs.”
Dans l’opposition, le PTB dit un franc “non à l’augmentation du budget militaire”. “Il est irresponsable d’augmenter aujourd’hui ces investissements supplémentaires, particulièrement à l’heure où les prix de l’énergie continuent d’augmenter, où les biens alimentaires deviennent plus chers, où l’essence se dirige vers les 3 euros le litre et où, à cause du gouvernement, nos salaires sont encore bloqués”, écrit le député fédéral Nabil Boukili dans un communiqué. “Nous attendons d’un gouvernement dans lequel se trouvent les partis écologistes qu’il choisisse de ne pas investir dans une industrie qui contribue au réchauffement de la planète, mais qu’il investisse plutôt dans des initiatives qui permettent la transition écologique.”
De leur côté, Les Engagés pointent un discours différent entre libéraux et écologistes. “Comment dire. Vous avez le choix entre ‘qu’une redite de l’intention d’avancer dans la direction’ ou ‘consacrera’. Et aussi entre ‘1,54%’ ou ‘2%’. Un accord alambiqué qui n’en est manifestement pas un¿”, conclut la cheffe de groupe à la Chambre Catherine Fonck.