Rudy Aernoudt
L’insécurité nuit à l’économie
A chaque entréedu “shopping center” de Dubaï, un panneau énumère les règles de courtoisie imposées aux visiteurs : port d’une tenue décente couvrant épaules et genoux, interdiction de fumer, boissons alcoolisées prohibées tout comme les manifestations publiques d’affection ou les activités dangereuses.
Mon propos n’est ni de commenter l’opportunité de ce règlement, ni de citer Dubaï en exemple, mais de souligner que le fait de pénétrer dans ce centre commercial signifie que l’on s’engage à en respecter strictement les règles. Le client à qui prendrait l’idée d’agir autrement serait expulsé et se verrait infliger une amende salée. Il n’est donc pas étonnant qu’aucun Arabe, Américain ou Européen n’ose faire un pas de travers. Les considérations culturelles n’entrent pas, ici, en ligne de compte. Quel contraste avec les comportements constatés à la côte ou dans les grandes villes belges, où l’absence de correction la plus élémentaire peut entraîner un profond sentiment d’insécurité !
Notre pays doit absolument se doter d’une politique de sécurité responsable et visionnaire, non seulement pour ses citoyens, mais aussi pour limiter les dégâts économiques.
Certes, me direz-vous, mais quel rapport avec l’économie ? La sécurité est un facteur majeur de compétitivité d’un pays et de sa capacité à attirer les investissements, deux éléments qui en déterminent à leur tour le niveau de prospérité. Même intuitivement, chacun sait que le sentiment d’insécurité nuit à l’économie. Les clients évitent les quartiers et les centres commerciaux peu sûrs. Les parents ne laissent pas leurs enfants aller au cinéma n’importe où. Les touristes optent pour des zones où leur santé, leur vie, sont le moins en danger. Pour l’investisseur aussi, la sécurité est une condition essentielle. Peut-on objectiver ce paramètre ?
Le sentiment d’insécurité se mesure essentiellement par le biais d’enquêtes. Or celles-ci montrent par exemple que le sentiment d’insécurité concerne surtout les femmes (enquête SCV, 2015) ; qu’il est plus particulièrement marqué dans les grandes villes, Région bruxelloise et province du Hainaut en tête (enquête de la Police fédérale, 2019). Le sentiment d’insécurité est donc une réalité. Démontrer sa relation avec l’économie est toutefois une autre histoire. L’indice de compétitivité du Forum économique mondial est un des moyens susceptibles de nous aider. Cette année, il attribue la 25e place à la Belgique. Les Pays-Bas (4e), l’Allemagne (7e) et la France (15e) font nettement mieux. La première place est occupée par la Finlande. Assez curieusement, la Belgique, en plus des vieilles casseroles qu’on lui connaît, comme la lourdeur de sa fiscalité du travail et de sa fonction publique, est très mal classée au niveau du ” paramètre terroriste ” (au sein de l’Europe des 27, seules la Grèce, l’Allemagne et la France font plus mal encore). A l’échelon mondial, elle côtoie des pays comme Israël, l’Ouganda, le Burkina Faso et le Tchad.
Comme si le Covid-19 ne faisait déjà pas suffisamment de tort à l’économie, des esprits chagrins jettent de l’huile sur le feu. Ce qui, avec l’aide de certains médias trop heureux d’amplifier la désinformation, renforce le sentiment que la Belgique est un endroit peu sûr. Notre pays doit absolument se doter d’une politique de sécurité responsable et visionnaire, non seulement pour ses citoyens, mais aussi pour limiter les dégâts économiques. Une telle politique doit relever d’une stratégie globale, soutenue par un appareil judiciaire et policier efficace. Le laisser-aller en la matière témoigne d’un manque de respect vis-à-vis de l’électeur et dévaste l’économie. Un luxe que notre plat pays ne peut en aucun cas se permettre.
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