Lire la chronique d' Amid Faljaoui
L’inflation, la mouche et les prix dans l’ascenseur
Et si nous parlions de l’inflation ? Elle a été la grande absente pendant 20 ans dans nos pays, mais voilà que cette revenante fait un retour fracassant.
L’inflation a déjà un impact sur notre mode de consommation. En Allemagne, par exemple, 64% des Allemands ont déjà réduit leurs dépenses et 48% ont renoncé aux marques chères dans l’alimentaire. Alors que le COVID avait donné un coup de fouet à l’e-commerce, justement en raison de sa rapidité de livraison, on constate l’inverse aujourd’hui : l’attention aux prix figurant sur les étiquettes est plus importante aujourd’hui que le délai. En clair, le facteur temps est devenu secondaire.
On sait aussi que l’inflation, surtout quand elle est trop élevée, est en réalité du chômage retardé. Comme on a perdu l’habitude de l’inflation dans nos contrées, on a oublié que l’inflation d’aujourd’hui fabrique le chômage de demain. En fait, les salariés sont les grands perdants de l’inflation. Ils perdent déjà une première fois dans cette course au pouvoir d’achat (et encore en Belgique, nous sommes l’un des rares pays au monde avec le Luxembourg et Malte à avoir la chance d’avoir une indexation automatique des salaires). Mais même avec cette différence, la compensation salariale se fait avec retard sur l’inflation. Ce n’est pas tout. Cette indexation automatique salariale ne compense pas toute la hausse des prix. Gardez toujours à l’esprit que si les prix prennent l’ascenseur, les salaires prennent eux l’escalier, manière polie et imagée de montrer que le salarié est l’une des grandes victimes de l’inflation.
Ce que le salarié a tendance à oublier également, c’est que cette boucle salaire/prix conduit quasi automatiquement les salariés au chômage si l’entreprise n’arrive plus à les payer ou à répercuter la hausse des salaires sur le prix payé par le consommateur. Que faire, me direz-vous ? Si j’avais la réponse, je serais Premier ministre et ça se saurait. Ensuite, j’ai bien peur que les solutions du passé ne soient plus trop valables aujourd’hui. Il y a 40 ans, lorsque l’inflation était élevée, encore plus que maintenant, les banques centrales augmentaient les taux d’intérêt drastiquement pour casser la fièvre inflationniste. Mais 2022 n’a rien à voir avec 1973. Aujourd’hui, la hausse des prix est d’abord le résultat du COVID qui a bloqué la production en Chine et l’acheminement de toute une série de produits dont les prix ont explosé. La guerre en Ukraine ne fait qu’accélérer ces blocages. Augmenter les taux d’intérêt ne va rien changer à ces pénuries. C’est pourquoi les banques centrales sont hésitantes aujourd’hui à augmenter leurs taux d’intérêt surtout en zone euro. J’ai parlé des salariés, mais pas mal d’entre eux sont aussi locataires, or ces derniers sont fragilisés par l’inflation du fait de l’indexation des loyers. Ces mêmes salariés sont hélas aussi souvent endettés et donc augmenter les taux d’intérêt, ce serait une double peine pour eux. La banque centrale européenne le sait, c’est pourquoi elle veut augmenter ses taux d’intérêt, mais à dose homéopathique.
Comme le disait mon confrère Jean-Marc Vittori, augmenter fortement les taux d’intérêt “dans un environnement pareil, c’est frapper une mouche avec un marteau, mais une mouche qui serait sur un carreau”. Voilà en résumé pourquoi les banques centrales font semblant d’augmenter les taux d’intérêt, mais pas autant qu’elles le pourraient. Normal, il y a trop de personnes endettées et la révolution sociale est toujours au coin de la rue. Autant le savoir et oser le dire.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici