Manifestation à Bruxelles : pourquoi les agriculteurs sont-ils en colère ?

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Près de 8.000 agriculteurs et 500 tracteurs sont attendus ce jeudi dans le centre de Bruxelles pour dénoncer la crise persistante du secteur et alerter la Commission européenne sur deux dossiers jugés explosifs.

Des milliers d’agriculteurs venus de toute l’Europe convergent ce jeudi vers Bruxelles. En toile de fond, une colère qui dure depuis des années et deux lignes rouges clairement identifiées : l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, et la crainte d’une réduction du budget de la politique agricole commune (PAC). Une mobilisation d’ampleur, qui s’annonce aussi très perturbante pour la circulation dans la capitale.

Tracteurs et cortège au cœur du quartier européen

Les quelques 8.000 agriculteurs et 500 tracteurs sont attendus fin de matinée dans le quartier Nord, pour un départ du cortège prévu vers 12h. Le parcours empruntera la petite ceinture, avant de rejoindre la rue de la Loi, puis la rue de Trêves, pour une arrivée place du Luxembourg. Les prises de parole des organisations agricoles sont annoncées vers 14h.

Une quarantaine d’organisations européennes seront représentées. Côté wallon, des délégations de la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA) et de la Fédération des jeunes Agriculteurs (FJA) ont confirmé leur présence. La Fugea, en revanche, ne participera pas à l’action bruxelloise, ayant mené une initiative distincte mercredi matin à l’aéroport de Liège contre l’accord Mercosur.

Les tracteurs, symbole du monde agricole, commenceront à affluer dès 8h depuis la Wallonie et d’autres pays européens, renforçant la visibilité – et l’impact – de la manifestation.

Les conséquences pour les naveteurs : la Stib prévient que certains accès aux stations des métros seront fermés. Cela concerne la station Arts-Loi (accès n°1 et 2) après 11h, ainsi que la station Maelbeek (accès n°2 et 5) après 12h.

Les trams 93 et 93, ainsi que les bus 12, 14, 20, 21, 27, 29, 34, 36, 38, 58, 61, 63, 64, 65, 66, 80, 88 et 95 risquent d’être fortement perturbés suivant l’avancée du cortège.

PAC et Mercosur dans le viseur

Cette mobilisation intervient alors que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent à Bruxelles pour discuter du futur cadre budgétaire de l’Union européenne. Les agriculteurs redoutent une baisse du financement de la PAC après 2027. En parallèle, ils s’opposent fermement à l’accord commercial avec le Mercosur, que la Commission européenne espère encore finaliser lors d’un sommet prévu samedi au Brésil, à Foz do Iguaçu.

Même si le Mercosur ne figure pas officiellement à l’ordre du jour du sommet européen, la question pourrait être soulevée, notamment par la France, qui mène le camp des opposants. La combinaison de la manifestation et du sommet européen promet une journée noire pour la mobilité à Bruxelles. Des blocages ne sont pas exclus, y compris aux accès de la Région. La police déconseille fortement l’usage de la voiture et recommande les transports en commun, le train ou le métro. Les transports de surface pourraient eux aussi être fortement perturbés.

Un secteur au bord de la rupture

Cette colère s’inscrit dans un contexte de détresse psychologique alarmante du monde agricole, révèle une étude inédite de l’UCLouvain publiée fin novembre. Menée auprès de 133 agriculteurs francophones, elle établit que 77% d’entre eux présentent un déséquilibre entre facteurs de stress et ressources de protection – un taux trois fois supérieur à celui des salariés.

Les chiffres sont édifiants : 53% des agriculteurs francophones souffrent de dépression modérément sévère à sévère, 28% sont à haut risque de burnout, et 18% ont eu des pensées suicidaires au cours du mois écoulé. En cause : les difficultés économiques, la charge administrative écrasante et le sentiment de perte de contrôle sur l’exploitation.

“On nourrit le monde mais peu le perçoivent. On travaille d’arrache-pied pour être très mal payés”, témoigne un agriculteur dans l’étude. Un autre confie : “On passe la moitié de notre temps à remplir des papiers rédigés par des gens qui ne comprennent pas notre réalité.” “L’ampleur du déséquilibre et de la détresse observée est sans précédent”, souligne Moïra Mikolajczak, spécialiste du burnout à l’UCLouvain et encadrante de l’étude. Les résultats ont été transmis à la ministre wallonne de l’Agriculture Anne-Catherine Dalcq.

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