Christophe De Caevel
On n’a toujours pas la moindre ébauche de solution au surcoût “démographique” des pensions (édito)
Comme tous les gouvernements, la Vivaldi promet de s’attaquer au défi des pensions. Un défi gigantesque puisque les projections du Comité d’étude sur le vieillissement annoncent un surcoût de 26 milliards d’euros à l’horizon 2050. Sans de drastiques mesures anticipatives, l’Etat belge ne sera jamais en mesure d’assumer de telles dépenses…
Comme tous les gouvernements, la Vivaldi finira-t-elle par reculer devant l’ampleur de la tâche ? Les premières propositions déposées par la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) permettent utilement de corriger une série d’inégalités grâce, notamment, à une meilleure prise en compte du travail à temps partiel dans le calcul des carrières, ce qui devrait augmenter la pension moyenne des femmes. La ministre revient aussi avec l’idée de pension à temps partiel, esquissée par son prédécesseur Daniel Bacquelaine (MR) afin d’adoucir les atterrissages professionnels et de prolonger ainsi la durée moyenne des carrières.
Karine Lalieux, qui se base sur les calculs de son administration, assure que sa réforme sera budgétairement neutre. En admettant que ce soit le cas, on n’a toujours pas la moindre ébauche de solution au surcoût “démographique” des pensions, pourtant systématiquement pointé depuis plus de 20 ans. A défaut d’avoir anticipé, il faudra bien un jour ou l’autre, soit rogner sur des avantages que l’on croyait acquis et écorner des régimes préférentiels (à commencer sans doute par celui, très symbolique, de la pension des mandataires publics), soit dégager de nouvelles sources de financement, dans un pays où la fiscalité est déjà l’une des plus élevées au monde. Ce débat est politiquement très sensible et, jusqu’ici, aucun exécutif n’a osé réellement l’aborder.
On n’a toujours pas la moindre ébauche de solution au surcoût “démographique” des pensions, pourtant systématiquement pointé depuis plus de 20 ans.
Il est amusant de noter ici les critiques convergentes du MR, de l’Open Vld et de la N-VA envers les propositions de Karine Lalieux. Ces trois partis préconisent notamment un durcissement des conditions d’accès à la pension minimale (laquelle sera revalorisée durant la législature) et une plus grande convergence entre les régimes, au détriment de celui des fonctionnaires, de loin le plus favorable en matière de pension. A se demander pourquoi diable ces trois partis, qui semblent sur des lignes politiques très proches, n’ont pas agi lors de la précédente législature, quand la coalition était idéologiquement bien plus cohérente que l’actuelle Vivaldi. Ils aimeraient faire endosser aujourd’hui par les partis socialistes les mesures qu’ils n’ont eux-mêmes pas osé prendre hier.
Le gouvernement de Charles Michel, tout fier d’avoir renvoyé le PS dans l’opposition, avait commencé très durement en reportant l’âge légal de la pension de 65 à 67 ans. La mesure avait braqué l’opinion et la coalition n’a ensuite plus beaucoup osé avancer. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait sur la table le rapport fouillé de la commission Vandenbroucke, sur lequel les décideurs politiques pouvaient s’appuyer pour développer une pension à points, épousant la carrière effective de chacun. Comme d’ailleurs, il y avait un plan Wathelet pour organiser la sortie du nucléaire et sur lequel le gouvernement Michel n’a pas non plus jugé utile de s’appuyer. Résultat : ces deux dossiers n’ont pas pu être menés à bien par “la suédoise” et reviennent en boomerang empoisonner la vie de la très large équipe actuelle. Tous les amateurs de foot le savent : l’équipe qui ne marque pas quand elle domine finit souvent par perdre le match. Les libéraux peuvent regretter les occasions manquées de la précédente législature.
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