Lula est de retour
De retour à la présidence, Lula doit affronter un environnement plus hostile que lors de son premier mandat.
Après quatre années désastreuses sous Jair Bolsonaro, un populiste d’extrême droite dont les politiques ont fait des ravages dans la forêt amazonienne et qui parlait de la pandémie de Covid-19 comme d’une “petite grippe”, le Brésil changera de président en 2023. Luiz Inácio Lula da Silva, l’un des fondateurs du Parti des travailleurs, qui a déjà été président entre 2003 et 2010, va à nouveau gouverner le pays après une campagne rude et parfois violente. Il a battu Bolsonaro en octobre avec 50,9% des voix, contre 49,1% pour Bolsonaro.
Dans les semaines qui ont précédé l’élection, Bolsonaro avait préparé ses adeptes à croire que toute issue autre que sa victoire serait signe de “fraude”. Après l’annonce des résultats, il a refusé de s’exprimer durant près de deux jours, mais a fini par déclarer qu’il respecterait la constitution, ouvrant la porte à une passation de pouvoir.
Son départ permettra au Brésil de redevenir l’un des acteurs mondiaux de la lutte contre le réchauffement climatique et de revenir au coeur des efforts pour établir la paix et la démocratie en Amérique latine, en particulier chez son voisin le Venezuela. Dans le même temps, Lula tentera de faire revenir à la normale les institutions affaiblies du pays tout en appliquant des politiques économiques et sociales de gauche. Cependant, il devra composer avec un Congrès conservateur et parvenir à unifier un pays actuellement polarisé. Beaucoup blâment encore son parti pour le grand scandale de l’affaire Lava Jato (“Lavage express”) et pour la récession de 2014-2016 dont le pays ne s’est pas encore totalement relevé.
Le bolsonarisme restera une force politique importante dans la société brésilienne, sûrement bien au-delà de 2023.
Protéger les pauvres et l’environnement
Lula affirme que sa priorité est d’aider les plus pauvres. Il a promis d’élargir les versements d’aides et les annulations de dette et de lancer un grand projet d’infrastructures pour stimuler la croissance et créer des emplois. Mais l’économie actuelle du Brésil est dans une situation bien plus compliquée que celle de 2003, lorsqu’il est devenu président pour la première fois. Si son gouvernement applique son projet de remplacer les plafonds de dépenses par des règles fiscales plus souples, il devra convaincre les marchés qu’il ne va pas abuser des dépenses publiques, ce qui entraînerait une hausse soudaine des taux d’intérêt et mettrait à mal le réal. Son projet pour un impôt plus simple et plus progressif pourrait favoriser la croissance mais il est peu probable que le Congrès l’accepte. Des privatisations et des réformes du secteur public sont encore moins envisageables.
Lula a en revanche de meilleures chances de progresser sur le plan écologique. Sa première tâche sera de réinstituer d’importantes agences fédérales de protection de l’environnement qui avaient vu leur budget réduit et leurs effectifs décimés par Bolsonaro. Il espère ainsi ralentir la déforestation, en particulier celle de la forêt amazonienne qui joue un rôle crucial dans l’endiguement du réchauffement climatique. Lula va sûrement chercher une plus grande coopération avec les pays qui bordent l’Amazonie et davantage de fonds internationaux pour assurer un développement économique durable, nécessaire pour dissuader les Amazoniens les plus pauvres de se tourner vers des activités d’élevage ou d’exploitation minière et forestière illégales. L'”économie verte” du Brésil n’est encore qu’un idéal. Pour en faire une réalité, il faudra de la recherche et de l’investissement, en particulier en science et en technologie.
Bolsonaro à l’affût
Bien que Lula soit un politicien aguerri, il pourrait avoir du mal à maintenir une coalition de gouvernement au Congrès. Le parti de Bolsonaro est maintenant majoritaire dans les deux chambres. Ses alliés essayeront de bloquer les projets du président de gauche à chaque occasion. Lula tentera d’établir des alliances avec les partis de centre-droit, qui exigeront en retour les rênes d’une partie du budget et des postes au gouvernement. La tâche lui sera plus facile si les élections de février, pour la direction du Sénat et de la chambre basse, écartent les bolsonaristes actuellement à leur tête.
Le bolsonarisme restera une force politique importante dans la société brésilienne, sûrement bien au-delà de 2023. Quelque 58 millions d’électeurs ont choisi Bolsonaro. A l’annonce de la victoire de Lula, des milliers de bolsonaristes ont bloqué les routes et réclamé une “intervention militaire”, même si la colère a fini par laisser place à la résignation. Bolsonaro dispose toutefois d’une masse de partisans fidèles qu’il pourrait mobiliser si besoin, par exemple s’il venait à être poursuivi pour sa piètre gestion de la pandémie. Nombre d’entre eux ne font plus confiance aux institutions comme les grands médias et la Cour suprême et s’enferment alors dans une chambre d’écho. Il sera difficile pour Lula de s’attirer leurs faveurs. Le Brésil restera polarisé pendant encore plusieurs années.
Source : The Economist
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